Votre rapport porte le titre de « Contribution aux politiques culturelles à l'ère numérique » et il faut donc l'appréhender comme une contribution au débat ; le gouvernement s'inspirera de cet apport pour rédiger un projet de loi sur lequel le Parlement se prononcera : cette chronologie de l'élaboration de la politique publique permet de respecter le rôle de chacun.
Le numérique génère de grandes opportunités en termes de recherche, d'information et d'échange, mais il entraîne également quelques conséquences négatives pour la politique culturelle. Contrairement à M. Franck Riester, nous estimons que le bilan de la Hadopi reste mitigé : le mécanisme de sanction s'inscrit davantage dans une démarche de communication que dans une volonté d'efficacité et, alors que 50 000 coupures d'accès à internet étaient prévues, seules trois personnes ont subi une telle condamnation. Dans le même temps, nous déplorons la diminution constante de la consommation des biens culturels ; ainsi, en 2012, la fréquentation des salles de cinéma a baissé de 11 %, la vente des DVD Blu-ray a décliné de 9 % et le marché français de la musique a chuté de 5 %.
Votre rapport défend une ligne périlleuse mais pragmatique, puisque vous cherchez à concilier la préservation des atouts du droit d'auteur – pilier de la culture française et de son financement – avec le desserrement des contraintes de ce régime juridique pour faire face à la nouvelle donne technologique. Adapter et moderniser, telles sont les ambitions de votre rapport.
La transition numérique rapide des industries culturelles et l'accélération de la chronologie des médias favoriseront le développement de l'offre légale en ligne, celle-ci devant pratiquer des prix abordables pour décourager le téléchargement illégal. La lutte contre ce dernier implique que l'État soutienne la création et réfléchisse à l'évolution de son financement qui doit intégrer la mutation numérique. Le débat sur la nature de la taxe sur les ventes d'appareils connectés devrait plutôt se concentrer sur son affectation et je souscris aux propos tenus par le président Patrick Bloche sur la copie privée.
Nous avons été très sensibles à la partie du rapport traitant de la diffusion numérique de la captation des spectacles et des droits à créer pour les producteurs de spectacles vivants. La loi d'orientation devra combler un vide juridique et reconnaître le rôle de ces producteurs.
Nous serions favorables à l'idée de modifier le régime de la protection de la propriété intellectuelle en gardant le principe de la riposte graduée. Le dispositif que vous présentez vise à conduire une lutte ciblée contre les sites contrefacteurs, tout en abrogeant la mesure de suspension de la connexion à internet, contraire aux libertés des usagers. Une méthode d'alerte et de pédagogie auprès du public paraît en effet plus efficace.
La politique culturelle nécessite un profond renouvellement et une réelle modernisation ; elle doit s'adapter aux nouvelles technologies et ne pas laisser se creuser de fossé entre les acteurs. Nous saluons pour ces raisons l'orientation des préconisations du rapport de M. Pierre Lescure et nous encourageons le gouvernement à le prendre en compte pour élaborer un projet de loi à la hauteur de ces enjeux.
Monsieur Lescure, je vous trouve optimiste quant à l'idée de conclure un accord collectif impliquant les auteurs et les artistes, alors que la négociation sociale reste difficile dans le secteur culturel, comme l'ont montré les dossiers de la copie privée et de l'intermittence. Pouvez-vous nous expliquer ce qui nourrit votre espoir ?