Intervention de Annick Le Loch

Réunion du 11 juin 2013 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAnnick Le Loch, rapporteure :

Les articles 61 et 62 du projet de loi concernent les relations commerciales entre entreprises et, plus précisément, la loi de modernisation de l'économie (LME) de 2008 dont l'objectif était d'introduire davantage de concurrence dans l'intérêt des consommateurs.

Aujourd'hui, le président d'une grande fédération professionnelle peut s'exprimer ainsi : « C'est la guerre, et la guerre des prix va continuer jusqu'à la mort si on la laisse faire. On ne parle pas de produits, de consommateurs, de commerce. On ne se préoccupe que du prix toujours plus bas comme si c'était une fin en soi. Des PME sont affaiblies, blessées, et risquent de disparaître et, avec elles, des milliers d'emplois. Au final, on détruit notre appareil productif. La LME est une loi anti-consommation et anti-emploi ».

Monsieur le ministre, comment en sommes-nous arrivés là ?

L'article 61 concerne les délais de paiement et les conditions générales de vente. Si le bon ordre public économique impose de respecter les règles, dont celles relatives aux délais de paiement, plus de 30 % des entreprises ne respectent pas la loi, et les délais s'allongent. Le manque à gagner pour la trésorerie des entreprises, notamment pour les PME et TPE, s'élève à 12 ou 13 milliards d'euros, et ces retards expliquent un quart des faillites d'entreprises. Il importe donc de renforcer les contrôles, de sanctionner plus rapidement les retards par une amende administrative significative et de réduire les délais à 45 jours net pour les factures récapitulatives.

Mon attention a également été appelée par les artisans du bâtiment confrontés aux difficultés de paiement des particuliers. Ces derniers ne sont soumis à aucune obligation en matière de délais de paiement et, parce que ces délais s'allongent, ils sont sans doute la cause d'un pic de défaillances des entreprises de ce secteur.

L'article 61 traite aussi des conditions générales de vente. Il ne s'agit pas de mettre fin à la négociabilité, ni de perturber les relations économiques mais, avant tout, de veiller à la bonne et complète application des dispositions légales existantes. Aussi, l'article réécrit en partie le début de l'article L. 441-6 du code de commerce pour réaffirmer très clairement que les conditions générales de ventes (CGV) constituent le socle de la négociation commerciale – ce qui n'est pas le cas des conditions générales d'achat (CGA) comme certains acteurs de la distribution semblent pourtant le penser.

L'article 62 souhaite pour sa part rééquilibrer les relations commerciales. Il semble que, depuis le vote de la LME, censée assurer de vraies négociations commerciales assises sur de véritables contreparties vérifiables et formalisées dans la convention unique annuelle, le rapport de forces entre les sept grandes centrales d'achat et les milliers de fournisseurs est encore plus déséquilibré, et les relations encore plus dures – notamment avec les PME de l'agroalimentaire. Certains groupes font également part de pratiques illégales et abusives, comme celles consistant à pouvoir tout renégocier à tout moment sans contrainte particulière. La dernière en date concerne des demandes de compensation de perte de marge, émises avant même la discussion des conditions de vente de l'année à venir.

L'article 62 réécrit à cet effet une partie de l'article L. 441-7 du code de commerce pour clarifier la définition de la convention unique qui rassemble les différents éléments concourant à la détermination du prix correspondant au point d'accord entre producteurs et distributeurs. Il importe notamment de rappeler que la convention unique est bien applicable dès le 1er mars de chaque année ; elle ne l'est ni avant ni après cette date, et elle n'a pas à être renégociée – notamment à l'initiative des distributeurs, dès les semaines voire les jours qui suivent sa mise en oeuvre théorique.

L'article 62 prévoit explicitement, dans des conditions fermement définies afin d'éviter tout abus, que des renégociations pourront intervenir en cas de variation importante des cours des matières premières. En effet, les difficultés conjoncturelles liées à la volatilité des cours des matières premières agricoles ont exacerbé les tensions.

Cet article permettra de tenir compte de la volatilité des cours des matières premières à la hausse comme à la baisse, et il imposera aux entreprises de renégocier les prix si les variations sont trop fortes. Il nous reste à préciser dans les plus brefs délais la liste des produits concernés, et à l'ouvrir aux produits transformés comme la farine ou les produits de la charcuterie. À l'instar des producteurs agricoles, j'appelle à la vigilance en ce qui concerne les indices publics qui constitueront le déclencheur des renégociations des prix en cas de forte variation des cours des matières premières agricoles.

Monsieur le ministre, vous l'avez compris, la Commission des affaires économiques est favorable aux modifications du code de commerce et aux dispositions proposées par le projet de loi. Sa pleine application permettra le retour à une équité des relations commerciales. Elle sera bénéfique à la santé du tissu des PME qui font vivre notre territoire. Nous espérons tous que la réécriture ou le renforcement de la LME constituera le stade ultime de nos travaux en la matière, car il ne serait dans l'intérêt de personne de devoir accroître les contraintes et les sanctions.

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