Selon le travail conjoint de l'IGF et du CGA, l'insuffisance de crédits de masse salariale en 2012 s'est élevée à 453 millions d'euros, dont 293 millions imputables aux problèmes liés à Louvois. Sur ces 293 millions d'euros, 160 millions sont liés au fait qu'un certain nombre d'indemnités dues au titre de 2011 n'ont pas été traitées au moment du démarrage du raccordement de l'armée de terre au système et ont été versées l'année suivante. Il s'agit donc d'une charge exceptionnelle, qui ne se reproduira pas en 2013. Par ailleurs, 130 millions d'euros correspondent aux versements indus ou trop-perçus ; la question est de savoir si les progrès réalisés cette année vont permettre de réduire ce montant, mais il est trop tôt pour se prononcer.
Le ministre a participé aux décisions. Celle qui a conduit à la « bascule » de l'armée de terre sur Louvois s'est prise dans son bureau en présence du chef d'état-major des armées (CEMA), du DRH du ministère et du directeur de cabinet. Le ministre disposait des mêmes informations que le CEMA ou moi-même, et probablement que le DRH de l'armée de terre. Avant que cette décision ne soit prise, celui-ci ainsi que le chef d'état-major des armées ont signé une prise de position en faveur du raccordement à Louvois. Je ne peux penser qu'aucun de ceux qui avaient un rôle à jouer dans la conduite de ce projet – ministre en tête – ait pu prendre cette décision en ayant connaissance d'un risque à la hauteur de ce que nous sommes en train de vivre.
Certes, on avait conscience de certains risques, qui faisaient l'objet tous les quinze jours d'une analyse par le comité de pilotage. Des tests ont par ailleurs été préalablement réalisés et on avait comparé le degré d'erreurs provoquées par ceux-ci avec le seuil exigeant fixé par les armées – qui était de l'ordre de 93 % de réussite pour envisager la « bascule ». C'est fort de ces éléments que le ministre a pris ses décisions.
Rien, à ce moment-là, en octobre 2011, ne pouvait laisser présager de ce qui est intervenu à partir du printemps suivant.
Quant à la fermeture des CTAC, elle a effectivement été prématurée, mais je ne crois pas que les dates prévues initialement étaient mauvaises. Elle avait été décidée en 2008 dans le cadre des mesures de restructuration et devait commencer en 2011 : le calendrier prévisionnel de Louvois laissait alors penser que tout serait bien coordonné.
Mais nous avons sous-estimé l'impact de nos choix en matière de gestion sociale des restructurations et le fait que, sans attendre 2011, des personnels qui voyaient une opportunité de reclassement se présenter n'ont pas été dissuadés de rejoindre leurs affectations, ce qui a provoqué une perte de compétences prématurée des CTAC. Il aurait probablement fallu avoir un pilotage plus ferme sur ce volet, quitte à ce qu'il soit moins favorable aux personnels.
S'agissant de la note d'étude que j'ai transmise au ministre en début d'année, qui préfigurait le rapport sur la fiabilisation de la fonction solde que j'évoquais, il nous a été demandé d'anticiper une partie de notre travail en raison des décisions rapides qui devaient être prises pour remédier à la crise de Louvois. Elle avait pour objectif d'identifier les alternatives possibles. Trois solutions étaient identifiées : continuer avec Louvois et concentrer toute notre énergie au redressement de la situation à partir de ce système ; commencer à étudier le recours à un autre progiciel, qui nécessiterait probablement un délai de trois ans ; gérer mois après mois la solde en ramenant l'armée de terre au système antérieur le temps de rectifier les erreurs de Louvois.
Aucune étude plus approfondie n'a été réalisée. Le CGA avait proposé d'examiner la faisabilité de ces trois hypothèses, mais le cabinet du ministre a décidé d'écarter la dernière. Nous saurons au mois d'octobre si la direction générale des systèmes d'information et de communication (DGSIC) recommande la première ou la seconde voie.