Intervention de Titus Corlatean

Réunion du 11 juin 2013 à 16h30
Commission des affaires étrangères

Titus Corlatean, ministre des affaires étrangères de Roumanie :

Je vous remercie pour cet accueil extrêmement amical. Ma présence aujourd'hui à Paris témoigne d'une relation politique, diplomatique, économique et culturelle qui existe depuis des siècles entre nos deux pays. La relation politique est exceptionnelle. Nous sommes très impliqués, très engagés, à l'entretenir par des liens politiques, parlementaires et par des relations économiques intenses, en ajoutant bien sûr la dimension culturelle qui pour la Roumanie francophone reste essentielle.

Tout d'abord, je souhaite dire quelques mots de la situation politique actuelle en Roumanie. La Roumanie est membre de l'Union européenne et de l'OTAN. Le gouvernement bénéficie d'une forte majorité, d'environ 70 %, au parlement depuis les élections législatives de novembre dernier. Cette majorité solide aide le gouvernement à mettre en oeuvre son programme. L'accord politique de coopération institutionnelle qui assure la cohabitation entre le président de la République et le Premier ministre est aussi un élément très positif. Il conforte l'état de stabilité politique nécessaire qui se reflète dans la performance économique et sa tendance positive.

La Roumanie figure parmi le petit nombre de pays qui a connu une croissance en 2012 et qui anticipe un taux de croissance positif, de 1,6 %, cette année, voire 2 % selon la performance du secteur agricole. Le système bancaire est solide. C'est important pour la région de l'Europe centrale et orientale. La monnaie est stable et le déficit contrôlé : 2,9 % du PIB en 2012 et 2,7 % prévu pour 2013. La dette s'établit à 37 % du PIB, soit un niveau raisonnable, et la confiance des investisseurs étrangers est là, notamment grâce à l'accord conclu et qui perdure avec le FMI, la Banque mondiale et la Commission européenne. Le taux de chômage s'établit à 5,5 %.

Nous sommes intéressés à ce qui peut stimuler la croissance économique, notamment en direction des jeunes. Les préoccupations exprimées par la France et l'Allemagne sont aussi nos priorités : l'emploi, l'énergie, les infrastructures et la compétitivité. La priorité accordée à la compétitivité se reflète dans le plus grand projet laser du monde que vous avez mentionné, cofinancé par la Commission européenne, et qui sera implanté près de Bucarest du fait notamment de la qualité de la recherche roumaine et de son tissu d'experts. Nous discutons avec la France et quelques autres pays bénéficiaires de cette haute technologie pour conduire à bien le projet.

S'agissant des relations bilatérales, elles sont exceptionnelles je l'ai dit et connaissent une dynamique politique renouvelée. La visite du Premier ministre roumain il y a deux mois a permis la signature d'une feuille de route pour mettre en oeuvre le partenariat stratégique, avec des éléments concrets dans le domaine politique, mais aussi économique. Je suis satisfait des échanges que j'ai eus aujourd'hui et qui permettent d'avancer.

Bien sûr, les échanges culturels sont très importants. La francophonie est un pilier de notre identité européenne. Je veux mentionner qu'avec le maire de Bucarest nous avons inauguré la seule « place de la francophonie » qui existe dans une capitale européenne. Nous travaillons sur des évènements culturels francophones, l'apprentissage du français est soutenu dans notre système éducatif avec 1,7 million d'apprenants en première ou deuxième langue étrangère et le nouveau lycée français sera inauguré au mois de juillet, nous l'espérons en présence du Premier ministre Jean-Marc Ayrault. Ces trois types d'actions traduisent notre engagement en faveur de la francophonie.

Le Gouvernement auquel j'appartiens considère la question des fonds structurels comme une priorité. Nous avons d'ailleurs constaté une amélioration du taux d'absorption depuis douze mois, notamment en ce qui concerne l'agriculture, ainsi qu'un déblocage de dossiers qui n'étaient pas gérés jusque-là comme ils auraient dû l'être. Nous avons donc obtenu des évolutions très rapides.

Une des clefs est la décentralisation, qui fait en ce moment l'objet d'un large débat au Parlement. Différentes options, notamment le modèle français, sont à l'étude avec l'aide de spécialistes européens. Les régions de développement, dotées de la personnalité juridique, auront pour vocation de soutenir de grands projets avec le soutien des fonds structurels.

Nous nous réjouissons qu'une solution ait été trouvée pour le cadre financier pluriannuel lors du dernier Conseil européen, car c'était important au plan politique et économique, mais nous ne sommes pas entièrement satisfaits. La Roumanie n'a pas obtenu le soutien budgétaire dont elle a besoin pour les régions sous-développées – et ce n'est qu'un exemple parmi d'autres. En revanche, nous sommes heureux du soutien apporté à la politique agricole. C'est un sujet prioritaire pour la France comme pour nous.

La Syrie ne nous concerne pas seulement de manière indirecte, en tant qu'Européens. Entre 12 000 et 13 000 ressortissants roumains vivent dans ce pays, essentiellement des femmes mariées à des Syriens et leurs enfants. Les pays arabes, notamment la Syrie, envoyaient traditionnellement chez nous des étudiants qui repartaient ensuite avec leur famille. Je tiens à dire que ces ressortissants roumains – et donc chrétiens – sont bien intégrés en Syrie. Seules quelques centaines d'entre eux ont quitté le pays malgré les événements tragiques qui s'y déroulent. Nous avons gardé notre ambassade ouverte à Damas, avec toutefois quelques restrictions, afin de pouvoir apporter l'assistance consulaire nécessaire et de représenter les intérêts d'autres Etats européens et amis, comme la France.

La Roumanie, qui privilégie une solution politique en Syrie, est très intéressée par l'initiative américaine et russe. La conférence de Genève 2 pourrait donner, pour la première fois depuis bien longtemps, une possibilité concrète de discussions entre toutes les parties concernées. Mais c'est bien sûr une voie difficile à explorer. J'ai eu l'occasion d'en discuter il y a quelques jours au Caire avec les autorités égyptiennes, le secrétariat de la Ligue arabe et des représentants d'autres parties concernées. Je tiens aussi à dire que nous entretenons un excellent dialogue avec les autorités françaises : nous réalisons des évaluations communes et nous essayons de nous coordonner

Pour avoir suivi de près les discussions au sein du Conseil des ministres des affaires étrangères, je peux dire que l'opération au Mali est un exemple exceptionnel de réussite française : cette intervention était nécessaire et a été conduite efficacement et la Roumanie salue l'action de la France. Il fallait en effet éviter qu'une organisation terroriste prenne le contrôle d'un État entier, ce qui aurait été sans précédent. La Roumanie prend donc part à la mission de soutien européenne et la rotation des personnels en septembre permettra d'acheminer des soldats roumains sur le terrain ; elle y apporte également une assistance logistique. Par ailleurs, la Roumanie soutient la démarche de négociation politique qui a été engagée : il faut parvenir à un accord concernant le nord du Mali, en conciliant l'autonomie avec le respect de l'intégrité territoriale malienne.

La Turquie est un pays important du point de vue de la Roumanie. Les deux pays entretiennent un partenariat stratégique et ont de forts liens économiques. La Roumanie souhaite donc aider la Turquie dans les négociations qu'elle mène avec l'Union européenne en vue de son adhésion, ce dans une optique générale de renforcement de la démocratie en Turquie. La Roumanie suit de près les manifestations en cours en Turquie, qui constituent en elles-mêmes un signe de vitalité démocratique. Pour sortir de la situation présente, le dialogue est cependant nécessaire et on l'on doit appeler à plus de retenue de part et d'autre.

La Roumanie et la Moldavie ont des liens spéciaux, puisqu'il y a une histoire et une langue communes. De plus, la Roumanie, située sur la frontière orientale de l'Union européenne, est nécessairement intéressée à ce qui se passe au-delà de cette frontière et souhaite que les valeurs démocratiques et européennes s'y diffusent. La Roumanie soutient donc le parcours européen de la Moldavie. Elle a également joué un rôle actif dans la recherche de solutions à la crise politique traversée par ce pays dans les derniers mois, qui a débouché sur la constitution du gouvernement de M. Iurie Leancặ. Il est à cet égard satisfaisant de constater que les partis pro-européens de l'ancienne coalition sont restés fidèles à leur engagement et conservent un agenda de réformes allant dans le sens de l'intégration européenne. Enfin, la Roumanie apporte son appui à la Moldavie dans la perspective du sommet de Vilnius. Le futur accord d'association semble prêt et le futur accord de libre-échange est en cours de finalisation ; une solution a été trouvée, ce qui est important, pour y prendre en compte les entreprises transnistriennes.

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