Intervention de Fleur Pellerin

Séance en hémicycle du 11 juin 2013 à 15h00
Débat sur internet et la protection des données personnelles — Débat

Fleur Pellerin, ministre déléguée chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique :

S'agissant de la constitutionnalisation, je rappelle que la Constitution garantit déjà les libertés et droits fondamentaux, qui doivent être respectés, que ce soit dans l'espace public réel ou virtuel. Internet n'est pas une zone en dehors de la République, et les principes garantis par le bloc de constitutionnalité, la convention européenne des droits de l'homme, la Constitution, la jurisprudence du Conseil constitutionnel, ont vocation à s'appliquer et peuvent être invoqués pour protéger droits et libertés, y compris sur Internet. C'est un débat que l'on peut néanmoins ouvrir, cela correspond peut-être à une demande sociale forte. Je pense que pour l'instant le niveau législatif est suffisant, et c'est l'option qu'a choisie le Gouvernement, sachant, en particulier, que la notion d'habeas corpus numérique concerne davantage la gestion ou le traitement informatisés des données par les autorités publiques, notamment la police, que l'action d'opérateurs privés.

En ce qui concerne la fiscalité numérique, nous menons un travail à plusieurs étages. Le débat, ces derniers mois, au sein de l'Union européenne et de l'OCDE, a considérablement gagné en ampleur. Le sujet était assez peu évoqué il y a encore un an, mais la question de l'érosion des bases et du déplacement des profits est entrée dans la discussion au sein de l'OCDE, à la demande, d'ailleurs, de l'administration américaine.

Nous travaillons dans le cadre de l'OCDE sur la question de savoir comment nous pouvons appliquer à l'économie numérique une notion de présence digitale fiscale – c'est la traduction des termes anglais retenus – qui permettrait de rattacher à un territoire des bénéfices ou un chiffre d'affaires réalisé par une entreprise n'ayant pas de siège, pas de représentation juridique dans un pays de l'Union européenne.

Au sein de l'Union européenne, la réflexion a été relancée sur une assiette commune consolidée de l'impôt sur les sociétés qui permettrait d'avoir une position de négociation plus forte vis-à-vis des acteurs multinationaux optimisant leur impôt, quitte, ensuite, à ce que l'on trouve les moyens de répartir la recette fiscale entre les États de l'Union, en fonction de critères à déterminer : chiffre d'affaires, taille d'équipes, bénéfices…

Enfin, s'agissant des solutions nationales, le rapport de Nicolas Colin et Pierre Collin a proposé une taxation des entreprises ayant un usage non vertueux des données personnelles. Nous y travaillons depuis plusieurs mois avec les services de la législation fiscale et la direction du budget. Mais ce sont des concepts compliqués à mettre en oeuvre. En particulier, ils ne doivent pas conduire à ce que des entreprises comme Orange ou EDF – cette dernière étant moins présente dans l'économie numérique –, qui manient beaucoup de données personnelles, soient excessivement lésées.

La solution n'est pas mûre à ce jour ; nous y travaillons encore. Il n'est d'ailleurs pas exclu que nous ayons des propositions lors du prochain projet de loi de finances. Mais ces concepts sont radicalement nouveaux et il n'est pas aisé de les mettre en oeuvre. Surtout, leur impact doit absolument être évalué au préalable, pour savoir quels types d'entreprises seront concernés, si cela implique des transferts de charges, entre quels acteurs… Nous souhaitons avancer sur le sujet, mais avec prudence, pour ne pas mettre en danger les marges de croissance d'entreprises qui utilisent beaucoup de données personnelles.

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