Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 11 juin 2013 à 16h15
Mission d'information sur les immigrés âgés

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

Monsieur le rapporteur, vous avez raison d'évoquer l'accélération du plan de traitement. À cet égard, je tiens à saluer le travail de redressement financier d'Adoma engagé par son directeur général. Néanmoins, cet objectif de redressement ne doit pas, selon moi, être la seule orientation de l'entreprise, au risque de la voir se diversifier vers des activités beaucoup plus rémunératrices. Il me semble donc nécessaire de redéfinir le projet d'Adoma, notamment en matière de mission sociale, de niveau de redevance, mais aussi d'accélération du plan de traitement, laquelle sera rendue possible grâce une évolution de son capital. Mais cela ne doit pas être fait au détriment de sa mission éminemment sociale. La logique de rentabilité imposée à Adoma a abouti à des constructions de résidences sociales ne répondant pas aux critères de qualité de vie des résidents. L'entreprise a connu de graves dérives en son sein il y a quelques années, mais la nouvelle direction y a mis fin. Ma position est donc très ferme. Il faut à présent, je le redis, redéfinir son projet social, en plus de l'objectif de traitement des foyers et de l'objectif financier.

Comme vous le soulignez, un certain nombre de collectivités considèrent l'accueil simple du foyer comme une contribution extrême et ne voient pas les résidents comme des citoyens à part entière au regard de leur demande de logement. Le travail que nous menons sur le lieu unique de dépôt de la demande et sur une réflexion dans le cadre intercommunal devrait contribuer à lever ces difficultés.

La transformation des foyers en résidences sociales est un sujet délicat, en particulier au regard du niveau de redevance lié à la qualité des logements. Il faut étudier les projets en amont. En effet, la transformation des trois cent quarante foyers restants, mais avec moins de places et un niveau de redevance les rendant accessibles à de nouveaux résidents, mais pas aux résidents antérieurs, aboutirait à renvoyer ces derniers dans l'habitat diffus. Il faut veiller à ce que scénario ne se réalise pas, car les immigrés âgés dans l'habitat diffus sont une population encore plus vulnérable à cause des « marchands de sommeil », de l'habitat très dégradé, parfois même des maisons individuelles divisées où ils sont locataires d'une chambre avec un accès aux parties communes réglementé en nombre d'heures ! Le projet de loi remédiera à la question du logement indécent en modifiant les dispositions juridiques actuelles, qui sont d'une grande complexité pour les collectivités locales.

Il est compliqué d'imposer par principe l'intégration dans les PLH de la question des immigrés âgés car elle ne se décline pas de la même manière sur l'ensemble du territoire. En revanche, je pense qu'elle doit être prise en compte dans le plan départemental d'action pour le logement des personnes défavorisées (PDALPD), l'idée étant de fusionner PDALPD et plan départemental d'accueil, d'hébergement et d'insertion (PDAHI).

Madame Bouziane, vous avez évoqué le contingent d'Action Logement dans le logement social. L'étape suivante de la concertation sur les attributions de logement que j'ai lancée concernera l'usage des contingents. Certains d'entre eux doivent contribuer à la résolution de difficultés, notamment celui d'Action Logement sur des territoires. La mise en place du dépôt de la demande dans un lieu unique facilitera la prise en compte des besoins sur les territoires par les bailleurs et permettra de fixer à ces derniers des objectifs de relogement des personnes immigrées âgées. Cette disposition figurera dans le projet de loi ALUR.

Madame Geoffroy, la concertation sur le futur projet de loi a permis d'évoquer la colocation, notamment la possibilité de créer des baux pour les colocataires et de supprimer la clause de solidarité en cas de départ d'un des signataires du bail. À l'heure actuelle, la colocation n'existe pas juridiquement. La suppression de la clause de solidarité est prévue dans le projet de loi.

Vous avez raison : les projets réussis sont ceux qui, dans le cadre de la rénovation ou de la reconstruction d'un foyer, ont prévu des lieux de socialisation accueillant les résidents, mais aussi d'autres personnes – enfants, personnes faisant partie des associations et des bars associatifs. Ce lien entre le foyer et l'ensemble de la vie sociale est extrêmement utile. Dans le cadre de l'élaboration de ces projets, les résidents ont à coeur non seulement de se retrouver entre eux, mais aussi de voir d'anciens résidents installés ailleurs et d'autres personnes. L'association des résidents à l'élaboration des projets aboutit quasi automatiquement à l'émergence de ce type d'opération. Notre responsabilité est de permettre leur financement. En effet, le maintien d'un niveau de redevance limité dans les résidences sociales complique considérablement la création de lieux communs. Je précise que la réglementation sur les établissements recevant du public (ERP), en interdisant l'accueil de plus de vingt personnes simultanément dans les salles, ne sera pas sans poser des difficultés.

Madame Dumas, les maisons partagées, à la frontière entre résidence sociale et logement autonome, constituent des solutions innovantes et très intéressantes. L'évolution du statut de la résidence sociale faciliterait ce type de réalisation qui répond à la problématique du vieillissement que vous avez évoquée, madame Hoffman-Rispal. Les maisons relais, dont la vocation est d'accueillir des personnes en difficulté sociale, peuvent aussi être une très bonne réponse aux personnes vieillissantes, la vie collective étant un élément de sécurisation.

Enfin, la question des allers et retours et des deux lieux de résidence est pour moi primordiale. Les nombreux résidents que j'ai rencontrés m'ont dit : « Nous ne sommes chez nous nulle part, ni ici, ni là-bas ; chez nous, c'est les deux endroits. » Notre pays a la responsabilité d'apporter rapidement des réponses aux besoins de ces personnes, pour lesquelles les moyens financiers ne sont pas hors de portée.

Monsieur le président, je vous renouvelle mes remerciements, ainsi qu'à l'ensemble des membres de votre Mission.

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