Depuis un an, le Gouvernement entreprend de relever le défi maritime français, de résoudre ce paradoxe qui veut que la France, deuxième surface maritime au monde grâce à ses territoires ultrapériphériques, peine à s'affirmer comme une véritable puissance maritime. De Grenelle de la mer en rapports parlementaires ou en travaux d'experts – tous de grande qualité, il va sans dire – le diagnostic est solide.
Vous avez fixé une ambition, monsieur le ministre, une feuille de route : relever le défi maritime français. On peut d'ailleurs enregistrer des avancées ces derniers mois, avec l'application des règles de l'État d'accueil aux navires pratiquant le cabotage en France ou la ratification de la convention internationale sur le travail maritime, pour ne prendre que quelques exemples.
Je souhaiterais, sans couvrir les nombreux sujets qu'appelle un débat sur la politique maritime de la France, en évoquer trois en particulier.
Pour ce qui est de la stratégie nationale de relance portuaire tout d'abord, vous fixez trois priorités : l'industrie, l'aménagement et la logistique. Je ne m'arrêterai que sur ce dernier point. Mettre les ports au centre de la chaîne logistique, quoi de plus naturel en effet, lorsqu'on sait que près de 80 % du commerce mondial empruntent les voix maritimes ? Ainsi, 74 % des marchandises qui entrent en Europe ou la quittent empruntent la mer. Mais un cinquième de ce volume transite par trois ports seulement : Rotterdam, Hambourg et Anvers.
Le développement de l'hinterland de nos ports est donc une nécessité d'autant plus absolue qu'une part importante des flux hexagonaux transite par les grands ports du Nord. Les ports doivent être conçus comme des interfaces, des connexions entre les grandes autoroutes maritimes, ferroviaires et fluviales inscrites dans les grands corridors européens. Ainsi, les enjeux sont largement sur la terre ferme, et le développement des coopérations par façade et par axe entre les grands ports maritimes, les ports décentralisés et les ports intérieurs est d'une importance capitale. Nous avons tous en tête les rapprochements qui s'opèrent dans le Nord-Pas-de-Calais, sur l'axe Seine ou sur la façade Atlantique et en Méditerranée.
Ces démarches conduisent à des projets d'investissements optimisés qui n'en nécessiteront pas moins des financements. Sur ce point, doit-on considérer qu'ils trouvent leur place dans le schéma national des infrastructures de transport ? Et la récente annonce par l'Union européenne d'une remise à niveau de 300 grands ports maritimes annonce-t-elle un soutien accru à l'investissement ?
S'agissant du pavillon français, Arnaud Leroy s'est vu confier une mission sur la compétitivité des transports et services maritimes Français. Nous ne pouvons en effet nous satisfaire du vingt-huitième rang de notre flotte de commerce. Je ne reviendrai pas sur la situation de la compagnie My Ferry Link et, à travers elle, sur l'enjeu du pavillon français, particulièrement dans la Manche et en mer du Nord, évoqué hier. Je sais qu'il fait l'objet d'une grande vigilance.
Je souhaite cependant aborder un sujet connexe, qui pourrait avoir des conséquences, à court terme, sur nos compagnies maritimes transmanche : celui de la directive sur la teneur en soufre des combustibles marins. Cette dernière impose une réduction drastique de la teneur en soufre, qui ne devra pas dépasser 0,1 % à compter du 1er janvier 2015, autant dire demain, dans les zones de contrôle des émissions de soufre – Baltique, mer du Nord, Manche – et 0,5 % en 2020 pour les autres régions maritimes européennes.
Les professionnels s'interrogent sur les techniques disponibles, notamment de filtrage, pour atteindre cet objectif, et redoutent de devoir subir des frais de propulsion gonflés de l'ordre de 40 %.
Vous avez déjà pris plusieurs initiatives sur ce sujet, monsieur le ministre, mais ne peut-il être envisagé de solliciter un nouveau délai auprès de la Commission européenne, non pas pour reporter sine die son application mais d'une certaine manière pour la dépasser, en proposant que la flotte française, en tout cas pour le transmanche, s'engage à se convertir au GPL, ce qui présenterait l'avantage que ne soient émis ni soufre ni particules ? Cet engagement nécessiterait à la fois un délai, mais aussi une aide à l'investissement pour adapter la flotte.
Je souhaite aborder en conclusion une méthode : celle de la politique maritime intégrée. Il s'agit sans doute de l'élément clé de la politique maritime que vous édifiez. Cette approche doit permettre de transformer l'océan de potentialité que recèle le monde maritime. C'est un appel à l'intelligence, à l'innovation, à la définition d'un espace partagé et préservé, pas uniquement sous un angle portuaire, sous celui de la flotte ou de la pêche, qui dominent souvent les débats, mais dans toutes les composantes d'une politique maritime intégrée.
Cette approche exige assurément une stratégie nationale, mais elle ne saurait aboutir sans une déclinaison territoriale associant tous les acteurs. C'est la démarche que vous avez engagée lors de l'installation du Conseil national de la mer et des littoraux, avec le lancement des Assises de la mer, en confiant la responsabilité à chaque façade de contribuer à la définition de cette stratégie.
Enfin, nous savons que la flotte océanographique française est particulièrement vieillissante. Pouvez-vous nous préciser si son renouvellement, régulièrement évoqué, est prévu prochainement ?