Les précédents orateurs ont insisté sur les potentialités importantes de l'espace marin, sur la pêche, sur le transport, qui connaît un fort accroissement de son trafic, ou sur les énergies multiples.
Pour notre part, nous sommes satisfaits du soutien du Gouvernement au projet de parc éolien en mer, dont la mise en oeuvre permettra de diversifier les sources d'énergie conformément à nos objectifs européens d'une part et de développer de l'emploi d'autre part. J'espère que Fécamp, la ville dont je suis l'élue, – clin d'oeil normand en réponse à mes collègues bretons – aura le plaisir d'accueillir le premier parc d'éoliennes en mer, puisque nous en sommes à la phase du débat public. Un milliard d'euros d'investissements pour une ville de 20 000 habitants, cela compte.
En revanche, nous sommes inquiets quant à la pêche et aux propositions de réformes européennes. Dans la question de la pêche durable, monsieur le ministre, il faut prendre en compte les trois dimensions sociale, économique et environnementale et trouver un équilibre entre elles – ne pas imposer des quotas qui soient déconnectés des constats des pêcheurs.
Je ne reviendrai pas sur la question, essentielle mais dont nous avons déjà souvent discuté, de l'impact social des implantations qui se font dans les zones portuaires et qui bénéficient d'autorisations publiques délivrées par les grands ports maritimes. Il y a là des aspects qui sont davantage liés à un appât du gain immédiat qu'à la structuration de filières économiques.
Après ce propos liminaire, j'en viens à un point majeur : la densification de l'utilisation de l'espace marin, sous des formes variées, et la cohabitation des usages qui en découlent démultiplient les risques d'accidents et de pollutions. Envisager une exploitation optimisée et durable de notre capacité maritime, c'est faire de la sécurité en mer une priorité.
Jusqu'alors, ces questions ont toujours été abordées a posteriori, à la suite de catastrophes majeures sur lesquelles je ne reviendrai pas. Depuis le Traité de Maastricht, la sécurité maritime est une compétence de l'Union européenne. Or les États membres continuent d'assurer l'essentiel des activités de surveillance de leurs côtes. Avec ses 5 500 kilomètres de côtes et ses 11 millions de kilomètres carrés de zone économique exclusive, la France a une responsabilité particulière en matière de sécurité. Elle a d'ailleurs fait figure de précurseur dans la prise en charge par l'autorité publique des questions de sécurité en mer, notamment avec le financement des remorqueurs d'intervention d'assistance et de sauvetage.
La réglementation française résulte d'une vision selon laquelle l'espace maritime est un bien public, dont la protection et celle de ses usagers relève de la puissance publique. Cette conception a cependant besoin de notre plus grande vigilance
J'en veux pour preuve la décision du gouvernement britannique de privatiser ses services de garde-côtes. Il n'a fallu que cinq mois à compter de son arrivée au pouvoir à David Cameron pour mettre en place un plan de restructuration des garde-côtes, avec pour objectif de transférer les charges de la surveillance et de l'intervention en mer au secteur privé. Par cette décision unilatérale, ce gouvernement conservateur mettait un terme à plus de dix ans de partenariat franco-britannique dans le remorquage en Manche et fragilisait ainsi la sécurité de ce passage maritime, l'un des plus fréquentés au monde.
La France, à diverses reprises dans ses engagements européens, a rappelé son opposition de principe à toute mesure conduisant à une déréglementation des services de secours et d'assistance en mer, eu égard aux risques de réduction des niveaux de sécurité mais aussi de dumping social.
Pourtant, la Commission européenne vient, le 23 mai dernier, de remettre sur la table son projet de libéralisation des services portuaires en proposant pour la troisième fois un règlement. Son objectif affiché serait de répondre à l'augmentation attendue du trafic maritime. Approche paradoxale : l'augmentation du trafic justifierait plutôt un encadrement plus rigoureux des services ciblés ! Tout comme vous, monsieur le ministre, nous sommes opposés à la privatisation des services de pilotage maritime, dont la qualité est reconnue. Les pilotes, agents extrêmement compétents, sont inquiets des dispositifs européens. À cet égard, je salue la promptitude avec laquelle vous avez pris la tête d'une délégation d'États pour dénoncer ce projet de règlement au sein du Conseil européen. Nous venons de le rejeter ce matin, dans le cadre de la commission des affaires européennes, et espérons que cette décision vous aidera à l'enterrer définitivement. La représentation nationale restera vigilante.
Nous savons, monsieur le ministre, votre sympathie pour le monde maritime et votre mobilisation pour établir une stratégie politique maritime. Vous pouvez vous sentir soutenu par cette assemblée dans l'accomplissement de cette tâche.
Pour finir, je remercie nos collègues du groupe GDR pour cette bonne initiative qui nous a permis de parler enfin de politique maritime. Nous sommes nombreux à cette heure tardive à participer à ce débat, réunis par une même passion.