Nous ne sommes pas en train de vouloir favoriser ou contraindre une migration à vocation permanente. Le monde change ; les distances ont été réduites par les nouveaux modes de transport. Ne restons pas bloqués sur des concepts d'un autre âge, même si nous utilisons par tradition administrative un vocabulaire cristallisé. Ce n'est plus d'immigration professionnelle et étudiante dont nous devons parler, mais d'échanges. Le monde vit désormais au rythme de la circulation des talents.
Lorsque nos universités inscrivent 95 000 étudiants étrangers au niveau licence, 92 000 au niveau master et 25 000 au niveau doctorat, on ne peut que conclure à ce désir d'échanges. Vous le rappeliez, madame la ministre : les efforts n'ont pas été vains, comme l'illustre la présence de 30 000 étudiants chinois en France.
L'attractivité, c'est la capacité de donner envie de venir en France. Notre pays n'est plus désormais que la cinquième terre d'accueil, derrière les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et l'Allemagne, alors qu'elle était troisième il y a encore quelques années. Certains pays font des efforts conséquents pour accueillir les étudiants étrangers quand la France leur a adressé des signaux hostiles ces dernières années. Et pourtant, c'est bien la qualité des conditions de leur venue, de leur accueil, de leur séjour et de leur réussite en France qui sera le facteur déterminant de notre attractivité.
Concrètement, attirer les talents passe par une offre de formation de haut niveau, accessible et variée. La coordination des stratégies des acteurs à l'international s'avère nécessaire, non seulement pour mener des actions, mais aussi pour éviter des concurrences franco-françaises délétères. Les réseaux d'anciens étudiants restent à généraliser. L'effort de communication entrepris par Campus France peut être dynamisé en étant mis davantage au service des universités et des écoles et en renforçant ses liens avec le réseau des CROUS. Les établissements d'accueil universitaires et les équipes pédagogiques doivent être mieux associés dans le processus de sélection des étudiants.
Le premier contact et l'installation jouent un rôle crucial dans le souvenir que ces étudiants garderont de la France. Leur intégration passe nécessairement par l'accès à quelques services classiques mais indispensables qui virent souvent pour eux au cauchemar, comme le logement, l'électricité, la couverture santé, l'ouverture d'un compte bancaire ou la transférabilité des droits à la retraite.
La mobilisation des services de santé universitaire peut éviter la contrainte fastidieuse et sans valeur ajoutée de la visite à l'Office français de l'immigration et de l'intégration.
Les relations s'organisent désormais dans une logique de partenariat. On propose aujourd'hui des bourses dont le montant est inférieur à un loyer de petit studio dans une ville universitaire. L'État ne montre pas l'exemple en accordant des bourses à des post-doctorants sans contrat de travail ; il faudra réfléchir à cette question. Des libéralités pour les doctorants étrangers persistent. Le principe de cofinancement doit être davantage promu, que ce soit avec des partenaires internationaux, des collectivités territoriales ou des entreprises.
L'attractivité des talents étrangers passe également par un changement d'approche des conditions de leur accueil administratif. Les longues queues inhumaines devant les préfectures sont inacceptables. Vous le dites vous-même, monsieur le ministre de l'intérieur : vous connaissez la situation à Évry. Il ne faut pas se voiler la face : l'accueil administratif est le principal facteur de mécontentement des étudiants et des chercheurs en France.
Bien entendu, pour renforcer la qualité de l'accueil par les services préfectoraux, le plus simple est déjà de les désengorger. Monsieur le ministre, vous avez évoqué dans votre intervention les délais trop longs. Un grand nombre de démarches pourraient aisément être réalisées par voie électronique. Cela fonctionne bien dans certains secteurs : les déclarations fiscales par internet ne se sont-elles pas achevées dans de très bonnes conditions, il y a seulement deux jours ? Les partenariats entre administrations universitaires et préfectorales, dont les résultats sont probants, méritent d'être systématisés et intensifiés.
D'ailleurs, même si le fait que le visa vaut titre de séjour pour la première année constitue un progrès, la réduction du nombre de récépissés, l'adéquation de la durée du titre de séjour avec le cursus ou le contrat de travail et la révision des critères d'attribution des cartes de séjour simplifieront les démarches, sans bien sûr réduire les nécessaires contrôles en matière de sécurité nationale.
Tout cela va très exactement dans le sens du choc de simplification demandé par le Président de la République quand il dit avec force « nous ne devons jamais perdre l'occasion d'accueillir un chercheur ou un étudiant prometteur ».
Pour mieux les accueillir, il est important de leur ouvrir le champ des possibles ; il est souhaitable de modifier le type de carte de séjour. Certes, le frein de la circulaire Guéant a été levé, mais il n'en demeure pas moins que les dispositions actuelles sont encore inadaptées. Les titres de séjour doivent être calqués sur les cursus si l'étudiant ou le doctorant démontre qu'il poursuit son cursus. La carte de séjour est aujourd'hui d'un an. Le récépissé de première délivrance ne permet pas de voyager dans l'espace Schengen ; les services d'accueil sont fermés l'été pendant l'arrivée des étudiants ; les délais administratifs sont trop longs. Il ne faut pas dévaloriser un jeune diplômé qui a trouvé directement un emploi par rapport à un autre, qui a besoin de quelques mois de recherche d'emploi. Cela semble une évidence, mais elle est pourtant contredite par les procédures actuelles.
Ces questions sont majeures. Certaines décisions sont de nature législative, d'autres sont réglementaires. Le Sénat vient hier de voter deux amendements que nous avions d'ailleurs proposés à l'Assemblée nationale : l'un sur les conditions d'octroi de la carte de séjour étudiant et l'autre, sur l'accès, aux droits sociaux ouverts par leurs cotisations aux titulaires de la carte de séjour « scientifiques-chercheurs ».
Même si je partage votre avis, monsieur le ministre, de voter un texte général sur l'attractivité, maintenir ces deux amendements dans le texte sur l'enseignement supérieur et la recherche serait un signal important.
Sachez, madame la ministre, monsieur le ministre, que nous soutenons votre action en faveur de ces étudiants et chercheurs que Laurent Fabius a qualifiés, lors de notre entretien avec Mme Françoise Barré-Sinoussi, prix Nobel de médecine, et Vincent Berger, « d'ambassadeurs » de la France.
Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous puissiez nous indiquer à quel moment le texte relatif à l'attractivité sera examiné par le Parlement.