Intervention de Manuel Valls

Réunion du 18 juin 2013 à 9h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Manuel Valls, ministre de l'Intérieur :

Avec cette audition – qui précède l'examen des textes par la commission des Lois –, nous entrons dans un processus législatif destiné à interdire le cumul d'un mandat parlementaire avec une fonction exécutive locale.

Cette réforme est le fruit d'un long processus : de François Léotard – qui, en 1980, avait remis un rapport au président de la République, Valéry Giscard d'Estaing – à Bernard Roman en passant par le regretté Guy Carcassonne, nombreux sont ceux qui ont enrichi le débat.

Les deux étapes juridiques importantes furent la loi organique n° 85-1405 du 30 décembre 1985 tendant à la limitation du cumul des mandats électoraux et des fonctions électives par les parlementaires et la loi organique n° 2000-294 du 5 avril 2000 relative aux incompatibilités entre mandats électoraux. Ces lois visaient à limiter le cumul des mandats, alors que les deux projets de loi que présente le Gouvernement ont pour objet de poser une interdiction. Nous vous proposons en effet de franchir un palier en empêchant le cumul du mandat de parlementaire avec une fonction exécutive locale, tout en maintenant la possibilité pour un député ou un sénateur d'exercer un mandat local non exécutif – conseiller régional, conseiller départemental, conseiller municipal ou conseiller communautaire.

Connaissant l'ensemble des arguments de ce débat, je puis vous assurer que ce projet est équilibré : j'ai été député, maire et président d'une communauté d'agglomération en même temps ; j'ai par ailleurs écrit sur ce sujet. Ce texte résulte d'un engagement pris par le président de la République devant les Français. Ces deux projets de loi sont à la fois stricts sur le périmètre concerné, mais souples sur la date d'application. Le mandat de parlementaire ne pourra plus être cumulé avec une fonction exécutive locale, y compris celle d'adjoint, de vice-président et de maire d'arrondissement ou de secteur. Il est inimaginable d'exclure du champ de la loi les intercommunalités comme l'avait fait la loi du 5 avril 2000 : dotées de larges compétences, celles-ci verront les membres de leur assemblée délibérante élus au suffrage universel direct l'année prochaine, en même temps que les conseillers municipaux. L'intégration des fonctions d'adjoint ou de vice-président de conseil régional, de conseil général et des agglomérations dans le texte répond à l'évolution de ces tâches et évite tout détournement de la loi. Un débat existe pour les arrondissements et les secteurs, mais la transformation de leur rôle à Paris, à Lyon et à Marseille s'avère forte et continue.

Ces projets de loi mettent en place un système souple ne prévoyant aucun couperet en 2014 ou en 2015, permettant ainsi à chaque élu de s'organiser et de choisir librement le mandat qu'il privilégie. Les textes apportent également une sécurité juridique, puisque la formule suggérée par le Conseil d'État et retenue par le Gouvernement – l'échéance du premier renouvellement de l'assemblée parlementaire concernée postérieur au 31 mars 2017 – garantit l'exercice du droit de suffrage, assure la continuité du fonctionnement des assemblées et évite tout risque de rétroactivité. J'ai pesé, en tant que ministre de l'Intérieur, pour que cet élément de sécurisation du dispositif soit introduit dans le projet de loi : le cadre dans lequel se sont déroulées les élections législatives de 2012 se trouve préservé et aucune incompatibilité n'est imposée en cours de mandat. Nous apportons une réponse équilibrée entre les exigences de sécurité juridique, la position de ceux qui demandent à ce que ce mécanisme s'applique dès 2014 et celle de ceux qui, en fait, ne veulent pas de cette réforme.

Cette flexibilité n'amenuise pas la force des effets politiques de la loi. Comme ce texte sera adopté avant les élections municipales de 2014, les scrutins locaux de l'année prochaine et de 2015 se dérouleront dans un nouveau cadre juridique et politique : les parlementaires qui seront candidats aux prochaines élections municipales seront en pratique tenus de préciser s'ils comptent réaliser l'intégralité du mandat qu'ils sollicitent – et ainsi abandonner leur siège de parlementaire en 2017 – ou s'ils envisagent de transmettre le témoin au bout de trois ans. Il en ira de même pour les présidents de conseil départemental ou régional en 2015. Je note d'ailleurs que dans plusieurs villes, les acteurs politiques locaux réfléchissent déjà à ce choix.

Au total, cette réforme est attendue et annoncée depuis les élections présidentielle et législatives de 2012, et elle porte un profond renouvellement de l'exercice de la fonction parlementaire ainsi qu'un renforcement du rôle de l'Assemblée nationale. Je ne méconnais pas les changements qu'elle induira dans les collectivités locales, mais nous devons prendre ce chemin si nous voulons revitaliser notre démocratie.

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