Intervention de Cécile Duflot

Réunion du 11 juin 2013 à 16h15
Mission d'information sur les immigrés âgés

Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement :

L'engagement de « territorialiser les politiques de droit commun » est en effet inscrit au chapitre 2 du relevé de décisions du Comité interministériel des villes du 19 février 2013. C'est un titre auquel je tenais particulièrement parce qu'il signifie bien ce que je souhaite faire dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Il s'agit de faire en sorte que les administrations françaises prennent en compte les différences qui existent dans les territoires, entre les villes, mais aussi à l'intérieur des villes, et le fait que les politiques ne peuvent pas être appliquées indifféremment dans tous les quartiers. J'ai conscience que cela mettra du temps : le travail commencera une fois les conventions signées avec les ministères concernés – cinq ou six le sont d'ores et déjà, cinq sont en cours de négociation ou de rédaction. En effet, les habitudes ont parfois la vie dure, dans certaines administrations plus que dans d'autres – moins au ministère des affaires sociales et de la santé puisque des politiques territoriales sont d'ores et déjà menées dans le cadre des contrats locaux de santé qui devraient devenir les volets santé des futurs contrats de ville. Dans ce cadre, je suis favorable, avec Marisol Touraine, au développement des maisons de soins, qui sont une bonne réponse à une offre de soins au sein des quartiers prioritaires, tout particulièrement pour les personnes âgées. Pour cela, il faut au préalable un projet émanant du terrain – associations, professionnels, élus. Marisol Touraine et moi-même prenons l'engagement de soutenir tous les projets, avec les crédits de cohésion sociale et de l'ANRU, soit en investissement direct, soit en soutien à l'équipement de maisons de soins mises en place par les collectivités. Aussi convient-il de développer une méthodologie qui sera proposée au monde associatif ou aux collectivités désireuses de s'engager dans la création de maisons de soins. La territorialisation des politiques de droit commun vaut d'ailleurs pour l'ensemble des dispositifs. Je précise que la situation des personnes âgées dans les quartiers relevant de la politique de la ville est une problématique nouvelle. On parle beaucoup de la jeunesse des quartiers populaires, il n'en est pas moins nécessaire de développer un axe spécifique de la politique de la ville compte tenu du vieillissement de la population de ces quartiers. Le bon outil sera le contrat de ville.

Douze sites vont expérimenter ces futurs contrats de ville. Mon souci est d'élargir le nombre de signataires, sans transformer ces contrats en usines à gaz. Pour cela, j'ai à coeur que les thématiques qui y seront abordées ne soient pas définies de Paris, mais correspondent le plus possible à la réalité du terrain, sachant que les quartiers ont des histoires différentes. Dans ce cadre, je souhaite la mobilisation de trois volets transversaux obligatoires : un volet jeunesse ; un volet égalité hommes-femmes ; et un volet lutte contre les discriminations et les stigmatisations, à l'intérieur duquel pourraient être développés des axes de travail sur les questions de la mémoire et de l'accès aux droits des retraités âgés.

S'agissant de l'articulation entre les politiques d'intégration et les politiques de cohésion sociale, le Gouvernement a engagé une concertation, comme je l'ai indiqué dans mon propos liminaire. En trente ans, les problématiques ont beaucoup changé, et le regard de la société, y compris celui des héritiers de l'immigration, n'est plus le même. J'ai la volonté de voir reconnue la discrimination sociale dont sont victimes ces populations immigrées, quelle que soit leur origine réelle ou supposée. Comme j'ai pu le constater en visitant plus de cent dix quartiers, si les populations se sentent parfaitement intégrées à la société française, il n'en demeure pas moins que ce phénomène de discrimination ressentie est réel. C'est pourquoi la refondation de la politique d'intégration est un élément majeur.

Cela suppose de réfléchir à la gouvernance, qui évolué au cours des cinq dernières années. En effet, c'est le ministère de l'intérieur qui conduit actuellement les politiques d'intégration. Et l'ACSé, prolongement du Fonds d'action sociale pour les travailleurs musulmans d'Algérie en métropole et pour leur famille (FAS) et du Fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations (FASILD), s'est vu retirer ses crédits intégration au profit de la direction de l'accueil, de l'intégration et de la citoyenneté (DAIC) du ministère de l'intérieur, créée en 2007 ; néanmoins, elle continue à mener des actions de soutien au monde associatif. La répartition des rôles au sein du Gouvernement devra être arbitrée dans le courant du mois d'octobre. Cette clarification permettra de sécuriser, dans le cadre des conventions pluriannuelles d'objectifs, le financement des associations, comme la FASTI et le GISTI. Pour ma part, je suis très attaché à la sanctuarisation des crédits pour 2014 des grandes têtes de réseau spécialisées dans la lutte contre les discriminations et les stigmatisations.

Par ailleurs, je souhaite que le groupe de travail qu'animera Pascal Blanchard propose une méthodologie qui permette la création de lieux de mémoire ou l'instauration d'obligations à l'intérieur des contrats de ville pour développer la mémoire des habitants – voire la mémoire des lieux, madame Geoffroy, mais il faut dans ce cas-là des lieux de mémoire vivants. Quelques exemples intéressants existent. Des communes, où des immeubles étaient promis à la démolition, ont finalement choisi de les conserver pour les réhabiliter ou les rénover, et de changer leur destination en favorisant une mixité entre activités économiques et culturelles et actions de mémoire, de telle sorte que la vie continue à l'intérieur de ces bâtiments et que la mémoire soit présente à l'intérieur du quartier.

S'agissant des lieux sociaux, en particulier les « cafés sociaux », nous travaillons actuellement sur la nouvelle génération d'opérations de renouvellement urbain. Comme je l'ai indiqué au directeur de l'ANRU, M. Pierre Sallenave, si une réflexion sur les méthodologies, les subventions de l'agence, les techniques de rénovation, les choix en matière de démolition et reconstruction est nécessaire, la prise en compte par l'ANRU de la problématique des fonctions sociales indispensables dans les quartiers est primordiale. Je vous livre quelques exemples, qui ne concernent pas forcément les immigrés âgés. J'ai l'intention de demander à l'ANRU de prévoir systématiquement des logements de cinq ou six pièces dans toutes les opérations de rénovation urbaine afin d'accueillir des microcrèches. J'envisage également de lancer une réflexion sur la construction dans les quartiers, où la sécurité est un élément important, de logements spécifiques pour les policiers afin de les fidéliser. Les locaux communaux résidentiels (LCR) n'existent quasiment plus, mais les « cafés sociaux » continuent de jouer un rôle social, comme à Amiens, qu'ils soient subventionnés ou pas, je dirai même un rôle de service public à l'intérieur de ces quartiers. Ainsi, un certain nombre de fonctions essentielles pour la vie du quartier doivent être prises en compte dans le cadre de la rénovation urbaine, afin que l'ANRU les finance de manière spécifique.

En outre, dans le cadre d'un dispositif qui pourrait remplacer les zones franches urbaines, je souhaite la mise en place d'un dispositif particulier en faveur du commerce et de l'artisanat de proximité, essentiels à l'intérieur des quartiers, soit pour les maintenir, soit pour les réimplanter.

Enfin, s'agissant du travail avec des consulats, j'avoue que je n'ai pas encore réfléchi à la question. Je dois rencontrer les ambassadeurs des trois pays du Maghreb. Dans ce cadre, je pourrai éventuellement prendre en compte les préconisations de la Mission.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion