Beaucoup de propositions contenues dans le rapport et attendues par le secteur – l'assouplissement de la chronologie des médias pour la vidéo par abonnement ou le respect de la neutralité technologique des taux de TVA – vont dans le bon sens ; la plupart d'entre elles se situent d'ailleurs dans la continuité des politiques culturelles menées ces dernières années : ainsi, s'agissant de la chronologie des médias, la loi dite « Hadopi » du 12 juin 2009 avait ramené la première fenêtre de six à quatre mois.
Monsieur Lescure, vous saluez dans votre rapport – et je tiens à vous remercier de votre honnêteté – l'efficacité du système de la réponse graduée : le dispositif fonctionne, son caractère pédagogique est reconnu et l'envoi d'avertissements aux internautes a eu un effet positif notoire dans la lutte contre le téléchargement illégal. Cela posé, pourquoi vouloir changer ce système ? Vous conseillez de supprimer la Hadopi, autorité administrative indépendante (AAI) qui gère la réponse graduée, de transférer au CSA un mécanisme amoindri de réponse graduée et de concentrer la lutte contre le piratage en direction des acteurs qui en tirent un bénéfice économique.
Lors de la remise du rapport, le gouvernement a insisté sur la fin de la Hadopi, signal déplorable envoyé à nos compatriotes en matière de lutte contre le piratage. Selon vous, il y aurait une distinction à opérer entre les échanges entre particuliers – plus tolérables – et le piratage commercial qu'il faudrait poursuivre sans restriction – nous sommes d'accord avec vous sur ce dernier point. Ne pensez-vous pas qu'il serait plus efficace pour défendre les droits des créateurs et favoriser l'essor de l'offre légale des contenus sur internet de viser toutes les formes de piratage ? Si l'on ne lutte plus contre le téléchargement illégal, il devient impossible de développer l'offre légale et de financer la création. On pourrait au contraire étendre les compétences de l'AAI au suivi des engagements pris volontairement par les différentes catégories d'intermédiaires pour lutter contre le téléchargement organisé à but commercial – nous souhaiterions d'ailleurs que vous puissiez nous en fournir quelques exemples.
Le système actuel concilie les droits des auteurs – protégés efficacement par une autorité administrative dédiée pouvant appliquer des sanctions significatives – et ceux des internautes, dont la garantie est organisée par la loi dite « Hadopi 2 » qui prévoit l'intervention du juge judiciaire pour prononcer les éventuelles condamnations. Dans votre rapport, vous préconisez d'abroger la peine dissuasive de suspension de l'abonnement à internet et de plafonner le montant de la sanction à une amende de 60 euros, qui, selon vos propres mots, représente le montant annuel d'un abonnement à une offre légale de musique et n'incitera donc pas l'internaute à y souscrire. Votre dispositif ne présentera plus de caractère pédagogique, puisque ce sont les rappels à la loi reposant sur une éventuelle sanction qui s'avèrent efficaces. Ne devrait-on pas maintenir le système de réponse graduée et étendre les missions de la Hadopi ?
Assujettir les appareils connectés à une nouvelle contribution permettrait de tenir compte de l'évolution des marges dans la filière de la culture, mais pourquoi devrait-on instaurer une taxe plutôt que de modifier les dispositifs actuels ? Dans le cadre de mon rapport sur le Centre national de la musique, nous avions d'ailleurs proposé de réorienter certaines taxes pour les adapter aux nouvelles répartitions de la valeur. À quoi comptez-vous affecter ce prélèvement supplémentaire ? Comment serait géré le compte placé sous la responsabilité du ministère de la culture et de la communication ? Si cette taxe devait se substituer à la rémunération pour copie privée, son produit couvrirait-il intégralement celui du système actuel ?