Intervention de Christian Piotre

Réunion du 5 juin 2013 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Christian Piotre, chef du contrôle général des armées :

Madame Chabanne, si le risque de détournement de fonds n'est pas avéré, on ne peut l'écarter. Dans les rapports que nous remettons avec l'IGF sur l'impact budgétaire de Louvois en 2012, nous soulevons cette question. D'ailleurs, je pense qu'il y aura à nouveau un travail conjoint du CGA et de l'IGF sur ce point, avec vérification par sondage d'opérations, pour s'assurer qu'il n'y a pas eu d'irrégularités.

À l'évidence, le ministère de la Défense fera l'objet d'une réserve sur la certification des comptes, étant donné la faiblesse de l'information comptable et de sa cohérence. Il faut maintenant prendre les mesures nécessaires pour y remédier.

Monsieur Le Déaut, je suis formel : si des alertes sur la gravité de ce qui allait se passer étaient parvenues au ministre ou à ses grands subordonnés, dont notamment le CEMA et moi-même, jamais il ne lui aurait été conseillé d'opérer le raccordement. Le ministre était dans une relation de confiance avec ses principaux collaborateurs. Cela dit, je n'exclus pas qu'il y ait eu soit des ruptures dans la remontée de l'information du terrain, soit une mauvaise prise en compte de celle-ci du fait des bouleversements d'organisation que nous avons connus.

Il est vrai que Chorus a mal démarré lors des quatre premiers mois de 2010, mais on ne peut reprocher à l'Agence pour l'informatique financière de l'État (AIFE) ni au ministère de la Défense de n'avoir pas fait les efforts nécessaires sur la formation des agents, ce qui a permis de très vite rétablir la situation.

Il aurait fallu un plan de formation et d'accompagnement rigoureux pour Louvois. Cependant, il n'y a eu guère de temps pour ce faire entre la constitution des groupements de soutien des bases de défense en 2011 et le raccordement au système.

Par ailleurs, si nous avions alors arrêté le projet, comment aurions-nous payé les militaires à partir du mois d'octobre 2011 ? Je rappelle que le chef d'état-major de la marine avait souhaité un raccordement rapide car son système d'information était fragile. Beaucoup d'éléments conduisaient en effet à penser que le système Louvois apporterait des solutions à des difficultés prévisibles et identifiées.

Je n'ai pas dit que la qualité des informations dont sont responsables les armées et leurs directions des ressources humaines était mauvaise, mais elle a été inégale, comme le constate le rapport du CGA. Elle a été très bonne pour le SSA et la marine et moins bonne pour l'armée de terre. Cela peut se comprendre : la marine, avec son organisation centrée sur deux ports principaux, a bénéficié d'une stabilité des équipes, de même d'ailleurs que le SSA ; alors que, pour l'armée de terre, il a fallu déplacer les compétences des régiments vers les bases de défense et reconstituer des équipes.

Cela ne réduit pas la sévérité du constat ni n'exonère les responsabilités, mais il faut aussi tenir compte de la complexité de la situation et des exigences extrêmes qui pesaient sur nous tous – que nous avons essayé de satisfaire dans les meilleures conditions.

S'agissant des prestataires extérieurs, les procédures des marchés ont a priori été respectées, qu'il s'agisse de l'ouverture à la concurrence ou des conditions de passation de ceux-ci. Le ministère de la défense a procédé à la modernisation de sa fonction achat et les représentants du pouvoir adjudicateur sont maintenant au bon niveau. Mais il peut y avoir des difficultés sur les cahiers des charges. Soit ils sont imprécis, et ils laissent une marge de manoeuvre importante aux prestataires et l'on constate a posteriori des prestations qu'on n'avait pas envisagées – il faudra voir si c'est le cas en l'occurrence –, soit leur niveau d'exigence est tel qu'il accroît sensiblement le coût de la prestation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion