Monsieur Geoffroy, s'il y a un domaine dans lequel la majorité ne prend personne par surprise, c'est bien celui du cumul des mandats ! Le débat sur ce sujet traverse d'ailleurs l'opposition, et j'ai écouté avec intérêt les propos qu'a tenus récemment Bruno Le Maire.
Ségolène Royal avait beaucoup insisté au cours de sa campagne présidentielle de 2007 sur la nécessité de limiter le cumul des mandats. Les militants de notre parti se sont également prononcés en ce sens à une très large majorité, tout comme nos dirigeants, Martine Aubry puis Harlem Désir. Cette volonté du parti socialiste s'est traduite par l'engagement n° 48 de François Hollande.
Aucune décision récente du Conseil constitutionnel n'interdit à une loi organique – c'est ce niveau de norme juridique qu'il y a lieu de considérer depuis la révision de l'article 25 de la Constitution intervenue le 23 juillet 2008 – de prévoir un nouveau cas de remplacement d'un député titulaire par son suppléant. Je comprends bien qu'il faille éviter les risques, mais nous ne devons pas nous fonder sur un avis du Conseil d'État – que, par ailleurs, nous ne connaissons pas –, mais sur la seule jurisprudence du Conseil constitutionnel. Laquelle de ses décisions vous incite à penser qu'une menace d'inconstitutionnalité pèse sur le remplacement d'un député par son suppléant en cours de mandat ? La révision constitutionnelle a d'ailleurs permis à un député devenu ministre de retrouver son siège en cas de départ du Gouvernement ; la décision constitutionnelle du 8 janvier 2009 a distingué le remplacement définitif de la relève temporaire et a rangé le retour du ministre redevenant député dans la seconde catégorie. Le projet de loi organique s'apprête à ajouter un nouveau cas entrant dans le régime du remplacement définitif, aux côtés de la mort du titulaire, de sa nomination au Conseil constitutionnel ou de la prolongation d'une mission pour le Gouvernement au-delà de six mois.
En revanche, nous devons être attentifs à l'interprétation que pourrait développer le Conseil constitutionnel de l'article 5 de la Constitution, qui dispose que « le président de la République veille au respect de la Constitution. Il assure, par son arbitrage, le fonctionnement régulier des pouvoirs publics ainsi que la continuité de l'État ». Certains élus pourraient se trouver en situation de cumul à partir des élections locales de 2014 ou de 2015, ce qui provoquerait des élections législatives partielles si la loi ne prévoyait pas un quatrième cas de remplacement définitif. Or la multiplication de scrutins partiels pourrait contraindre le Conseil constitutionnel à déclarer la loi contraire à la Constitution à la lumière de la lecture qu'il opère de l'article 5. Il convient donc de préciser dans la loi – pour dissiper tous les risques d'inconstitutionnalité – que le député ou le sénateur se trouvant en situation de cumul avec une fonction exécutive locale sera automatiquement remplacé par son suppléant.
Lors de la campagne électorale de 2012, les citoyens ont retenu que l'élection de François Hollande allait entraîner l'interdiction du cumul des mandats. Comme cet engagement datait de la campagne de 2007, attendre dix ans pour le mettre en oeuvre paraît long. Je voterai ce texte simple, bon, clair, mais j'apprécierais qu'il s'applique aux parlementaires exerçant un mandat exécutif municipal dès 2014 et à ceux ayant une fonction exécutive locale dans un conseil départemental ou régional dès 2015 ; je me rallierai cependant à la position que défendra la majorité.