Intervention de Gwenaël le Dily

Réunion du 12 juin 2013 à 11h00
Commission d'enquête chargée d'investiguer sur la situation de la sidérurgie et de la métallurgie françaises et européennes dans la crise économique et financière et sur les conditions de leur sauvegarde et de leur développement

Gwenaël le Dily, consultant du cabinet Secafi Alfa :

Les missions que nous effectuons dans le secteur de la sidérurgie sont de deux types. En premier lieu, il y a les missions que l'on peut appeler « classiques » qui consistent à examiner les comptes d'une entreprise et d'en dégager leurs incidences économiques et sociales. Il existe aussi des missions plus ponctuelles que nous réalisons dans le cadre du droit d'alerte des comités d'entreprise comme cela est le cas lorsqu'une restructuration est en cours, à l'exemple de notre intervention s'agissant de la société ArcelorMittal Atlantique et Lorraine qui impacte des sites comme Florange ou encore celui de Basse Indre. Notre cabinet est également impliqué dans d'autres missions concernant des groupes comme Ascométal ou encore Rio Tinto et aussi des filières (aciers plats, inox etc.). Notre champ d'intervention se trouve toutefois circonscrit aux activités comprises sur le territoire national en vertu des limites du droit social français.

Pour introduire plus spécifiquement le sujet qui retient l'attention de votre commission, je vous invite à prendre connaissance de la note sectorielle actualisée que nous vous avons transmise. Il convient, d'abord, de rappeler que la crise qui affecte le secteur date du courant de l'année 2008. Depuis on ne perçoit, du moins s'agissant de l'Europe, qu'un faible potentiel de redémarrage par rapport à une période de pointe de l'activité qui ne peut toutefois servir de référence absolue car « on ne grimpe pas les Himalaya tous les jours ! ». Les années 2007-2008 ne constituent donc pas un bon repère. Autre rappel, la Chine compte à présent pour près de la moitié de la production mondiale et, chaque année, sont créées dans ce pays de nouvelles capacités équivalentes à ce que produit ArcelorMittal ! On relève néanmoins des signaux positifs de reprise en Amérique du nord et en considérant quelques petits signes concernant l'Europe, le point bas ou point d'inflexion n'est sans doute pas loin, d'autant que les stocks y sont désormais faibles. Un redémarrage est possible voire proche. La question est posée au regard de la mise à l'arrêt d'une partie des activités de nombreux acteurs de la sidérurgie européenne qui ont privilégié un cycle se caractérisant par la convergence de modèles de réduction de l'offre. Cette voie qui devait, selon eux, éviter de trop lourdes conséquences sur les prix et un écrasement de leurs marges, n'a pas totalement réussi si on considère les résultats des principaux groupes. Il existe même à terme un réel risque de dépendance pour l'Europe et cela est encore plus vrai pour la France qui a très sensiblement engagé une « réduction de voilure ». Quoi qu'il en soit, le secteur reste exportateur net en volume et plus encore en valeur malgré le niveau de l'euro par rapport au dollar. Il y a certains effets de balance entre les marchés spécifiques du haut de gamme et les produits moins nobles. La sidérurgie française compte environ 50 000 emplois et même 80 000 en englobant les sous-traitants. Toutefois, il faut se garder d'un raisonnement qui ne privilégierait que les seuls marchés du haut de gamme car il faut absolument maintenir un équilibre entre précisément ce qui relève de ce haut de gamme, mais aussi du moyen de gamme et enfin ce qui est généralement regroupé sous le nom de commodités. Un tel équilibre demeure essentiel pour le bon fonctionnement d'une activité aussi capitalistique. À défaut, les prix de revient ne seraient plus supportables.

La réduction du volume de production en Europe a conduit à une hausse des importations. La Chine augmente fortement sa production, production qui reste d'ailleurs en hausse dans le monde entier dans le domaine de l'acier alors que le coût du minerai augmente. Dans ces conditions, les marges demeurent faibles car le poids des matières premières sur les prix est prépondérant.

Il s'agit d'un secteur à investissements longs, d'où l'importance de la R&D. Ainsi, les produits USIBOR d'ArcelorMittal gagnent aujourd'hui de l'argent mais il faut savoir que leurs premiers développements remontent au début des années quatre-vingt-dix. Cela donne la mesure de la durée du cycle. Il faut donc rester vigilant et ne pas baisser la garde dans le domaine de la R&D. L'investissement industriel doit porter sur l'outil, certes, mais encore sur les hommes. À Florange, un quart des emplois sont concernés par des départs en retraite et la pyramide des âges tend à s'inverser.

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