Intervention de Elisabeth Moiron-Braud

Réunion du 12 juin 2013 à 14h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Elisabeth Moiron-Braud :

La MIPROF est une très jeune mission interministérielle, puisqu'elle a été créée par un décret du 3 janvier 2013. Il est donc trop tôt pour faire un bilan de son activité, mais je vais tout de même rappeler les objectifs poursuivis.

Premièrement, cette mission vise à la création d'un observatoire national des violences faites aux femmes, à l'image de celui mis en place en Seine Saint-Denis. Il s'agit de mettre en commun les données des différentes enquêtes menées sur le sujet et de les harmoniser au niveau national, ce qui permettra à notre pays de respecter l'article 11 de la Convention d'Istanbul, convention du Conseil de l'Europe sur la prévention et la lutte contre la violence à l'égard des femmes et la violence domestique, laquelle engage les parties à collecter les données et à les agréger. Il y a un réel manque de cohérence nationale en ce qui concerne le recueil des données.

Deuxièmement, il s'agit d'identifier les bonnes pratiques locales de lutte contre les violences faites aux femmes et la traite des êtres humains, afin de les encourager et de les étendre au niveau national, comme par exemple le téléphone d'alerte « femme en très grand danger ». Il est important que chaque victime puisse avoir les mêmes droits sur tout le territoire national. Afin de saisir l'ampleur de ces violences et d'améliorer les réponses qui y sont apportées, notre mission s'attache à établir un état des lieux des outils utilisés au niveau local, et à encourager la création d'observatoires locaux.

Développer la formation pour tous les professionnels concernés par les violences faites aux femmes constitue également un objectif majeur pour la mission. À cet effet, la mission doit réaliser un cahier des charges et proposer des outils communs qui pourront être repris dans chaque module de formation pour les professionnels qui doivent accueillir les femmes victimes de violences. Ce travail de formation s'inscrit dans la réponse du ministère des Droits des femmes à un appel à propositions du programme communautaire européen pour l'emploi et la solidarité sociale dit PROGRESS.

Cet objectif implique une grande coordination entre les différents acteurs concernés par les violences faites aux femmes : c'est pourquoi le comité d'orientation de la mission inclut tous les principaux ministères, institutions, associations, personnalités qualifiées et représentants des collectivités territoriales concernées. La mission envisage enfin de lancer une campagne de communication en direction du grand public.

Enfin, la mission interministérielle a également pour objectif d'assurer la coordination nationale de la lutte contre la traite des êtres humains (article 2, alinéa 4 du décret du 3 janvier 2013). La traite des êtres humains désigne l'exploitation d'une personne par un réseau ou un individu. Cette exploitation peut être faite par le travail, la mendicité, ou être sexuelle. C'est la traite des êtres humains qui rend notamment possibles les infractions de proxénétisme et d'atteinte sexuelle. Selon les estimations, environ 60 % des prostitués sont victimes d'une forme de traite des êtres humains à des fins d'exploitation sexuelle mais il est très difficile d'obtenir des chiffres précis en matière de traite des êtres humains, de manière générale. Ces victimes sont recrutées, transportées ou hébergées pour être exploitées dans les conditions sanctionnées par la nouvelle rédaction de l'article 225-4-1 du code pénal, actuellement en cours d'adoption dans le cadre de la transposition de la dernière directive européenne sur la traite des êtres humains du 5 avril 2011, étant rappelé que la définition de la traite des êtres humains figurant à l'article 225-4-1 n'était jusqu'ici pas conforme aux textes internationaux, notamment à la convention du Conseil de de Varsovie, signée dans le cadre du Conseil de l'Europe et à la directive susvisée.

Je souhaite maintenant donner quelques éléments sur les victimes de la traite pour exploitation sexuelle. La plupart des prostituées en France sont exploitées dans le cadre de réseaux et sont originaires de l'Europe de l'Est, mais aussi de l'Afrique subsaharienne (du Nigéria en particulier), du Brésil, du Maghreb et de la Chine. Des femmes et des enfants originaires du Surinam sont exploités en Guyane. En France, les responsables de ces réseaux sont souvent roumains ou bulgares, ou nigérians. Un rapport du Département d'État américain a montré que 75 % des 20 000 personnes qui travaillent aujourd'hui sur le « marché du sexe » en France sont d'origine étrangère et contraintes à la prostitution.

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