Intervention de Sébastien Denaja

Réunion du 11 juin 2013 à 16h30
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSébastien Denaja, rapporteur pour avis de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Notre Commission s'est uniquement saisie des articles 1er et 2 du projet de loi qui créent l'action de groupe en matière de droit de la consommation et de la concurrence. Ces dispositions mettent en oeuvre une promesse du Président de la République – je rappelle qu'aucun des engagements régulièrement pris en la matière depuis longtemps n'avait jamais été tenu.

L'action de groupe est nécessaire pour réparer les préjudices du quotidien et régler les litiges dont le trop faible montant dissuade les consommateurs d'intenter une action en justice alors qu'il peut pourtant s'agir de contentieux de masse aux enjeux considérables. Certes, une forme de recours collectif existe déjà dans notre droit, mais les conditions prévues pour la mise en oeuvre de l'action en représentation conjointe sont telles que cette procédure n'a été utilisée que cinq fois depuis sa création en 1992. Cet échec doit nous pousser à aller plus loin.

Le dispositif proposé renforce la protection des consommateurs et vise à assainir l'économie de marché en dissuadant les professionnels d'adopter des comportements et des pratiques illicites.

Chacun s'accorde à considérer qu'il faut éviter les dérives de la class action, telles qu'elles existent outre-Atlantique. Le texte offre toutes les garanties d'une « action de groupe à la française ». De plus, dans aucun des pays européens où un dispositif similaire a été adopté, il n'a donné lieu aux dérives que beaucoup semblent craindre. La Commission européenne se prononce d'ailleurs sur le sujet aujourd'hui même.

Le texte du Gouvernement est équilibré. Il permet d'éviter le risque de recours abusifs et celui d'une déstabilisation de notre économie. Certains regrettent le caractère limité de son champ d'application, mais le droit de la consommation et celui de la concurrence constituent un champ très large. L'étude d'impact montre que de très nombreux cas relèveront de la nouvelle action de groupe. Ne boudons pas notre plaisir : il s'agit d'un pas significatif ! La ministre de la santé travaille déjà du reste à étendre le dispositif dans son domaine – et je suis certain que la même évolution se produira en matière d'environnement.

Je reviens sur quelques objections. Certes, les préjudices visés sont matériels, les préjudices corporels et moraux étant exclus ; mais ce choix s'explique par la nature même de l'action de groupe : le préjudice ne doit pas être individualisé. D'autre part, les associations agréées de consommateurs représentatives au niveau national ont seules la capacité à agir mais cela me paraît constituer un gage de sécurité pour les consommateurs : elles sont assez nombreuses, et couvrent beaucoup de domaines. Quant aux critiques formulées par les avocats lors des auditions, elles ne me semblent pas fondées, car ces derniers sont présents à tous les stades de la procédure – d'autant que l'action est introduite en premier ressort devant un TGI.

Ce dispositif respecte pleinement les exigences posées par la jurisprudence du Conseil constitutionnel. L'action de groupe ne remet aucunement en cause le droit au recours puisque chaque consommateur pourra continuer d'agir individuellement s'il le souhaite. La limitation de la réparation au préjudice matériel est justifiée, car il s'agit de décider d'une indemnisation-type susceptible d'être dupliquée. Il n'existe enfin aucune obligation d'adhérer aux associations de consommateurs requérantes pour obtenir une réparation, ce qui est conforme au principe constitutionnel de liberté d'association.

L'action de groupe constitue un progrès décisif pour les consommateurs. Les quelques amendements adoptés par la commission des lois ne visent qu'à donner encore plus de force à ce dispositif. Monsieur le ministre, nous serons particulièrement attentifs aux précisions que vous nous donnerez sur les décrets à venir car de très nombreux aspects de la procédure seront, de fait, fixés par voie réglementaire.

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