Intervention de Philippe Plisson

Réunion du 11 juin 2013 à 16h30
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Plisson :

Alors que s'est achevée la deuxième phase du débat sur la transition énergétique, celle de la participation et concertation, nous souhaitons saluer cette initiative visant à préparer au mieux le futur projet de loi sur la transition énergétique, qui devrait être débattu en séance publique à partir de février 2014.

La préoccupation environnementale fait désormais partie intégrante des politiques publiques. Les idées écologistes ont fait leur chemin dans les esprits et chacun, par-delà les divergences idéologiques, est convaincu de la nécessité d'un développement soutenable, comme en témoigne l'existence de cette commission du développement durable. En quelques décennies, les idées dominantes sur le progrès et le développement ont été transformées par une prise de conscience : les sociétés doivent inscrire leur développement dans le temps long, afin que la réponse aux besoins du présent n'entre pas en contradiction avec ceux des générations futures.

Dans ce contexte, il convient de s'attaquer à un ensemble de défis : la limitation des activités polluante et des émissions de gaz à effet de serre, responsable d'un réchauffement climatique dont les effets négatifs sur les écosystèmes sont bien connus, la protection de la biodiversité, la lutte contre l'étalement urbain et l'artificialisation des sols, la protection des équilibres écologiques.

Notre modèle de développement actuel, fondé sur les hydrocarbures fossiles, ne survivra pas à l'épuisement des gisements de pétrole et de gaz, et le recours à la fracturation hydraulique pour exploiter les gaz et huiles de schiste n'est qu'une fuite en avant, qui ne résout en rien le problème des émissions polluantes, et qui nous ralentit dans la mise en place d'un bouquet énergétique décarboné.

La nécessité de trouver d'autres sources d'énergie et l'objectif de réduire l'impact environnemental de nos activités sont les deux principaux moteurs de la transition énergétique. En vertu du principe de précaution, ce processus se veut progressif et inscrit dans le temps long. Il ne s'agit pas, à l'instar des révolutions industrielles, de faire table rase du passé pour changer nos modes de production et de consommation, mais plutôt de préparer l'avenir avec tout le recul et la mesure que nous impose la gravité de la situation.

Ces éléments de contexte visent à rappeler l'importance de la mission confiée à cette commission : réaliser le travail de préparation de la transition énergétique, un travail de fond qui s'étale sur de longs mois. Il nous incombe d'appliquer les propositions du président de la République : limitation progressive des gaz à effet de serre, économies d'énergie, rééquilibrage du bouquet énergétique en faveur des sources renouvelables, tout en prenant en compte la réalité sociale, économique et politique du pays. Nous devons être à la fois des idéologues et des pragmatiques. Si notre rôle est crucial, c'est que le projet global de la transition énergétique transcende l'ensemble des membres du corps social.

Tout d'abord, ce projet bouscule certains intérêts privés et inquiète de nombreux agents économiques, comme on le voit dans le débat sur la taxation du gazole. La protection de l'environnement peut paraître menaçante aux yeux des citoyens ; les connaisseurs des problématiques de chasse le savent bien. À travers la classe politique, même si le développement durable est sur toutes les bouches, les divergences idéologiques conduisent à des projets opposés. Des écologistes aux productivistes, il nous faut trouver un consensus qui fédère l'ensemble des élus en gardant à l'esprit que la transition énergétique doit servir trois objectif : l'écologie, le développement humain, le développement économique. Néanmoins, il ne faut sûrement pas que la transition énergétique amène une fois encore l'écologie en second plan.

Depuis la mise en place du débat national, la commission est allée à la rencontre des acteurs de la société civile. Il est primordial qu'elle assume son rôle de porte-voix des citoyens et de leurs groupements en la matière car cette question mérite une réflexion collective.

Le principe d'un développement durable fait consensus, mais les modalités font débat. Il n'est pas de réponse unique, mais un ensemble de solutions qu'il faut combiner en fonction des besoins et des caractéristiques des territoires. S'agissant des sources d'énergies, il apparaît évident qu'il faut mettre en place un bouquet énergétique où le nucléaire conserve sa part aux côtés de l'ensemble des énergies renouvelables, alors que les hydrocarbures sont voués à disparaître. La problématique centrale est la proportion de ces différentes sources d'énergie et leur répartition territoriale. À ce titre, nous devrions nous pencher sur l'éventualité d'un plan national des équipements énergétiques. Mais la diversification des sources d'énergie ne doit pas remettre en cause le principe d'égalité des citoyens d'accès à la ressource à travers la péréquation tarifaire. Si la diversité territoriale implique que le solaire soit privilégié dans le Midi et l'éolien sur la façade atlantique, les tarifs ne sauraient être régionalisés.

Les adversaires des renouvelables mettent souvent en avant les limites techniques qui s'opposeraient à une généralisation de ces technologies. Ainsi du problème d'intermittence pour le solaire et l'éolien : l'électricité disponible n'est pas continue mais évolue en fonction du vent et de l'ensoleillement. Or il existe des solutions à ces problèmes techniques. Le développement des outils de stockage et la possibilité de mettre en place des réseaux intelligents permettent de surmonter l'obstacle de l'intermittence. L'intervention publique est ici nécessaire, à la fois pour encourager la recherche rendant possible la transition énergétique et pour édifier des infrastructures coûteuses. Car le nerf de la guerre de la transition écologique est son financement : son coût oscillera entre 40 et 65 millions d'euros par an sur plusieurs décennies. Or la question du financement n'a pas été beaucoup mise en avant… Gardons-nous de voir ce projet de loi devenir une coquille vide, au sein de laquelle les grands projets avancés ne trouveraient pas leurs nécessaires financements.

Il convient, enfin, de souligner les avantages économiques que notre pays peut tirer de ce processus. Trouver des énergies nationales respectueuses de l'environnement serait un moyen de réduire la facture énergétique – 68,5 milliards d'euros cette année – qui pèse sur la balance commerciale. La recherche-développement, en la matière, fait partie du redressement productif dans lequel s'est engagé le Gouvernement. Elle doit faire l'objet d'un consensus et mobiliser toutes les énergies, au sens propre comme au sens figuré.

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