Nous exerçons notre expertise auprès des CE et des CHSCT, depuis 2007 auprès du comité d'entreprise européen d'ArcelorMittal mais aussi, auprès du comité de l'acier et du comité du dialogue social sectoriel.
À ce stade, il faut remettre en perspective l'histoire de la sidérurgie depuis 2004. L'année 2004 me semble être en effet un bon point de départ pour l'analyse. La période 2004-2008 a été celle d'une croissance soutenue tant en volume qu'en tonnage et en prix. 2004 a vu l'arrivée de la Chine sur le marché, aujourd'hui, ce pays produit la moitié de l'acier mondial. Ce qui change la donne, c'est le prix des matières premières, ceux-ci ne baisseront plus à l'avenir. Ils représentent désormais jusqu'à 80 % du prix de revient contre 30 % avant 2004. De son côté, au cours de la même période, le coût de la main d'oeuvre est tombé à 10 voire 15 % au maximum des prix de revient des produits.
La sidérurgie européenne est en voie de déclassement si rien ne change dans un monde ouvert aux échanges. La balance commerciale de l'acier européen est positive mais artificielle, dès qu'il y a une reprise, le prix des produits plats baisse et celui des produits longs augmente. Cette constante est due à ce que nous vendons beaucoup de produits longs au Maghreb qui construit beaucoup alors, que l'Europe sera à terme déficitaire pour les produits plats et les aciers spéciaux.
Tous les pays européens connaissent une baisse de leur production : - 19 % pour la France ; - 31 % pour la Belgique ; - 38 % pour la République tchèque. On pourrait même dire que notre pays ne s'en tire pas trop mal ! En ce qui concerne l'équilibre entre l'offre et la demande, nous ne partageons pas le discours partout entendu au sujet d'une surcapacité ; bien au contraire, depuis 2007, 40 millions de tonnes ont été fermées. Si le caractère temporaire de certaines fermetures, à la différence d'un site comme celui de Florange que nous classons « fermé » pour sa filière liquide, se confirme, il manquera encore 20 tonnes. Devant ce phénomène, les pays sont inégalement touchés, certains ont gagné en productivité pendant la crise ; ces gains leur permettent de rester performant.
Le pincement entre les matières premières et les produits touche tous les secteurs y compris l'acier électrique. Au titre d'exemple, le site de Bilbao, a divisé par deux ses capacités et continue de s'adapter. La crise à laquelle nous sommes confrontés aujourd'hui n'est pas celle du début des années 1990. Pour apporter une réponse, il faut gagner en efficience énergétique comme en efficience « matière ». La sidérurgie européenne est efficace mais des progrès restent à faire dans ces deux domaines qui permettraient de résorber la question de la compétitivité de 20 %. Plus on utilise de matière, plus on consomme de l'énergie pour la fondre.
C'est ce qui était attendu en termes économiques du projet Ulcos. Si la technologie envisagée pour Florange fonctionne comme résultat d'un consensus sur le travail de plusieurs chercheurs sur plusieurs années, avec un financement provenant à 50 % de la sidérurgie, le projet pourra se développer dans ses trois étapes. Si le recyclage des gaz de hauts fourneaux est mis en oeuvre, alors 40 % d'économie seront réalisés. Pour ce qui concerne l'enfouissement du CO2, il faut traiter cette question à part du reste du projet.
Dans le même cadre, et au sujet de Saint-Jean-de-Maurienne, il faut comparer les performances allemandes et françaises dans l'aluminium, je vous laisse apprécier de quel côté se trouve la performance énergétique ! La question ne relève pas uniquement de la technique, il faut associer les travailleurs. En Allemagne, le patronat travaille notamment avec le syndicat de la chimie. La France a longtemps bénéficié d'une énergie à bon marché sans songer à l'avenir. Aussi, si la perspective est qu'un groupe allemand rachète Saint-Jean-de-Maurienne, c'est que celui-ci a su combiner l'économie d'énergie avec l'économie « matière ».
Nous ne pouvons pas nous prononcer sur la situation financière d'ArceloMittal pour des raisons de confidentialité.