Ces 240 000 euros ont donc été remis en espèces par M. Michel Gaudin, directeur général de la police nationale, au directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, M. Claude Guéant. Qu'on le veuille ou non, c'est la vérité telle qu'elle apparaît dans ce rapport.
Une telle pratique fut, comble de l'ironie, condamnée le 3 février 1998 par Claude Guéant lui-même.
Nul ne sait actuellement si les 240 000 euros détournés de leur fonction originelle ont été pour tout ou partie retenus par M. Guéant ou remis à des tiers. Certains évoquent des personnels du service de protection, qui pourtant touchent des indemnités particulières de sujétion.
Quelle serait dès lors l'origine des fonds en espèces qui ont permis les achats découverts par les enquêteurs dans l'affaire des fonds libyens ? De deux choses l'une : soit ces fonds, remis par la direction générale de la police nationale à M. Guéant, ont permis à ce dernier d'effectuer les achats dont on a parlé, soit ils ne l'ont pas permis. Se pose en effet la question de savoir comment ces achats ont été financés, puisqu'il apparaît qu'ils ont été effectués en espèces.
Le moins que l'on puisse dire est que tout cela est particulièrement glauque. Il serait bien étonnant que nous n'en sachions pas davantage dans les jours qui viennent. L'histoire s'accélère très vite, mes chers collègues.
Puisqu'il s'agit de la semaine de contrôle de l'action gouvernementale, il m'appartient de faire les observations suivantes sur l'action du Gouvernement dans l'utilisation des espèces et des numéraires dans les cabinets ministériels depuis 2002.
Premièrement, selon le rapport dont j'ai eu connaissance, nul n'a mis en cause le Gouvernement depuis 2012 sur l'utilisation d'espèces dans les cabinets ministériels, en particulier par le ministre de l'intérieur. Je lui en donne acte et je m'en félicite.
Deuxièmement, le ministère de l'intérieur a aussitôt diligenté une enquête confiée à l'IGA et à l'IGPN, dès qu'il a appris que des fonds en espèces avaient été détournés de leur attribution réglementaire. Il a agi rapidement et avec justesse.
Troisièmement, les frais d'enquête et de surveillance sont à l'évidence indispensables pour la rémunération d'informateurs et pour le recueil de renseignements dans le respect de l'article 15-1 de la loi du 21 janvier 1995 et de l'arrêté du 20 janvier 2006. Des comptes rendus réguliers devraient alors être remis, chacun l'admettra, à la DGPN, et les archives être strictement sauvegardées.
Reste le problème posé par la distraction de 240 000 euros, en contravention avec toutes les règles existantes. Il s'agit, à l'évidence, si cela est établi, d'un détournement de fonds publics. Le ministre de l'intérieur, M. Sarkozy, connaissait-il le versement de ces enveloppes et leur utilisation par son plus proche collaborateur, son directeur de cabinet, dont les rapports avec lui étaient, nous le savons tous, fusionnels ?
Si ces fonds ont été redistribués à des tiers, quelle est l'origine de ceux qui ont été découverts au domicile de M. Guéant ? Toutes les hypothèses sont possibles, tant les casquettes de M. Guéant étaient nombreuses. Dans l'affaire Tapie, le Gouvernement a décidé, de manière exemplaire, de se constituer partie civile, de demander l'annulation de la procédure d'arbitrage et le remboursement des fonds versés. Or, l'on retrouve le nom de M. Guéant dans cette affaire.
Monsieur le ministre, le Gouvernement qui, par son ministre de l'intérieur, a saisi M. le procureur de la République, décidera-t-il de se constituer partie civile à l'encontre de M. Guéant ? En tout cas, demandera-t-il le remboursement des fonds ainsi détournés des missions essentielles pour lesquelles ils étaient prévus, à savoir la sécurité de l'État et des personnes ? Ce remboursement est une exigence morale au moment où nous étudions la loi sur la transparence de la vie publique. Dans cette affaire malheureuse, monsieur le ministre, j'attends votre réponse.