Intervention de Rudy Salles

Réunion du 12 juin 2013 à 9h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRudy Salles :

Monsieur Lescure, à la tête de Canal Plus, vous incarniez une exception culturelle vigoureuse, offensive et non défensive, qui partait à la conquête de l'Europe, de l'Afrique du Nord et même du continent américain. Que vous ayez été nommé à la tête de cette mission était donc rassurant, et ce d'autant plus que celle-ci affichait comme objectif de maintenir l'exception culturelle française et de l'adapter à l'ère numérique. L'objectif est-il atteint ? Je m'interroge.

Votre travail constitue une somme qui mérite respect et remerciements. Néanmoins, je regrette qu'un échange avec le Parlement n'ait pas eu lieu au moment de l'élaboration du rapport et qu'il ne soit organisé qu'une fois celui-ci publié.

Parmi vos 80 propositions, on retient immédiatement l'enterrement de la Hadopi, qui présente un bilan très modeste, puisque seules deux personnes ont été condamnées après un million de courriers électroniques envoyés et ce, pour un budget de 12 millions d'euros. Il convient cependant de modérer nos critiques, car le précédent gouvernement avait tenté de concilier le libre accès aux oeuvres artistiques sur internet avec la protection des droits d'auteur, deux notions qui peuvent apparaître incompatibles. Vous proposez de maintenir une réponse graduée, pédagogique et assortie d'une contravention de 60 euros en cas de délit de négligence caractérisée de sécurisation de l'accès à internet : en somme, on supprime la Hadopi, mais on la remplace par un système assez semblable dans lequel c'est l'opérateur qui surveille, jouant ainsi le rôle d'une police privée. Où est le progrès ?

Il semble que d'ici deux ou trois ans, nous ne téléchargerons plus d'oeuvres, car nous les regarderons exclusivement en streaming. Ne procédant plus à l'acquisition de produits culturels en ligne, nous posséderons une licence pour les regarder ou les écouter ; cette évolution exige d'élaborer un mécanisme permettant de rémunérer les auteurs. Actuellement, il en existe deux principaux : la rémunération pour la copie privée et la vente d'oeuvres. La première fut créée en 1985 et s'appliquait à l'époque aux bandes magnétiques vierges ; elle a été progressivement étendue aux autres supports permettant d'effectuer des copies privées – CD et DVD, puis l'ensemble des nouveaux appareils pouvant contenir des copies –, mais avec l'avènement du streaming, cette notion de copie privée pourrait devenir caduque. Sur ce sujet, votre rapport reste indécis – puisque vous proposez de consolider la rémunération pour copie privée tout en prévoyant son remplacement progressif par une taxe sur les appareils connectés – et apporte donc peu de perspectives de long terme pour la lutte contre le piratage. Êtes-vous d'accord avec ce constat ?

À la disparition de la Hadopi répond le triomphe du CSA, qui pourrait notamment signer des « conventions engagement bénéfice » avec les hébergeurs et les diffuseurs de contenus culturels, ce qui romprait avec l'esprit d'internet. Je doute également de la pertinence de votre recommandation de charger le CSA de l'observation des pratiques culturelles sur internet, sachant que cet organisme a démontré dans le passé son incapacité à suivre l'activité des radios et des télévisions associatives.

L'orientation que vous proposez ne diffère pas fondamentalement de celle du dispositif précédent, puisque l'on attribue au CSA les missions de la Hadopi et que l'on continue d'interdire le partage non marchand. Existe-t-il, dans votre rapport, un motif de satisfaction pour la création libre ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion