Cette directive est extrêmement importante. L'Union européenne a décidé de prendre le taureau par les cornes et d'harmoniser le ravitaillement en carburant de substitution aux carburants carbonés du continent européen
Elle intervient dans le cadre de la stratégie Europe 2020 pour une croissance intelligente, durable et inclusive, qui vise à répondre aux défis du changement climatique et à la pénurie des ressources pétrolières. Le Livre blanc intitulé « Feuille de route pour un espace européen unique des transports - Vers un système de transport compétitif et économe en ressources » exige la fin de la dépendance énergétique en matière de pétrole dans les transports et fixe un objectif de réduction de 60 % des émissions de gaz à effet de serre pour 2050. De même, la directive 200928 CE, du 23 avril 2009, relative à la promotion de l'utilisation de l'énergie produite à partir de sources renouvelables fixe un objectif de part de marché de 10 % pour les énergies renouvelables dans les transports.
La réalisation de ces objectifs, qui visent à faire de l'Europe le continent leader en matière de transports décarbonés et durables, et à réduire dépendance énergétique, passe par la mise en place d'un réseau d'infrastructures d'approvisionnement à la fois dense et standardisé sur l'ensemble du territoire européen. C'est l'objet de ce projet de directive.
Pour atteindre ces objectifs, la directive suggère que les États membres adoptent des cadres d'action nationaux coordonnés afin de rationaliser l'offre des carburants de substitution à savoir, l'électricité, l'hydrogène, les biocarburants, les carburants de synthèse, le gaz naturel et le gaz de pétrole liquéfié. Les cadres d'action nationaux adoptés par les États membres devront intégrer des évaluations de la situation actuelle des carburants de substitution, des mesures nationales qui encouragent leur développement commercial, des objectifs chiffrés des véhicules utilisant des carburants de substitution d'ici 2020 sans oublier un soutien à la recherche et au développement technologique des carburants de substitution. Les États membres ont un délai de 18 mois à compter de la date d'entrée en vigueur de la directive pour notifier leur cadre d'action nationale à la Commission. C'est aux États membres que revient la tâche de coopérer et de coordonner les cadres d'action afin de veiller à la cohérence des mesures appliquées. A terme, les mesures de la directive permettront de favoriser les investissements publics et privés en faveur du développement commercial des infrastructures pour les carburants de substitution et notamment l'électricité.
Dès lors que le cadre d'intervention des mesures prises demeure national pour atteindre un objectif indissociable de la liberté de circulation en Europe, nous ne devrions pas nous heurter au principe de subsidiarité ; il pourrait en être autrement si au cours des débats des amendements donnant un caractère impératif à cette programmation étaient adoptés.
En ce qui concerne le véhicule électrique, la directive comporte deux aspects : le développement des points de recharge et l'harmonisation des prises.
Il n'y a pas actuellement de couverture minimale d'approvisionnement en électricité sur l'espace public. Le manque évident d'infrastructures, telles que les bornes de recharge électriques, entrave la commercialisation et l'adoption de la voiture électrique même si la recharge s'effectue essentiellement le soir, au tarif de nuit, et au domicile ou dans les locaux d'entreprises pour les flottes.
Pour y remédier, la Commission Européenne propose à chaque État membre de mettre en place un nombre de points de recharge pour véhicules électriques qui varie selon la population des États membres. Ainsi, la France devrait ériger 969 000 bornes électriques d'ici le 31 décembre 2020 dont 10 % devront être ouverts au public, à savoir 97 000 points de recharge.
Il est évident que l'objectif trouve sa limite dans l'implantation de bornes de recharges électriques dans le parc privé, en particulier les copropriétés, qui représentent 90 % du total.
La directive souligne l'obligation de respecter la concurrence entre fournisseurs d'électricité. Les États membres ne doivent privilégier aucun fournisseur d'électricité et veiller à ce que les prix des points de recharge électriques ouverts au public soient raisonnables et ne comportent aucun frais supplémentaires, pour les utilisateurs qui n'ont pas conclu de contrats avec les fournisseurs d'électricité des bornes publiques. Ces points de recharge devront être disponibles dans des conditions équitables, raisonnables et non discriminatoires. La mise en place massive de points de recharges électriques permettrait également aux véhicules électriques de participer à la stabilisation des réseaux électriques dont la gestion peut s'avérer délicate avec les énergies renouvelables à rendement irrégulier, par exemple les éoliennes. En effet, lorsque la demande d'électricité est faible, la recharge de la batterie peut se faire depuis le réseau ; lorsque la demande d'électricité augmente, les batteries électriques peuvent restituer de l'électricité dans le réseau et participer ainsi à sa régulation.
La directive préconise également qu'un nombre suffisant de points de recharge en hydrogène ouverts au public, espacés de 300 km, soient disponibles le 31 décembre 2020, afin de favoriser le développement des véhicules à hydrogène. Ces espaces de ravitaillement devront être conformes à des normes techniques qui seront adoptées par l'Union Européenne d'ici 2014. Cet objectif, s'agissant d'une source d'énergie secondaire, encore loin d'être mature au plan du modèle économique, peut provoquer une certaine perplexité car les constructeurs automobiles n'annoncent pas aujourd'hui la commercialisation de ce type de véhicules.
Aussi la date de 2020 apparaît-elle prématurée pour un objectif aussi exhaustif et systématique. En effet, de nombreux progrès restent encore à accomplir avant d'envisager leur utilisation dans des applications automobiles grand public. Considérant le coût de cette technologie, son développement à grande échelle ne peut s'envisager sans la garantie d'une distribution d'hydrogène économiquement avantageuse pour les consommateurs.
Le déploiement initial de cette technologie pourrait par contre s'appuyer sur un réseau privé de points de distribution, destiné à alimenter les véhicules de flottes significatives de collectivités ou d'entreprises.
De même, la directive envisage l'adoption de points de ravitaillement en Gaz Naturel Liquéfié (GNL) pour les transports maritimes et la navigation intérieure pour le 31 décembre 2020 pour tous les ports maritimes du réseau central transeuropéen de transport et pour le 31 décembre 2025 pour les ports intérieurs du réseau central RTE-T. Afin de favoriser la circulation des véhicules lourds roulant au GNL, des points de ravitaillement en GNL, espacés au plus de 400 km, devront être ouverts au public au plus tard le 31 décembre 2020. Les États membres devront également mettre à disposition du public des points de ravitaillement en Gaz Naturel Comprimé – gaz naturel sous forme gazeuse – pour la même date, espacés au maximum de 150 km.
La directive impose aux États membres d'adopter des connecteurs de type 2 pour les points de recharge lent et rapide pour véhicules à moteur d'ici le 31 décembre 2015. Cette obligation technique doit être particulièrement prise en compte par le gouvernement, étant donné que la France a opté pour des connecteurs de type 3 jusqu'à présent. Cependant, faute d'avoir pu imposer sa norme, isolée en Europe, la France doit se poser urgemment la question de l'adoption de la norme retenue, qu'elle est susceptible de produire, sauf à prendre le risque de pénaliser les industries françaises à terme.
À titre obligatoire, les États membres doivent informer les consommateurs de la compatibilité des carburants avec les voitures des marchés dans les pompes aux points de ravitaillement, chez les concessionnaires automobiles et dans les centres de contrôle technique, dans les manuels d'utilisation des véhicules ainsi que sur les véhicules. Ces informations sur la compatibilité des carburants seront basées sur des normes d'étiquetage européennes et leur emplacement sur la voiture sera précisé par un acte d'exécution de la Commission européenne.
Chaque État membre doit soumettre à la Commission un rapport relatif au cadre d'action national adopté et sa mise en oeuvre au plus tard deux ans après l'entrée en vigueur de la directive, puis tous les deux ans. Les mesures prises par les États seront donc individuellement évaluées.
Adopter d'autres modes de transport pour assurer une transition énergétique viable est aujourd'hui nécessaire. Cette directive répond donc à un besoin évident de la France. Pour autant, certaines réserves peuvent être émises concernant les modalités d'application de ces propositions.
Nous ne pouvons que nous féliciter de voir la Commission européenne inciter à l'accélération de la conversion des véhicules aux énergies renouvelables et propres. Une coordination européenne est nécessaire. La France y a un intérêt particulier, eu égard à sa stratégie de déploiement du véhicule électrique.
Il est reste bien sûr le débat sur l'origine énergétique de l'électricité, la transition vers les énergies renouvelables étant à cet égard un impératif majeur.
Stratégique pour l'économie française, la filière automobile est en déclin : la France ne produit plus que 2,2 millions de véhicules en 2011 contre 3,5 millions en 2005. Et l'emploi dans l'industrie automobile a reculé de 30 % en 10 ans.
Pour le Gouvernement, la filière automobile française ne pourra se relever que si elle fait le pari, notamment, de l'automobile verte c'est-à-dire des véhicules thermiques propres, hybrides et électriques. Depuis août 2012, le bonus-malus écologique a été renforcé. Le bonus écologique pour un véhicule électrique est passé de 5 000 à 7 000 euros, et celui pour un véhicule hybride de 2 000 à 4 000 euros. « Les bonus relatifs aux véhicules thermiques faiblement polluants seront augmentés de 100 ou de 150 euros selon les cas. » Cette mesure jusqu'alors réservée aux particuliers s'étend aux collectivités locales et aux véhicules de sociétés. De plus, l'État s'engage à ce que 25 % des voitures qu'il achète soient hybrides ou électriques, ce qui représente 1 500 exemplaires par an.
Enfin le développement des véhicules propres doit s'accompagner d'infrastructures de recharge. Douze métropoles se sont déjà portées candidates pour être équipées de bornes électriques dans les six mois à venir.
600 millions d'euros vont être débloqués par l'État, à travers notamment Oséo et le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) pour répondre aux besoins d'investissement et de liquidité à court terme, des PME en particulier. Sur ces 600 millions, Oséo, notamment, mobilisera 150 millions d'euros pour soutenir la trésorerie des sous-traitants.
En échange de ces incitations, le Gouvernement souhaite que les sites de production, l'emploi et la recherche et développement en France soient pérennisés.
Par ailleurs, 350 millions d'euros du programme d'investissements d'avenir seront réorientés en faveur des projets innovants liés aux véhicules de demain, en lien avec les pôles de compétitivité, la banque publique d'investissement, la Banque européenne d'investissement et le Programme cadre de recherche et de développement de l'Union européenne (PCRD).
Fixer des objectifs quantitatifs de nombre de points de charge de véhicules électriques est un bon signal pour l'industrie automobile, la filière dans son ensemble, et les investisseurs (privés et publics), démontrant que l'électromobilité est une réalité, et reconnaissant que le déploiement de l'infrastructure est une condition au décollage d'un marché de masse.
L'urgence est maintenant de converger le plus rapidement possible vers un texte consensuel, qui participe à créer une dynamique positive, en particulier sur les points suivants.
Il faut des standards unifiés pour les infrastructures de charge lente (recharge du véhicule à domicile). A l'exception de quelques véhicules, il est possible aujourd'hui de recharger les véhicules électriques sur une prise électrique ordinaire, système combattu par certains constructeurs mais qui demeurera autorisé par la directive européenne. Sa souplesse d'accès et d'utilisation pour des véhicules à faible autonomie nous conduit à considérer que ce mode de connectique universel doit être absolument préservé, moyennant d'éventuelles adaptations mineures. Il est incontestablement le meilleur gage d'une migration rapide vers l'électro-mobilité, du fait de son implantation universelle, chez les particuliers et dans l'espace privé notamment.
En outre il nous semble que le fait de préciser dans le texte même de la directive des normes très techniques peut être source de difficultés pour son application. Par exemple, la réglementation impose, en France, la présence d'obturateurs mécaniques – shutters – sur les prises installées dans les bâtiments qui n'existent pas sur la prise « type 2 », imposée dans le projet de directive. Aussi, ce modèle de prise n'est-il pas compatible avec la réglementation s'il est installé dans un bâtiment. Il nous semble que la directive devrait sur ce point se contenter de référence aux normes en vigueur afin de laisser les organismes de normalisation réaliser un travail très technique.
Le scénario d'un équipement bi-standard – type 2 + type 3 – des bornes publiques, qui maintient la confusion, n'est pas retenu, au profit de la fourniture d'un câble supplémentaire, le temps nécessaire à la transition, pour compenser la dichotomie entre équipement domestique et en espace public. Le fait que les normes françaises n'aient pas été retenues coûtera 25 millions d'euros à la filière – plus de 10 000 points de charge sont déjà installés en France –, sans bénéfice significatif pour le client, le véhicule électrique n'est par nature pas destiné en priorité à des trajets longs à travers plusieurs pays d'Europe. Par ailleurs, la remise en cause des choix déjà effectués dans certains États membres (notamment en France) aura des conséquences néfastes :
- retard sur les décisions d'investissement en cours (par des acteurs privés ou des collectivités) du simple fait de la réouverture d'une polémique stérile que tout le monde croyait close ;
- entretien d'un « buzz » négatif auprès du grand public sur la supposée complexité de la question des standards, alors que la prise ne représente qu'une toute petite partie de la norme). Concernant les spécifications techniques des standards pour les infrastructures charge rapide, le texte reconnaît la nécessité de distribuer du courant continu et du courant alternatif pour la charge rapide, mais retient le type de connecteur (Combo) choisi par l'Allemagne. Il aurait été pertinent de faire référence aux normes EN 62196-1 et IEC 62196-3 :2012, car la référence à « Combo », dénomination commerciale, ne nous semble pas être dans l'esprit de la réglementation européenne ; elle peut être interprétée comme non-neutre technologiquement parlant.
Le système « Combo 2 », ou CCS, sera introduit en 2013 par les constructeurs allemands sur leurs premiers véhicules électriques. Si un standard unique pour la charge en courant continu peut être une cible pour le long-terme, il est crucial de garantir sur le court-moyen terme une approche multi-standard pour la charge rapide, garantissant le service au consommateur, en particulier aux « pionniers » de l'électromobilité, qui ne doivent pas se retrouver lésés. En effet les utilisateurs français risquent de devoir rapidement se doter d'un câble adapté aux nouvelles normes, ce qui représente un coût d'environ 500 €.
Les chargeurs multi-standards existent, les surcoûts liés à la présence de deux câbles pour la charge sont limités. La Commission devrait prendre en compte cette approche multi-standard pour garantir le succès du démarrage de la filière des véhicules électriques.
En conclusion, la France ne doit pas tarder à intégrer cette directive car le coût de l'évolution des normes ne doit pas être négligé. L'hypothèse où cette directive serait adoptée, et imposerait le format de prise Type 2 pour les infrastructures de recharge publiques – et privées – à partir de 2015, impliquerait un coût de remise à niveau des bornes estimé entre 750 €, pour un coffret et 1 800 € pour une borne double prise.
Le maintien des « Wallbox » résidentielles impliquerait de fournir aux propriétaires un second cordon avec un adaptateur – environ 500 € – pour pouvoir continuer à se connecter. Pour les flottes – majoritairement en coffret –, le changement sera nécessaire.
- L'incertitude sur les normes pourrait entraver le démarrage commercial du véhicule électrique.
Ce coût de retard dans la normalisation représente le montant annuel des aides accordées par l'État français au véhicule électrique. De ce point de vue nous ne pouvons que regretter que les conclusions adoptées par notre Commission, à travers le rapport de Gérard Voisin de juillet 2010, n'aient pas été suivies d'effets. Notre Commission demandait que les normes européennes interviennent le plus vite possible et le maintien de l'alimentation des véhicules au domicile par des prises standards, non spécifiques au véhicule électrique.
Il est toujours regrettable que la normalisation européenne intervienne après le lancement des produits. mais la Commission européenne doit être dédouanée, la responsabilité étant d'abord celle des équipementiers français et allemands, incapables de trouver un accord depuis plusieurs années.
La France se trouve donc devant un dilemme : soit mener une bataille d'arrière-garde pour sa propre norme, aujourd'hui dénuée de rapport de force suffisant, avec le risque de marginaliser commercialement sa gamme de véhicules par rapport aux concurrentes futures, soit opter rapidement pour la production de la norme prescrite, et probablement adoptée par Bruxelles, au prix d'un retour en arrière encore supportable économiquement du fait du faible parc installé sous norme française à ce jour.
En conclusion, je vous propose de donner un avis favorable à cette proposition de directive, à la lumière de l'ensemble de ces observations.