Intervention de François-Michel Lambert

Réunion du 19 juin 2013 à 9h45
Commission du développement durable et de l'aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois-Michel Lambert, corapporteur de la mission d'information :

Mon opinion personnelle est que les biocarburants de première génération doivent être désignés comme des agrocarburants, et c'est le terme que j'emploierai devant vous. Des études sont en cours à propos de la réalité de leur empreinte carbone et sur la problématique de la captation des terres arables. L'objectif de l'agriculture doit être de nourrir les hommes plutôt que d'alimenter les véhicules en énergie.

Je souhaite aborder plus précisément la méthanisation et les promesses portées par le biogaz. Un des scénarii de la transition énergétique est construit sur la prévalence du biogaz dans le bouquet énergétique de l'avenir. GRTgaz et quatre autres transporteurs européens de gaz ont indiqué qu'ils visent 100 % de gaz neutre de point de vue du carbone dans leur réseau en 2050. La méthanisation, dont on parle si peu, est un enjeu fondamental de demain. Notre pays, très divers, regorge de ressources en déchets de toutes sortes et, éventuellement, d'algues. Nous avons abordé la mission d'information en pensant surtout bois et biocarburants ; nous la concluons avec cette conscience forte du rôle de la méthanisation.

Le Fonds Chaleur, mis en place par le précédent Gouvernement et confirmé par l'actuelle majorité, a permis de produire de l'énergie à des niveaux de prix très modérés, de l'ordre de quarante euros la tonne équivalent pétrole (Tep). Le développement de la filière n'autorise pas, pour le moment, de se passer de soutien public : nous plaidons donc pour le maintien et pour le renforcement du Fonds Chaleur.

Les autres mesures d'encouragement, comme le tarif d'achat attaché au biogaz, nous semblent pertinentes. Le crédit d'impôt sur les investissements en matière de développement durable est très important pour accélérer le renouvellement des équipements individuels de chauffage au bois par les particuliers. Un foyer ouvert présente un rendement de l'ordre de 10 % quand les matériels modernes labellisés Flamme verte dépassent les 70 %. C'est le véritable défi de ce segment de marché très particulier, dans lequel le flux de bois bûche a vocation à demeurer constant.

Les quatre appels à projet de type CRE semblent se solder par un échec. Orientés vers la production d'électricité et vers des dimensionnements très importants, ils ont soulevé des difficultés d'approvisionnement qui ont eu pour conséquence un taux de chute important. De plus, la rentabilité énergétique de la conversion de biomasse plaide pour un usage de chauffage (80 %) plutôt que pour une production électrique (30 % approximativement). En effet, même si elle est abondante, nous appelons à considérer la biomasse comme une ressource rare devant faire l'objet d'une allocation optimale. Le programme des communes forestières de France, « Mille chaufferies en milieu rural », a provoqué la création de plus de 500 installations apportant d'excellentes solutions, territorialisées et performantes. Nous avons découvert à Embrun, dans les Hautes-Alpes, une approche collaborative des parties prenantes orchestrée par la commune, qui va d'ailleurs évoluer en société coopérative d'intérêt collectif pour renforcer l'implication de chacun : ce projet local, adapté à la ressource locale, mobilise avec succès toute la chaîne locale.

La réglementation publique doit limiter les effets négatifs de l'usage énergétique de biomasse, dont il ne s'agit pas de nier l'existence. Je pense notamment à la pollution de l'air par des microparticules générées, entre autres, par les chauffages au bois de mauvaise qualité.

Nous appelons l'État à se faire stratège pour le développement de la filière. L'Allemagne a choisi de mobiliser des millions d'hectares pour la seule production de cultures énergétiques destinées aux méthaniseurs, au détriment des cultures alimentaires. Ses agriculteurs allemands ne sont plus des agriculteurs complétant leurs revenus par la méthanisation ; certains sont devenus des industriels dont la fonction unique est l'alimentation du méthaniseur. Vous aurez compris que la stratégie allemande ne nous enthousiasme pas, mais qu'elle est clairement tracée.

FranceAgriMer a conçu un observatoire recensant les ressources biomasse de tous types. Il permet de différencier les territoires et de sélectionner l'installation la plus adaptée à l'environnement local : entre une forêt et un ensemble urbain, les réponses pertinentes seront différentes. Faisons en sorte que chaque territoire trouve sa voie ; ne cédons pas à la facilité d'infrastructures conçues ailleurs et calquées partout, sans intelligence des lieux. Enfin, une fiscalité moins évolutive aiderait sans doute les investisseurs à constituer leurs dossiers avec une plus grande sérénité.

Le biométhane est la grande promesse de demain, je l'ai déjà expliqué. Il pourrait être notre énergie principale en 2050, et nous devons nous préparer dès aujourd'hui à cette éventualité. Quant aux biocarburants de deuxième génération – car le sort de la première nous semble scellé, chacun l'aura compris –, la France poursuit des recherches très ambitieuses qui pourraient révolutionner le secteur des transports à moyen terme, vers 2020, dans le respect du développement durable. Ceci étant, je rappelle que la même biomasse ne sert qu'une fois : il faudra arbitrer entre gaz, chaleur et agrocarburant.

Nous devons garder à l'esprit que la rareté de la ressource suppose de toujours l'employer dans des conditions optimales. Nous avons visité à Narbonne un centre de l'INRA, qui est le premier producteur mondial de brevets sur la méthanisation. Dans notre pays, la connaissance existe ; le savoir-faire est présent. À nous de nous en saisir !

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