Intervention de Danielle Auroi

Réunion du 5 juin 2013 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente :

Mes chers collègues, nous voudrions aujourd'hui vous faire un compte-rendu de cette mission franco-allemande que j'ai menée à Belgrade les 10 et 11 avril dernier avec MM. Christophe Caresche et Michel Herbillon.

Nous allons vous résumer ce que nous avons fait, mais je voudrais souligner que nous avons travaillé de façon cohérente, concertée et je pense que notre travail transversal a été reconnu comme tel.

Le contexte était un peu particulier, et particulièrement sensible, compte-tenu de la date à laquelle nous sommes arrivés à Belgrade avec nos collègues allemands. La question consistait à savoir si la Serbie était en mesure d'obtenir une date d'ouverture pour des négociations d'adhésion – susceptibles de durer de six à dix ans – ou si au contraire le processus était réellement bloqué.

La conjoncture était donc très sensible, le gouvernement serbe étant obligé d'expliquer à sa population qu'il lui fallait avaliser ce qui était exigé par l'Union européenne vis-à-vis du Kosovo.

Nous avons rencontré – j'y tenais et la collaboration de notre ambassadeur a été particulièrement efficace – d'abord des représentants d'ONG, beaucoup de ces ONG travaillant pour les droits des femmes, ainsi qu'avec les Roms. Nous avons pu ainsi avoir une idée précise de la façon dont les choses peuvent se passer sur le terrain. Nous avons également rencontré le Vice-premier ministre chargé de la lutte contre la corruption et Ministre de la défense, Mme Gordana Čomić, Vice-présidente du Parlement et le Ministre de la Justice, la Vice-première ministre chargée de l'intégration européenne, la Directrice du Bureau du Conseil de l'Europe à Belgrade ainsi que M. Vincent Degert, Chef de la délégation de l'Union européenne en Serbie, qui nous a beaucoup éclairés.

Notre délégation avait à se positionner, conjointement avec nos collègues du Bundestag, pour expliquer la ligne française, qui est la suivante : d'une part nous sommes favorables à la fixation rapide d'une date d'ouverture des négociations avec la Serbie, dès lors qu'elle est « mûre » et elle l'est, nous avons eu les éléments permettant de le vérifier ; d'autre part il est important de poursuivre le dialogue de normalisation des relations avec le Kosovo. Il convient sur ce second point de souligner que la France et l'Union européenne ne conditionnent pas l'ouverture de négociations à la reconnaissance par la Serbie de l'indépendance du Kosovo, puisque cinq États de l'Union européenne ne l'ont eux-mêmes toujours pas reconnue. En revanche, oui, il faut la normalisation des relations avec le Kosovo.

Donc, dans cette perspective, nous avions préparé le déplacement avec mon homologue M. Gunther Krichbaum, qui s'est déplacé préalablement à Paris, et un communiqué franco-allemand commun a été finalisé. L'intérêt d'un déplacement conjoint – nous l'avions fait précédemment pour la Croatie – était de dire : regardez comment deux ennemis d'hier ont pu devenir des amis et des alliés d'aujourd'hui. Telle était grosso modo notre ligne et ce qui ressortait du communiqué.

Cependant la délégation allemande a insisté notamment sur les points suivants : premièrement la fixation d'une date d'ouverture des négociations n'est pas la question première et il conviendrait au préalable de procéder à un examen très attentif des réformes internes accomplies par la Serbie ; or nous avons été rassurés sur ce point, notamment par le représentant de l'Union européenne ; deuxièmement, la Serbie devrait prioritairement reconnaître ses erreurs du passé pour mieux les surmonter, à l'instar de ce qu'a fait l'Allemagne après la guerre.

Ce point de vue de nos collègues allemands nous a poussés à faire état de notre sensibilité un peu différente par rapport au devoir de mémoire, qui est réel pour tous, mais ne signifie pas que l'on ne doit plus avancer. Nous sommes arrivés dans un deuxième temps à tenir un second point presse, au cours duquel nous étions d'accord pour dire ensemble qu'il n'est pas possible d'affirmer que la Croatie va rentrer dans l'Union européenne mais que la Serbie devrait rester à l'extérieur. Nous avons souhaité montrer une sensibilité très légèrement différente en disant que les négociations pouvaient s'ouvrir, dès lors bien sûr que la Serbie faisait des efforts dans le champ des réformes internes. Or nous avons eu des informations confirmant que la Serbie se montrait tout à fait « correcte » à cet égard, par exemple sur les questions touchant les trafics d'êtres humains qui ont lieu à travers les Balkans , point sur lequel le Kosovo par exemple semble beaucoup plus à questionner. La Serbie n'est certainement pas la pire. Le « pays d'accueil » qu'il faudrait interroger aussi à cet égard est la Hongrie. Il y a en effet un trajet compliqué qui fait qu'aujourd'hui une bonne partie des migrants passe d'abord par la Turquie et ensuite essaie, à travers les Balkans, d'arriver jusqu'à l'Union européenne. Le pays le moins « étanche » à cet égard serait apparemment la Hongrie. C'est un constat et non, bien entendu, le résultat d'une volonté officielle de la Hongrie.

En tout cas, s'agissant de l'ouverture de négociations, nous sommes plutôt contents d'avoir été réactifs et unis pour montrer qu'il ne saurait y avoir de « vilain petit canard » à partir du moment où les États font les efforts nécessaires pour entrer dans un espace de paix et de démocratie.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion