Intervention de Frédéric Cuvillier

Séance en hémicycle du 12 juin 2013 à 21h30
Débat sur la politique maritime de la france

Frédéric Cuvillier, ministre délégué chargé des transports, de la mer et de la pêche :

La réalité scientifique est là : c'est celle des stocks pêchés durables. En 2013, 61 % du stock de poissons de l'Atlantique nord est pêché durablement, contre 27 % en 2010 et seulement 6 % en 2005. Cette réalité scientifique s'impose. La surpêche peut exister, mais encore faut-il nous dire de quelles pêcheries il s'agit, sur quelles bases, sur quels stocks.

Vous dites que la France n'a pas demandé de date pour la reconstitution de la biomasse. Mais elle fut l'un des premiers pays à faire mention de la biomasse dans les discussions européennes ! Aucun pays n'a demandé une date butoir pour la reconstitution de la biomasse. Ceux qui prétendent le contraire ne disent pas la vérité. Aucun autre pays ne l'a fait, y compris ceux qui se disent vertueux pendant les discussions européennes, lorsque les caméras sont allumées, mais qui se mettent en retrait dès qu'elles s'éteignent et qu'il faut passer aux travaux pratiques de la réforme de la politique commune. Voilà ce que je voulais dire, parce que la France a un riche tissu social, une réelle identité culturelle, de nombreuses régions littorales.

Monsieur Denaja, je ne reviendrai pas sur la pollution en Méditerranée, puisque j'ai prononcé cet après-midi un discours au Sénat sur cette question. Les enjeux sont là, vous avez raison. Alors que la qualité des eaux se rétablit sur l'étang de Thau, je souhaite saluer les ostréiculteurs et les conchyliculteurs, et l'ensemble des acteurs sur l'ensemble des façades maritimes, qui participent à la qualité de l'environnement marin. Eux aussi dépendent de la qualité des eaux, eux aussi dépendent de l'interface terre-mer. Je salue donc tous ces efforts qui ont été engagés par les acteurs de la mer et des espaces côtiers.

Je ne reviendrai pas non plus sur la pêche traditionnelle de l'anguille et la reconstitution des stocks d'anguilles, sur les enjeux de la conchyliculture, de la pisciculture, de l'aquaculture française qui doit avoir une vraie stratégie de développement. Comment peut-on accepter que nos importations se montent à 80 % de notre consommation alors que nous pourrions développer sur toutes nos façades des petits métiers dans ce secteur, qui pourraient servir de complément de rémunération ?

La France a été présente de la première à la dernière minute de la discussion de la PCP, le long des journées comme des nuits blanches. Mais il fallait bien en passer par là pour construire les règles communautaires de la pêche pour dix ans, avec pour seul mot d'ordre des règles cohérentes, compréhensibles, opposables, contrôlables par tous les pêcheurs. Il faut pouvoir également évaluer les éventuelles incohérences des dispositions, des réglementations, qui peuvent aboutir à des rejets.

Nous sommes déjà au rendez-vous de la prochaine réflexion, celle du Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche. Nous souhaitons faire correspondre la PCP et le FEAMP, la nécessaire modernisation des navires, l'accompagnement de nos métiers, les contraintes en matière de rejets ou de sécurité, les fonds nécessaires à la modernisation… Là où la France, mal défendue, n'avait reçu que 216 millions du dernier Fonds européen pour la pêche, l'Espagne recevait un milliard. Je souhaite rééquilibrer ces enveloppes, car je souhaite que les marins aient la possibilité d'accompagner, par des initiatives de recherche, de diversification et de modernisation, les enjeux de la pêche de demain.

La dimension sociale est là, chère Annick Le Loch, merci de l'avoir souligné en évoquant la caisse maritime d'allocations familiales et l'Établissement national des invalides de la marine, ses cent mille assurés maladie, ses cent vingt mille pensionnés. Il faudra toute notre attention pour que soit pleinement réussie sa transformation en établissement public.

La dimension sociale, c'est aussi la compétitivité du pavillon français, l'anti-dumping social. Il faut poursuivre – la marche est longue – la construction d'un pavillon européen.

Conformément aux engagements du Président de la République, le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne transpose en droit national des dispositions de la convention du travail maritime de l'OIT, signée en 2006. Ce texte, sur lequel la commission mixte paritaire s'est accordée aujourd'hui même, constituera un instrument juridique contraignant qui va mettre en place des normes couvrant différents domaines du droit social. La France, de ce point de vue, assume ces progrès sociaux et ces garanties qui seront données aux marins : normes minimales applicables à bord des navires, dans l'emploi, la santé, la sécurité, le travail, l'hygiène. Tout cela, en quelques mois, nous l'avons réalisé, vous l'avez réalisé en votant cette transposition.

S'agissant des entreprises maritimes pratiquant le cabotage, la législation que vous avez adoptée à l'initiative du Gouvernement institue la règle de l'État d'accueil, permettant d'éviter le dumping social et d'appliquer des règles sociales s'alignant non sur le modèle le plus dégradé, mais sur le plus proche de la réalité française, avec des sanctions pénales pour les contrevenants.

Édouard Philippe évoquait l'enjeu de l'enseignement maritime : c'est vrai, il était dans une situation extrêmement dégradée il y a encore quelques mois. Il a fallu donner à l'École nationale supérieure maritime des moyens et des ambitions, un nouveau président, un nouveau directeur, pour éviter de la laisser à la dérive avec ses dettes et ses impasses. Il a fallu réaffirmer les sites historiques de Marseille, du Havre, de Nantes et bien sûr de Saint-Malo. L'enjeu est là, avec le lancement en septembre des états généraux de l'enseignement maritime. Il faut permettre aux jeunes de se tourner vers les métiers de demain : à la fois des métiers traditionnels, mais aussi ceux que la mer elle-même va créer. Il faut, pour l'ENSM et pour les douze lycées maritimes, une filière plus cohérente qui ouvre plus de perspectives.

Voilà ce qu'un pays maritime doit avoir comme ambition : donner des chances à la jeunesse, donner plus de cohérence à la formation, organiser tout cela. Vincent Peillon m'en a donné la garantie et nous travaillerons ensemble pour que ces états généraux permettent de renforcer l'enseignement.

On pourrait encore parler de la recherche, de l'innovation, des appels à manifestation d'intérêt, de l'Arpège, navire du futur, de l'enjeu des molécules d'origine marine aux plans pharmaceutique et alimentaire, des technologies bleues, de l'IFREMER qui, avec Geneviève Fioraso, fera l'objet d'une attention particulière. Cela a été confirmé, cher Philippe Folliot, cher Philippe Vitel, par le Premier ministre et c'est à nous de passer d'une ambition à la concrétisation d'une politique nationale.

De même, le Président de la République et le Premier ministre, lors de la conférence environnementale, ont souhaité que la France soit davantage en pointe dans la stratégie des énergies marines renouvelables. La France a publié un appel d'offres portant sur des installations éoliennes de production d'électricité : c'était en 2011. Un nouvel appel d'offres concernant deux nouvelles zones a été publié en début d'année. Nous devons là aussi faire en sorte – et merci d'avoir cité les réalités de France énergies marines – que la France soit plus ambitieuse encore. Elle doit avoir un programme qui permettra d'intégrer toutes les technologies : l'hydrolien, l'éolien flottant, l'énergie thermique des mers… C'est vrai pour les ultramarins, c'est vrai aussi pour les autres territoires. Enfin merci, chère Suzanne Tallard, d'avoir évoqué l'environnement marin.

Je souhaiterais m'adresser plus particulièrement, en cet instant, aux élus ultramarins. Vous avez raison, et je conclurai par cela : vous avez raison d'appeler la métropole à la prise en compte de ces réalités, vous avez raison de dire que l'ambition maritime, la surface maritime de la France, les perspectives de développement, passent aussi par la reconnaissance des régions ultramarines. C'est pourquoi, conformément à la volonté du Président de la République, chaque ministre dispose, à ses côtés, d'un conseiller chargé des outre-mer. C'est aussi pourquoi, dès les premières négociations en juin de l'année dernière, nous avons réussi à obtenir ce qui n'avait pas été le combat de ces dernières années : que nos outre-mer soient reconnus comme régions ultrapériphériques. Nous avons obtenu, dans une seconde négociation, que ces régions ultrapériphériques soient dotées de conseils consultatifs régionaux. Nous avons réussi à obtenir de la commissaire Maria Damanaki que ces conseils consultatifs et que les RUP puissent être associés, dans une procédure de codécision ou, en tout cas, de co-concertation. C'est important, que nos territoires d'outre-mer soient représentés au même titre que les régions ultrapériphériques du Portugal et de l'Espagne. Et enfin, nous avons aussi obtenu le respect de la zone des cent milles.

Voilà ce qui a été, en quelques mois, obtenu par ce Gouvernement parce qu'il est respectueux des outre-mer, des territoires dans leur diversité. Ce combat n'avait pas été mené au niveau européen. J'ai fierté et j'ai plaisir à dire à Victorin Lurel, pour ce qui est de la pêche outre-mer, que cette prise en compte des spécificités doit être complète, globale. Et j'aurai à coeur, à chacune des négociations européennes, d'avoir une pensée particulière, une plaidoirie appuyée, pour que cette reconnaissance soit pleine et entière de la part de la Commission.

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