Pour notre part, nous rappelons toujours ce principe.
Il est ici question de la transparence des rémunérations et de l'utilisation des fonds spéciaux autorisés, en l'occurrence, l'enveloppe attribuée aux frais d'enquêtes et de surveillance. Ces fameux FES sont censés être traçables et, surtout, ils ne doivent en aucun cas servir à une quelconque rémunération défiscalisée. La note les encadrant à l'époque des faits, datée du 3 février 1998, précise qu'en aucun cas ces crédits ne doivent être considérés comme un régime indemnitaire. Ils doivent exclusivement servir dans le cadre de la résolution d'enquêtes nécessitant un engagement financier particulier.
Dans la droite ligne de ce que le gouvernement Jospin avait accompli, nous poursuivons et nous poursuivrons cet effort de traçabilité des fonds publics et de lutte contre des pratiques non respectueuses du droit, dans nos rangs comme dans les rangs de nos adversaires politiques.
Il apparaît, si j'en crois les conclusions de la mission d'enquête, qu'il n'existe à l'heure actuelle aucune traçabilité de l'utilisation de ces fonds ni aucune norme d'archivage ou de classement.
Les récentes déclarations de Claude Guéant expliquant qu'il n'était pas d'usage de déclarer ces rémunérations suscitent des interrogations. L'usage et la coutume ne sont pas la loi, et cette confusion est dommageable à triple titre : politiquement, car elle est susceptible – dans un amalgame facile et connu – de discréditer la parole des élus ; juridiquement, parce que la loi est enfreinte ; moralement, parce que le devoir d'équité et de transparence des rémunérations est susceptible d'être battu en brèche.
C'est encore une fois la légitimité de l'action publique qui souffrira de ces révélations.
Je connais pourtant les qualités de M. Guéant, car il a été préfet de la région Bretagne, fonctions qu'il a exercées, avec une distinction et une compétence unanimement saluées. À l'instar de nombre de mes collègues, je suis choquée, choquée que ce grand serviteur de l'État ait, à l'époque, abandonné, de son propre aveu, la rigueur et l'exigence qui étaient les siennes. Reconnaissons-lui le mérite d'avoir avoué cette pratique et, semble-t-il, de la regretter.
Pour ma part, je m'interroge sur ce qui a pu pousser un homme honorable à considérer comme acceptable de soustraire à l'impôt, c'est-à-dire à la solidarité nationale, et à la collectivité des sommes devant servir à d'autres activités. Est-ce une faute individuelle ? Est-ce un système organisé ? Son supérieur hiérarchique en était-il informé et, si oui, qu'a-t-il fait ? Autant de questions auxquelles il est nécessaire de répondre, non pour stigmatiser, mais pour comprendre et mettre en place des mesures simples, efficaces et évaluables.
Il est de notre responsabilité d'assurer la transparence du fonctionnement de l'État, non par souci d'exemplarité, mais parce qu'il est normal que chaque citoyen puisse avoir connaissance de l'affectation des fonds qu'il nous confie par son vote et que nous utilisons en son nom. Nous nous attelons à restaurer la confiance des Français dans leurs institutions, et nous savons que ce n'est pas simple. C'est la raison pour laquelle il nous importe, aujourd'hui comme depuis le début de notre mandat, de persévérer dans la reconquête d'un honneur qui, s'il n'est pas perdu, s'est fortement écorné.
Sur le sujet qui nous préoccupe précisément, nous pouvons nous appuyer sur le contrôle de l'origine présumée de ces rémunérations et sur leur traçabilité. Les frais d'enquêtes et de surveillance doivent en effet, selon les préconisations de la mission, voir « leur périmètre […] restreint afin de ne couvrir que les cas d'utilisations strictement nécessaires » et, en outre, leur usage « devrait être encadré par un double dispositif de traçabilité et de contrôle ».
Par ailleurs, il apparaît nécessaire d'auditer les dispositifs de contrôle de ces frais, afin qu'ils soient utilisés comme le droit le permet et comme l'éthique l'exige.
Enfin, compte tenu du fait que, selon les rapporteurs, les conditions d'utilisation et les procédures de contrôle de ces fonds ont été considérées comme un outil de management, il importe d'aller au bout de la logique impulsée depuis le mois d'octobre 2012, en limitant strictement l'utilisation des frais d'enquête et de surveillance aux seuls besoins opérationnels des enquêtes et en excluant leur usage pour des gratifications.
Ce débat peut nous permettre de soutenir ces préconisations de bon sens. Il n'en demeure pas moins qu'il nous faut avoir la certitude que ce détournement d'usage et cette soustraction fiscale n'étaient pas un système généralisé mais résultaient d'une situation ponctuelle. Si tel n'était pas le cas, s'il apparaissait que le travail au noir était une organisation courante et assumée dans ce ministère et dans d'autres, il nous faudrait en tirer les conséquences logiques.
Monsieur le ministre, depuis un an, notre majorité travaille à rendre ce pays plus juste. Nous voulons agir sur les conditions non seulement matérielles, mais aussi – c'est indispensable – morales de l'existence de nos concitoyens afin de favoriser leur épanouissement.
Nous débattrons d'ailleurs lundi du projet de loi sur la transparence, qui nous permettra d'aller encore plus loin dans le contrôle et la moralisation de la vie politique. J'espère que la centaine de milliers d'amendements déposés par l'opposition ne visent pas à bloquer l'examen ce texte, qui permettrait d'allouer de nouveaux moyens à la traque de ce type de situations et, ainsi, d'éviter qu'elles ne se reproduisent.
Car l'égalité de tous, riches ou pauvres, puissants ou non, devant la loi et devant le droit doit être réelle, chacun de nos concitoyens devant considérer que la fraude est l'exception et non l'usage, quel que soit le rang qu'il occupe dans la société.