Intervention de Sandrine Doucet

Réunion du 5 juin 2013 à 17h00
Commission des affaires européennes

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSandrine Doucet, rapporteur :

Le programme Erasmus est un programme emblématique de l'Union européenne à un double titre : une notoriété et un succès jusqu'ici non démentis. La proposition de règlement « Erasmus pour tous » a pour objet, sous la forme d'un règlement, de présenter le nouveau cadre légal pour les années 2014-2020.

Ce règlement vise à remplacer le programme pluriannuel pour les années 2007-2013 qui se déclinait en différents programmes pour l'éducation, sous le vocable « Éducation et formation tout au long de la vie ». En effet, le projet de règlement pour 2014-2020, rassemble sous le nom « Erasmus pour tous » les différents programmes relatifs à la mobilité, Erasmus, Comenius, Grundtvig et Leonardo da Vinci, auquel il agrège un programme spécifique pour la Jeunesse et un pour le Sport.

Les objectifs de la Commission européenne sont ambitieux. Outre un objectif affirmé de démocratisation, elle entend répondre aux impératifs de la stratégie « Europe 2020 » qui fait de la mobilité des travailleurs ainsi que de l'acquisition d'un haut niveau de qualification une des clés d'une « croissance intelligente, inclusive et durable. » La construction d'une identité et d'une citoyenneté européennes n'est en rien absente même si elle n'est pas l'objectif premier.

Pour y répondre, la Commission envisage, dès lors, de favoriser la mobilité de 5 millions de personnes d'ici 2020, à comparer à l'estimation de 2,8 millions de bénéficiaires du programme 2007-2013. Le programme pour 2014-2020 prévoit donc une enveloppe globale de 19,1 milliards d'euros dont 63 % devrait être attribués à l'action clé, la mobilité des individus à des fins d'apprentissage.

Le projet de règlement Erasmus pour tous répond partiellement à ces ambitions, à travers trois dispositifs. Trois novations sont à relever qui visent à favoriser l'accès à la mobilité de l'ensemble des citoyens européens :

– la création d'une enveloppe globale consacrée à l'éducation, sans distinction de programmes, qui oeuvre la possibilité d'une mobilité professionnelle au sein de l'espace communautaire, à tous les âges de la vie, sous différentes formes et durée, d'où le choix du vocable « Erasmus pour tous » ;

– la mise en place d'un dispositif destiné à élargir le financement de la mobilité, sous une forme autre que celle des bourses allouées aux étudiants, par un mécanisme de garantie de prêts, pour la préparation d'un master sur une ou deux années, à hauteur maximale de 12 000 euros par an pour un an et de 18 000 euros pour deux ans ;

– une augmentation du budget alloué à l'ensemble de ce programme pour les années 2014-2020.

La fongibilité entre les différentes actions en faveur de la mobilité se trouve encadrée par un pré-fléchage des crédits attribués en fonction des différents secteurs éducatifs. Ainsi les dotations au sein de l'éducation ne peuvent-elles être inférieures à 25 % pour l'enseignement supérieur, 17 % pour l'enseignement et la formation professionnels, dont 2 % pour l'apprentissage des adultes, 7 % pour l'enseignement scolaire, et 7 % pour la jeunesse. Il importe, néanmoins, de s'assurer que la fongibilité des crédits ne se traduise pas par une sous-dotation des actions dans les secteurs les moins favorisés que sont la formation professionnelle, les filières techniques et l'apprentissage.

Trois enseignements principaux peuvent être retirés des différentes auditions que j'ai pu mener, à Bruxelles, Bordeaux et Paris.

En premier lieu, la demande d'un accès renforcé aux programmes de mobilité européenne et internationale quels que soient l'âge et le niveau de formation des apprenants est une préoccupation de l'ensemble des acteurs de terrain rencontrés tant en France qu'à l'étranger. C'est en enjeu crucial au niveau européen et national afin de favoriser notamment un haut niveau d'employabilité.

Deuxièmement, il apparaît indispensable pour répondre aux enjeux qui précèdent de renforcer les structures au sein des établissements destinés à assurer cette mobilité professionnelle, notamment par la mise en place de dispositifs de formation pérenne dotés de moyens humains et financiers ambitieux.

Troisième élément, une meilleure allocation des bourses en fonction de critères socio-économiques afin de favoriser la mobilité des personnes pour lesquelles les freins économiques se combinent aux freins culturels semble nécessaire pour répondre à l'hétérogénéité des réponses sur les divers territoires des États membres.

Le projet de règlement relatif à Erasmus pour tous est actuellement en discussion. A ce stade des négociations avec le Parlement européen et le Conseil, les co-législateurs semblent animés d'une volonté commune d'aboutir à un vote de la base légale d'ici la fin juin. Néanmoins aucun programme pour la période 2014-2020 ne sera adopté sans un accord préalable sur les perspectives financières 2014-2020.

Si les négociations sur le cadre financier pluriannuel (CFP) aboutissent, la base légale du programme devrait pouvoir être votée malgré tout d'ici la fin du mois.

Le projet de résolution que nous présentons devant votre commission a pour objet de souligner les dispositions de la base légale qui mériteraient d'être amendés même si les parlements nationaux ne sont pas partie intégrale au processus législatif en cours.

Trois d'entre elles méritent également d'être soulignés, notamment au regard de l'objectif de démocratisation : le maintien du nom du programme proposé par la Commission « Erasmus pour tous » ; le renforcement de l'accès à la mobilité en particulier pour les formations professionnelles et d'apprentissage, l'apport de garanties substantielles en ce qui concerne le mécanisme de garantie de prêt.

Tout d'abord le maintien du nom du programme, Erasmus pour tous versus Yes Europe.

Comme je le précisais devant vous le 13 novembre dernier, Mme Doris Pack, rapporteure du projet de règlement devant le Parlement européen a proposé de renommer le programme « Yes Europe », pour « Youth Education and Sport ».

Je ne reprendrai pas les arguments que je présentais alors : défense du multilinguisme, label et notoriété du nom du programme, symbole de l'humanisme incarné par le nom d'Erasme. Je propose donc de soutenir la position française au Conseil en demandant le maintien du nom proposé par la Commission : « Erasmus pour tous » ; outre le fait que le terme « pour tous » rappelle également l'enjeu de démocratisation inhérent à ce programme.

Dans un second temps, renforcer l'accès à la mobilité pour tous.

De nombreuses études ont souligné l'aspect peu démocratique du programme Erasmus dans sa version uniquement consacrée aux étudiants. J'en citerai une seule à titre d'exemple : L'autre réalité du programme Erasmus : affinité sélective entre établissements et reproduction sociale des étudiants, de Magali Balatore et Thierry Blöss.

La Commission européenne donne une autre explication à la faible représentation d'étudiants venant de milieux défavorisés bénéficiaires du programme Erasmus : l'accès au programme Erasmus étant limitée à la licence, la part d'étudiants en échec scolaire étant plus élevée dans les milieux défavorisés, cela expliquerait que la faible représentativité des étudiants issus de milieux défavorisés dans le programme Erasmus ne serait pas la conséquence d'une trop forte sélectivité de ce programme mais du défaut d'indicateur choisi.

Pour renforcer l'accès à la mobilité il me paraît dès lors judicieux de faire porter l'effort financier du programme en renforçant la mobilité des apprenants en formation professionnelle ainsi qu'à ceux en dispositif d'apprentissage.

De plus, pour inciter les jeunes à la mobilité quel que soit leur milieu d'origine il s'avère nécessaire de développer la formation à la mobilité des personnels administratifs destinés à s'occuper de ces formations. De même, cette formation doit également déboucher sur des structures intégrées au sein des différents établissements éducatifs afin de rendre l'incitation à la mobilité pérenne.

Troisièmement, offrir des garanties substantielles en ce qui concerne le mécanisme de garantie de prêt.

La création d'un mécanisme de prêt garantissant le financement d'une à deux années de master dans une université européenne partenaire peut sembler a priori une bonne idée. C'est une novation s'adressant aux étudiants en master ne pouvant financer sur leurs fonds propres leur scolarité à l'étranger, non éligibles aux autres programmes, et souhaitant néanmoins effectuer une mobilité universitaire. La garantie qui leur est offerte n'est pas négligeable à condition que l'accès au prêt se fasse sur les seuls critères académiques, et que la sélection ne s'opère pas en fonction du cursus envisagé ou du profil socio-économique des emprunteurs.

Pour éviter un surcroît d'endettement et qu'une part de l'enveloppe budgétaire y soit substantiellement allouée, il s'avère nécessaire, en accord avec la position française au sein du Conseil, d'inscrire dans la base légale le caractère expérimental de ce dispositif, de préciser le niveau de garanties offert aux étudiants, et surtout de limiter son extension à 2 % de l'enveloppe globale.

La démocratisation des programmes Erasmus, essentielle pour construire une Europe politiquement et économiquement forte, ne saurait se réduire à cette seule résolution, elle sera développée dans le projet de rapport qui sera présenté ultérieurement devant votre commission.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION EUROPÉENNE

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion