La France accueille, aujourd'hui, 288 500 étudiants étrangers. La diversité de leurs pays d'origine et leur nombre font honneur à la réputation de l'enseignement supérieur français et à l'attractivité de notre pays. Certains de ces étudiants arrivent en France dans le cadre d'un cycle court, d'autres dans le cadre des programmes Erasmus, d'autres s'inscrivant dans la perspective de collaborer aux travaux de recherches et de développement des laboratoires. Il serait contre-productif que notre économie ne s'appuie ni sur la richesse qu'ils apportent ni sur les perspectives qu'offre leur présence.
J'ai eu, lors des auditions de la mission d'information relative à la compétitivité en France menée par Daniel Goldberg et Bernard Accoyer, l'occasion d'entendre de nombreux responsables économiques regretter les difficultés qu'ont les entreprises à valoriser leurs produits vers de nouveaux marchés. De même, leurs capacités d'innovation et de développement sont amoindries par la difficulté de recruter des professionnels hautement qualifiés. Il y a un paradoxe entre l'attractivité de notre système de formation au niveau international et ce qui apparaît comme une incapacité d'en retirer tous les bénéfices. À titre d'exemple, je citerai l'entreprise Astellia, située sur le territoire de ma circonscription. Sa problématique m'a confirmé la nécessité de mener une politique cohérente en termes d'immigration professionnelle. Cette entreprise, reconnue mondialement pour son expertise dans les nouvelles technologies et dans l'optimisation des réseaux mobiles, ne peut, en raison des limitations qui lui sont imposées, ni recruter comme elle le désire ni s'appuyer autant qu'elle le voudrait, sur la double compétence de jeunes étudiants étrangers dans sa stratégie de conquête de nouveaux marchés Elle souhaite, pour augmenter sa capacité d'innovation, choisir les meilleurs collaborateurs, indépendamment de leur origine. Elle tient, en cohérence, à s'appuyer à la fois sur leur expertise technique et sur leur connaissance naturelle des marchés. Or, soumise à l'obtention d'une autorisation de travail, la procédure de recrutement d'un salarié étranger est longue, fastidieuse et, en dépit de la volonté réciproque des deux parties de s'engager, peut aboutir à un échec.
Deux problèmes se posent : nous devons prendre en compte la nécessité pour les entreprises d'être réactives, et ne pas nous priver de salariés formés dans nos universités, soutenus par nos institutions, qui choisiront de travailler pour des entreprises étrangères, soumises à des législations moins tatillonnes.
On peut légitimement considérer que nous investissons aujourd'hui à perte dans la qualification des étudiants étrangers. Ceux-ci sont en effet plus enclins à envisager leur avenir professionnel dans un pays reconnaissant leurs compétences sans préjudice de leur origine.
Nous voulons valoriser l'attractivité de nos entreprises auprès des pays émergents. Fort bien. Quel meilleur outil avons-nous que notre capacité d'accueil, de formation et d'enseignement ? Nous avons, avec certains de ces pays, des liens forts, fraternels, culturels ou linguistiques. Je ne pense pas que fermer nos frontières à leurs ressortissants soit le meilleur moyen de consolider ces liens et d'instaurer des coopérations économiques équilibrées.
Nous ne pouvons pas former des milliers de futurs salariés sans nous poser la question du sens que nous donnons à notre investissement. Il est nécessaire de clarifier la situation, notamment sur leur possibilité de bénéficier de leur première expérience professionnelle dans nos entreprises, dans la continuité de leurs études et de leurs stages. La suppression de la circulaire de M. Guéant était un pas dans cette direction. Ne convient-il pas d'aller plus loin ?
Il s'agit, non pas, bien sûr, de supprimer la demande d'autorisation de travail mais de réaliser que la procédure liée à son obtention est inadaptée. La cohérence voudrait que nous respections les capacités décisionnelles des chefs d'entreprises quant à leurs stratégies de développement et donc de recrutement. Force est de reconnaître que, dans la pratique, l'opposition de la situation de l'emploi pour les salariés hautement qualifiés est déjà limitée. Sans la supprimer, en clarifier les règles serait un signal fort, tant vers les entreprises que vers les étudiants. Leur manque de perspectives dans notre pays ne leur permet pas de se construire, tout comme leur précarité ne nous permet pas de nous projeter dans une politique responsable et cohérente de coopération et de développement économique.
Une politique d'immigration telle que nous l'ambitionnons doit être fondée sur des principes forts. Les nôtres ne consistent pas à piller les cerveaux ni à nourrir des espoirs que nous décevrions. Ils consistent à favoriser l'échange et la coopération en matière de développement, à affirmer les liens qui nous unissent et à tisser ceux qui n'existent pas encore. Favoriser ou, à tout le moins, rendre possible une première expérience professionnelle dans les entreprises françaises ne peut que contribuer à ces objectifs. Le développement économique et la coopération se renforceront par l'échange de savoirs et le transfert de savoir-faire. Nous sommes non pas dans une logique d'immigration choisie, qui priverait les pays émergents de leurs forces vives, mais dans la construction d'un pacte de codéveloppement économique et culturel.
Si nous considérons que notre politique d'immigration s'intègre dans une perspective de codéveloppement économique et culturel, quels peuvent être les outils permettant d'en assurer la cohésion et le pilotage ?