Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 13 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires économiques

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

La création du Registre national des crédits aux particuliers constitue une pierre angulaire de ce projet de loi. Elle correspond à un engagement très fort pris par le Premier ministre à l'issue de la Conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale et rappelé par le Président de la République devant l'Union nationale interfédérale des oeuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux (UNIOPSS). Je salue le travail important de plusieurs associations de lutte contre la pauvreté, en particulier de M. François Soulage, président du Secours catholique, qui a favorisé les compromis et l'émergence d'un consensus sur ce sujet complexe.

L'objectif de ce registre est de lutter contre le surendettement et le « malendettement », d'éviter que les personnes déjà vulnérables ne souscrivent au fameux « crédit de trop ». Il convient, à cette fin, de responsabiliser les prêteurs. Jusqu'à ce jour, l'absence de législation les avait au contraire encouragés à distribuer du crédit, organisant d'une certaine manière leur irresponsabilité face au processus de surendettement.

La création de ce registre a fait l'objet de nombreux débats. Elle ne faisait consensus ni parmi les associations de consommateurs, ni chez les professionnels du secteur bancaires, ni au sein des partis politiques. Les divergences tenaient souvent à la manière d'aborder le dossier : soit du point de vue de la lutte contre le surendettement, soit de celui, non moins légitime, de la préservation des libertés publiques. À cet égard, le Gouvernement a sollicité les avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) et de la Commission nationale consultative des droits de l'homme (CNCDH). Il leur a demandé de préciser les conditions que devait respecter la création de ce registre de manière à ne pas porter atteinte aux libertés publiques, ainsi que les garde-fous qu'il convenait de poser à cette fin. Le Gouvernement a également requis un avis formel du Conseil d'État à la suite des observations que celui-ci avait formulées sur une première version du texte. Le Conseil nous a aidé à élaborer le dispositif qui vous est présenté dans l'amendement CE 634.

Le Registre national des crédits aux particuliers a vocation à rassembler des informations sur les personnes qui souhaitent souscrire un crédit à la consommation et sur leur solvabilité au regard des crédits de même type dont elles disposent déjà. Il devrait concerner, à terme, 10 millions de personnes. Il sera utilisé exclusivement par les établissements de crédit agréés, qui pourront ainsi vérifier la solvabilité des personnes qui s'adressent à eux pour souscrire un nouveau crédit. Chaque année, la Banque de France reçoit plus de 200 000 dossiers de surendettement, ce chiffre ayant encore augmenté cette année en raison de la crise économique. Or les crédits à la consommation figurent, souvent en nombre important, dans 87 % de ces dossiers. Il convient d'apporter une réponse adaptée à cette situation, pour éviter, au jour le jour, que le « crédit de trop » ne soit distribué.

La création du registre aura probablement pour conséquence une augmentation optique du nombre de dossiers de surendettement. En effet, il sera alors possible de détecter de manière beaucoup plus précoce les situations de « malendettement », d'identifier les familles vulnérables et de mieux les accompagner, en les orientant notamment vers les « points conseil budget », afin d'éviter qu'elles ne tombent dans la spirale du surendettement. Nous accomplissons donc un acte de prévention, qui nous évitera d'avoir à supporter plus tard le coût économique et social du surendettement.

Comme je l'ai indiqué, certaines associations de consommateurs étaient opposées à la création d'un tel registre au motif qu'il pouvait être attentatoire aux libertés publiques et faire l'objet d'un usage commercial frauduleux. Ces inquiétudes peuvent être aujourd'hui levées, compte tenu des garde-fous prévus par le texte. La présidente de la CNCDH nous a d'ailleurs confirmé, dans un courrier reçu lundi, que les propositions du Gouvernement tenaient compte, pour l'essentiel, des remarques et critiques formulées par son institution.

D'autres associations de consommateurs, telle la Fédération nationale des chambres régionales du surendettement social (CRESUS) présidée par M. Jean-Louis Kiehl, sont très favorables à la création du registre, de même que la grande majorité des organisations caritatives – je les ai toutes reçues – qui assistent au quotidien les familles surendettées.

Quant aux établissements bancaires, ils sont divisés entre acteurs dominants du marché du crédit à la consommation, opposés à la création du registre, et nouveaux entrants sur ce marché, favorables à la mesure. Il sera en effet plus facile pour ceux-ci d'entrer sur le marché en disposant d'un instrument mis en place par la Banque de France qui leur permettra de vérifier la solvabilité de leurs clients et réduira ainsi considérablement leur prise de risque.

Afin de tenir compte des observations du Conseil d'État, nous avons proportionné la taille du registre à sa finalité : lutter contre le surendettement. Son objet sera limité aux crédits à la consommation, qui sont présents, je l'ai dit, dans 87 % des dossiers de surendettement.

En outre, nous avons prévu un régime de sanctions pénales afin de prévenir toute utilisation frauduleuse du registre, ainsi qu'un système de traçabilité des connexions au registre supervisé par l'Autorité de contrôle prudentiel.

Enfin, la Banque de France travaille, en lien avec les établissements de crédit, à la définition d'un identifiant spécifique des particuliers pour les besoins du registre. À la demande de la CNIL et du Conseil d'État, nous avons accepté que le numéro d'inscription au Répertoire national d'identification des personnes physiques (NIR) – ou numéro INSEE – demeure réservé à la sphère sociale. Je me réjouis d'ailleurs que l'Union nationale des associations familiales (UNAF), elle aussi confrontée à la question du surendettement, se soit prononcée en faveur de la création du registre.

Le registre sera placé sous la responsabilité de la Banque de France. Le coût de sa mise en place est estimé entre 10 et 15 millions d'euros. Quant à son coût d'exploitation, il reviendra à ses utilisateurs exclusifs, c'est-à-dire aux établissements de crédit, de l'assumer. Le registre constitue en effet pour eux un instrument très précieux.

Je me réjouis qu'une telle création se concrétise dans le cadre du projet de loi relatif à la consommation.

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