Mes chers collègues, nous traversons aujourd'hui la plus grande crise de l'histoire de l'Union européenne. C'était une crise bancaire qui s'est répercutée sur les États puis est devenue une crise économique et sociale sans précédent depuis la Seconde Guerre mondiale.
En ce moment de notre histoire nationale et européenne, le choix que chacune et chacun d'entre nous va faire sera crucial pour notre assemblée, pour le Gouvernement, pour le Président de la République et pour l'Europe. Si nous voulons, avec nos partenaires européens, surmonter la crise de la zone euro et appuyer le combat que mène le Président de la République pour réorienter l'Europe, nous devons, sans hésitation, ratifier le traité budgétaire européen. Car si nous refusions de le ratifier, nous porterions un coup fatal aux premiers résultats pour la croissance et l'emploi obtenus en juin dernier. Notre défection provoquerait l'implosion de la zone euro, sonnerait le glas de la monnaie unique et, au final, ferait sombrer l'Union européenne, laissant notre nation, la France, seule dans la mondialisation. C'est donc sur un enjeu historique que notre assemblée est appelée à se prononcer.
Il ne s'agit pas de fermer les yeux sur l'ampleur de la crise et sur le gouffre qui s'est creusé entre l'Europe et ses citoyens, au point que l'idée même d'Europe est menacée. On peut comprendre l'angoisse, voire l'hostilité des peuples, lorsque la crise se traduit par l'explosion du chômage et de la précarité, la perte de confiance en l'avenir et, hélas, la recrudescence du nationalisme et de la xénophobie. En France, près d'un jeune sur quatre est sans emploi. En Espagne, c'est plus de la moitié. En Grèce, un parti néo-nazi a fait son entrée au Parlement.
Mais ce n'est pas en refusant le traité budgétaire que nous sortirons de la crise. Nos concitoyens en sont conscients : selon un sondage publié lundi, 64 % approuveraient la ratification du traité.
Les gouvernements des États de la zone euro ont une grande part de responsabilité. Depuis dix ans, ils ont avalisé la dérive libérale de l'Union européenne et, de surcroît, se sont affranchis des règles de la monnaie unique qui existent depuis vingt ans et que le gouvernement Jospin avait scrupuleusement respectées. Si notre pays avait, depuis 2002, continué à respecter ces règles, Mme Merkel, j'en suis convaincue, n'aurait pas imposé à M. Sarkozy un nouveau traité budgétaire.
Ce traité est un héritage des dix dernières années, mais pas une innovation car les règles de la discipline budgétaire et du contrôle de la dette étaient déjà des exigences des textes européens ; ce n'est pas non plus un abandon de souveraineté car, comme l'a confirmé le Conseil constitutionnel, nous pouvons l'approuver et le transcrire dans notre droit national sans avoir à modifier la Constitution.
Les choix budgétaires de notre majorité ne sont pas imposés par le traité. Mais nous tiendrons ces engagements parce que le Président de la République a été élu sur ce programme et parce qu'ils correspondent à l'intérêt national en permettant de desserrer l'étau des marchés sur notre économie. La dette est l'ennemie de la souveraineté nationale et de notre modèle social. En la réduisant, en rétablissant la justice fiscale, nous nous donnons de meilleures chances de préserver nos services publics, services dont les catégories populaires et les classes moyennes ont le plus besoin.
À l'initiative du Président de la République, un rééquilibrage salutaire en faveur de la croissance a pu être décidé au Conseil européen de juin dernier. On ne mesure pas assez à quel point ces avancées font bouger les perspectives européennes. J'ai pu constater personnellement à Berlin, à Rome et auprès de tous mes contacts européens combien l'action de François Hollande et de votre gouvernement, monsieur le Premier ministre, a modifié un débat devenu stérile et ravivé l'espoir que suscite auprès des gouvernements voisins cette réorientation de la politique européenne. Il ne m'a pas échappé que certains jugent insuffisant le pacte de croissance obtenu en juin dernier, mais il est pourtant fondateur d'une évolution profonde de la politique européenne : voyez la nouvelle politique menée par la Banque centrale européenne. Notre responsabilité est donc de poursuivre cette dynamique et d'obtenir d'autres avancées. Cela ne sera possible que si nous adoptons préalablement le traité, élément d'un ensemble plus large pour la croissance et la solidarité.
Dans l'immédiat, il faut mettre en oeuvre les décisions prises lors du Conseil européen de juin, décisions que le Président de la République sortant et les précédents gouvernements n'avaient jamais réussi à faire adopter.