Intervention de Benoît Hamon

Réunion du 13 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires économiques

Benoît Hamon, ministre délégué chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation :

Je vous dois une explication sur l'absence de dispositions relatives au Registre national des crédits aux particuliers dans le projet de loi et sur leur introduction par voie d'amendement en commission.

Je confirme que la création de ce registre fut un chemin semé d'embûches en raison de l'intense lobbying d'acteurs privés et institutionnels.

La solution à laquelle nous sommes parvenus est le résultat, et je m'en réjouis, d'une coproduction avec le Parlement. Le Gouvernement s'est appuyé sur les travaux menés sur ce sujet, notamment au sein de cette commission, par les groupes de la majorité comme de l'opposition. Les débats sur la proposition de loi de M. Jean-Christophe Lagarde ont ainsi été très utiles pour enrichir la réflexion gouvernementale.

Pourquoi la création de ce registre ne figurait-elle pas dans le projet de loi lors de sa présentation en conseil des ministres, même si je l'ai évoquée à cette occasion ? Parce que nous avons entendu les remarques du Conseil d'État sur les risques d'inconstitutionnalité que la version initiale faisait courir en raison du nombre disproportionné de personnes visées par le fichier et de l'utilisation du numéro d'identification de l'INSEE, le NIR, comme identifiant. Le Gouvernement ne souhaitait pas que l'espérance levée par une mesure aussi forte soit déçue à cause d'une censure du Conseil constitutionnel. Seul le résultat importait. Nous avons donc mis notre orgueil de côté et revu notre copie afin de proposer, le plus rapidement possible, une solution pérenne.

L'objet du registre est non pas de désendetter les ménages, mais de détecter plus précocement le surendettement. Le registre permet d'appréhender la réalité du surendettement et de lutter contre celui-ci en identifiant les personnes à risque et en les accompagnant afin de leur éviter d'être précipitées dans une situation sociale plus grave encore. Le Conseil d'État a d'ailleurs reconnu que la création du Registre national des crédits aux particuliers relevait de la lutte contre l'exclusion dont le préambule de la Constitution nous assigne la mission.

En revanche, la responsabilisation du prêteur constitue une petite révolution. Le prêteur ne pourra plus se défausser de sa responsabilité en arguant des mensonges de l'emprunteur sur sa situation. Chacun d'entre vous connaît ces familles qui cachent la réalité de leur endettement pour obtenir la somme nécessaire pour faire vivre leurs enfants. Peut-on laisser s'installer une économie sauvage entre des emprunteurs étranglés par les dettes et des établissements cherchant à vendre du crédit à la consommation ou doit-on identifier plus tôt les situations de détresse afin de mieux les prendre en charge ?

Je partage le constat de Mme Jeanine Dubié. Mon cheminement sur le registre a été proche du sien : initialement, je n'étais pas convaincu, car je me méfiais de l'usage qui pourrait être fait d'un tel fichier. Mais, après avoir écouté les acteurs sociaux au contact des ménages en difficulté, je suis convaincu, comme eux, de la nécessité de détecter plus tôt le surendettement.

J'affirme que la création du registre aura pour conséquence d'augmenter le nombre de dossiers pris en charge. Je comprends que la Banque de France s'en inquiète dans sa situation budgétaire contrainte. Mais c'est précisément ce que nous souhaitons afin d'améliorer la détection des cas de surendettement.

Dans l'exemple belge, trois années de récession peuvent expliquer en partie l'augmentation du nombre de ménages surendettés. J'espère que le Registre national des crédits nous aidera à diminuer le niveau moyen de surendettement.

L'efficacité du registre sera jugée à l'aune de la capacité des pouvoirs publics à se mobiliser davantage pour venir en aide aux personnes surendettées.

La création d'un tel registre divise toutes les familles politiques. Je me souviens que le candidat Nicolas Sarkozy s'y était engagé pendant la campagne. J'ai pris note de la position modérée de M. Damien Abad et de celle de son groupe. Ce sujet ne prête pas aux appréciations manichéennes. J'assume pour ma part avoir changé d'avis.

En réponse aux exigences de la CNIL et du Conseil d'État, le registre concernera environ 10 millions de personnes et sera concentré sur les seuls crédits à la consommation dont le poids excessif est la principale caractéristique des dossiers de surendettement. Le crédit immobilier n'est en effet présent que dans 4 % de ces dossiers tandis que 10 % d'entre eux mêlent crédit immobilier et crédits à la consommation. Nous pensons ainsi apporter les garanties de proportionnalité requises.

S'agissant de la proposition sur l'obligation de fournir les trois derniers relevés de compte pour obtenir un crédit à la consommation, il ne faut pas oublier que celui-ci est souvent contracté sur le lieu de vente après une décision d'achat rapide. Il est peu probable que tous les clients soient alors munis de leurs relevés de compte. Cette exigence risque donc de freiner considérablement l'acte d'achat et de pénaliser la consommation. En outre, elle apparaît encore plus intrusive au regard de la vie privée que le fichier contesté. Enfin, qu'en sera-t-il si la personne possède plusieurs comptes ? Cette proposition me semble beaucoup moins fiable que le Registre national.

Le coût de la mise en place du fichier est estimé à quelque 15 millions d'euros. La Banque de France avançait, pour la version initiale du registre – 25 millions de personnes étaient concernées –, un chiffrage considérable entre 500 et 800 millions d'euros, qui traduisait d'abord la réticence de l'institution à l'égard du projet. La réserve de M. Noyer, gouverneur de la Banque de France, et de ses services fut d'ailleurs une difficulté.

Le coût de gestion sera amorti en trois ans par la tarification de la consultation auprès des établissements de crédit qui connaîtront alors la solvabilité des clients.

La mise à jour, sous le contrôle de la Banque de France, sera quotidienne.

Plusieurs garanties en matière de libertés publiques sont apportées : seuls les établissements agréés pourront consulter le fichier après avoir recueilli l'autorisation de l'emprunteur potentiel ; la traçabilité et le volume des connexions seront contrôlés ; l'utilisation frauduleuse du fichier sera sévèrement réprimée. Ces garanties, qui devraient satisfaire le Conseil constitutionnel, permettront de disposer d'un registre efficace dont nous souhaitons une rapide mise en place.

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