Madame la présidente, monsieur le ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche, mes chers collègues, ce débat sur la politique maritime de la France a été inscrit à l'ordre du jour de notre assemblée à l'initiative de la composante ultramarine du groupe GDR, car il nous est évident que, pour une part essentielle, l'avenir se jouera, dans ce domaine, à partir des territoires d'outre-mer et avec les acteurs locaux. En effet, si avec 11 millions de kilomètres carrés, l'espace maritime français est considéré comme le deuxième territoire maritime mondial, il relève pour 97 % des territoires d'outre-mer.
Cette immense zone économique exclusive n'a pourtant pas suscité une ambition particulière. Elle a été négligée car la France a longtemps oublié qu'elle avait une vocation maritime et une responsabilité particulière en la matière. Depuis une décennie, cet oubli commence à être réparé. Expérimentations et réflexions se multiplient. Pas plus tard qu'hier se sont tenues à la Réunion les Assises de la mer et du littoral. Mais les contradictions demeurent, et cela à tous les échelons. Deux exemples l'illustrent de manière éloquente.
D'abord, le niveau des connaissances sur ces espaces. Alors que l'importance des enjeux maritimes s'impose jour après jour, la deuxième puissance maritime mondiale ne dispose toujours pas de données globales sur les ZEE ultramarines, pas plus que sur les ressources naturelles qu'elles recèlent. Cet aspect, qui devient problématique au moment où la prospection des ressources de la mer s'accélère, constitue un argument en faveur de la création de ce « pôle de la mer » que nous appelons de nos voeux à la Réunion. Dans l'océan Indien, haut lieu de la biodiversité, le potentiel de recherche est immense. Une telle structure, où seraient regroupés compétences scientifiques et moyens de recherche, permettrait de rendre plus proche une expertise encore fortement centralisée.
Ce pôle serait aussi un excellent vecteur pour promouvoir l'enseignement et la formation relatifs aux métiers de la mer – les métiers émergents, notamment – ainsi que le préconisait déjà le Grenelle de la mer. Il pourrait également inciter l'Europe à inscrire enfin les océans parmi ses priorités, notamment dans son programme-cadre pour la recherche et le développement.
Paradoxale aussi la politique commune de la pêche : alors qu'elles contribuent pour les deux tiers à la façade maritime communautaire, les régions d'outre-mer et leurs potentialités marines ne sont pas prises en compte. Malgré leurs ressources halieutiques abondantes et préservées, elles sont soumises à la politique de restriction des captures et des flottes définie pour des espaces marqués par la raréfaction des ressources.
On sait qu'avec la Réunion, Mayotte, les îles éparses, les terres australes antarctiques françaises, la ZEE française dans l'océan Indien est loin d'être négligeable. On sait aussi que l'espace maritime des pays de la Commission de l'océan Indien représente deux fois la superficie de la Méditerranée. Pourtant, l'immense majorité des captures – 97 % – dans cet océan est réalisée par des pays non riverains. Le fait que, contrairement aux régions ultrapériphériques portugaises ou espagnoles, les RUP françaises ne soient pas représentées dans un comité consultatif régional semble peser lourd dans les décisions qui les concernent.
Il est donc urgent qu'elles soient, elles aussi, dotées d'un comité consultatif régional, en sorte qu'elles puissent exprimer leur avis au sein de l'Union européenne. De la même manière, la cohérence des décisions se trouverait renforcée si les RUP pouvaient participer, au moins comme observatrices, aux négociations des accords de pêche entre l'Union européenne et leurs pays voisins. Une initiative de la France en ce sens serait particulièrement bienvenue. Elle s'inscrirait dans le cadre de la politique maritime intégrée, qui place les régions parmi les acteurs principaux.
Le xxie siècle sera celui des océans, répète-t-on à l'envi. Le champ des possibles ne cesse en effet de s'élargir. En quelques années, les océans sont devenus une source majeure d'énergies renouvelables. Dans les outre-mer, où de multiples expérimentations sont d'ores et déjà en cours, et notamment le procédé d'énergie thermique des mers, les énergies marines renouvelables seront un apport décisif pour atteindre l'objectif d'autonomie énergétique.
Nous assistons aux prémices d'une nouvelle industrie dans laquelle, du fait de leur position géographique, les territoires d'outre-mer seront incontournables. Filières d'avenir par excellence, les énergies marines ont besoin d'être soutenues. Nous peinerions à comprendre que les projets novateurs en cours à la Réunion finissent par être abandonnés, monsieur le ministre.