Monsieur le ministre, je tiens à vous remercier d'avoir accepté la tenue d'un tel débat à l'Assemblée nationale, à la demande du groupe GDR et particulièrement de ses membres d'outre-mer.
Faut-il rappeler que les outre-mer permettent à la France d'être présente sur les six continents et d'être ainsi la seconde puissance maritime mondiale, après les États-Unis ? Trop souvent nous l'oublions : la France n'est la France que par ses outre-mer.
Malheureusement, cette dimension maritime de la France n'est plus très perceptible dans la politique française depuis une dizaine d'années. C'est donc tout à votre honneur, monsieur le ministre, de vouloir redéfinir enfin une stratégie nationale de la mer pour la France et nous en sommes partie prenante.
La mer et les îles ne sont pas seulement notre environnement, mais aussi notre histoire, notre économie, notre commerce, notre culture, nos transports. L'économie de la mer est donc fondamentale pour nous et dépasse la question des échanges portuaires, du pétrole et du gaz, des ressources des profondeurs, de la pêche. C'est une économie-monde qui s'appuie généralement sur des économies insulaires. C'est une économie-monde qui est née du commerce triangulaire du XVIe siècle, donc des échanges mondialisés.
Le risque de la mondialisation est de dénaturer ce milieu fragile. Mais celle-ci peut aussi être une chance. Je salue par exemple l'initiative de Michel Rocard de faire de l'Antarctique un endroit préservé où l'on n'aurait pas le droit d'exercer certaines activités. Il faut en effet désormais tirer de la mer des occasions d'améliorer le niveau écologique de notre production à terre. Il faut extraire de la mer l'énergie qui s'y trouve en permanence, gratuite et illimitée. Il faut développer la culture en mer des algues riches en protéines. Il faut substituer une approche qualitative à une approche quantitative. Il faut enfin planifier notre approche politique et stratégique de la mer. Nous devons aussi fortement développer par exemple les hydroliennes, les énergies utilisant les courants, les énergies renouvelables.
C'est ce vers quoi vous tendez, monsieur le ministre, en mettant en oeuvre une vision systémique et globale, et je vous en félicite. Je me permettrai cependant de vous interroger sur quelques questions particulières qui intéressent au premier chef les Antilles.
En ce qui concerne les infrastructures et le transport maritime, vous préconisez la mise en oeuvre de stratégies de hub par les principaux donneurs d'ordre dans un contexte de concurrence intense pour capter les trafics, et plus singulièrement, pour notre région des Antilles, le trafic de transbordement.
De fait, la région caribéenne est amenée à connaître de profondes mutations avec l'ouverture élargie du canal de Panama. L'évolution du trafic conteneurisé va nécessiter des investissements pour rendre les ports fonctionnels. Quels moyens allez-vous y consacrer, sachant que les collectivités n'en ont pas et que la LODEOM qui avait prévu le passage en zone franche globale du port attend toujours un décret d'application en la matière ?
La Martinique dispose, depuis la guerre du Mexique, de l'un des trois bassins de radoub de la Caraïbe. Or cette filière de la construction navale est moribonde, sous-utilisée. Que prévoyez-vous pour financer et relancer cette activité industrielle ?
La filière pêche et aquaculture est finalement très peu développée en Martinique. La ressource est pourtant là, mais l'impact de la pollution, l'absence d'aides financières à l'installation des jeunes marins désireux de partir au large, le niveau d'endettement des entreprises, entravent le développement de cette économie. Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour restructurer ce secteur, en termes d'accès aux financements, de formation, de rationalisation des points de débarquement et de mise sur le marché des produits de la mer, et de redynamisation du territoire axé sur l'innovation ?
Cette question de la politique maritime doit d'abord être abordée en pensant la recomposition spatiale des territoires et en faisant de la mer le secteur prioritaire du développement des économies insulaires qu'elle se doit d'être.