Intervention de Danielle Auroi

Séance en hémicycle du 2 octobre 2012 à 15h00
Déclaration du gouvernement en application de l'article 50-1 de la constitution sur les nouvelles perspectives européennes et débat sur cette déclaration

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Auroi, présidente de la commission des affaires européennes :

Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, monsieur le ministre des affaires européennes, mes chers collègues, l'Europe est confrontée à une crise sans précédent, de nature à la fois financière, économique, sociale, politique et écologique.

Alors que les peuples sont confrontés au chômage et à la pire des austérités et qu'ils crient leur angoisse et leur colère, la construction européenne se trouve à un tournant historique. Cette crise globale, partie du monde de la finance, est devenue le révélateur des défauts dont souffre aujourd'hui la construction européenne. Vous l'avez rappelé, monsieur le Premier ministre, c'était une construction solidaire ; aujourd'hui, il me semble qu'elle vacille. Si nous voulons sauver cette patiente construction de l'Union européenne, il n'est plus possible de la limiter à un grand marché et de focaliser toutes ses règles sur le seul dogme de la libre concurrence.

Je pointerai des limites qui ont eu de lourdes conséquences.

À la création de la zone euro, il n'a pas été prévu de mécanisme d'ajustement pertinent aux chocs économiques et, lorsque l'Europe a dû faire face à des attaques spéculatives répétées, elle a trop tardé à mettre en place un bouclier solidaire. Plus largement, le marasme actuel de l'Union montre la nécessité de prendre en compte la dimension sociale et l'urgence écologique.

S'adapter au changement climatique et à l'épuisement des ressources naturelles tout en permettant à chacun d'avoir un emploi stable doit nourrir un projet partagé, une vision d'avenir capable de rassembler, de nous permettre de tracer une feuille de route commune au service de l'intérêt collectif européen.

Ce projet politique doit être débattu avec nos concitoyens, et pas seulement au moment des élections. Sans lui, la défiance des peuples vis-à-vis de Bruxelles ne fera qu'augmenter. Bref, malgré les récentes avancées obtenues par le Président de la République, force est de constater que l'Europe peine à avancer mieux qu'à très petits pas.

Devant les orientations que nous donne le Gouvernement, c'est à nous aussi, parlementaires nationaux, de nourrir les débats et de définir les moyens concrets d'avancer ensemble. L'Europe souffre d'un profond déficit démocratique, il faut bien le reconnaître, mais nous pouvons y remédier ensemble si les représentants des citoyens au Parlement européen comme dans les Parlements nationaux prennent enfin leur place, toute leur place.

Aujourd'hui, dans vos propos, monsieur le Premier ministre, une nouvelle orientation se renforce : celle de l'intégration solidaire. Portée dès le mois de juin par le Président de la République, elle redonne du sens à une aventure collective.

Notre commission sera bien sûr très attachée et attentive au déploiement et à la concrétisation de cette approche. Dans cette logique de solidarité, la mise en place effective du Mécanisme européen de stabilité, qui pourra bientôt procéder à la recapitalisation directe des banques, cassera le lien mortifère entre dette bancaire et dette souveraine.

La mise en place de la supervision bancaire européenne pourra entraver les dérives. La taxe sur les transactions financières, annoncée d'ici à la fin de l'année sous la forme d'une coopération renforcée, constituera un outil politique et financier important, attendu depuis de nombreuses années. Pour ma part, j'avais porté cette idée avec Harlem Désir dès 1999 au Parlement européen. Le projet qui revient nous semble positif.

Enfin, le pacte pour la croissance et l'emploi devrait permettre de redonner un élan économique non négligeable en ces temps difficiles avec, je l'espère, des investissements fortement orientés vers les nécessités environnementales et énergétiques, y compris dans le domaine des transports.

Certes, tout cela participe encore de la politique des petits pas, mais ressemble bien aux premiers pas d'une nouvelle ère pour mieux d'Europe, une Europe qui, me semble-t-il, doit se donner trois objectifs majeurs.

D'abord, il faut faire un pas en avant vers l'Europe du développement soutenable. Ne l'oublions pas, la crise est née de l'épuisement d'un modèle économique ficelé par des prescriptions financières erronées. Compte tenu de la raréfaction des ressources naturelles, des tensions sur les prix énergétiques et des dérèglements climatiques trop longtemps ignorés, le modèle de la prospérité d'hier a montré qu'il était dépassé.

À nous d'explorer toutes les potentialités de l'économie verte. À nous de faire respecter ces impératifs dans le cadre de la mise en oeuvre de la stratégie 2020 et du cadre financier pluriannuel 2014-2020. C'est à l'échelle européenne que prennent tout leur sens les grands projets d'investissement dans les énergies renouvelables, par exemple. J'insiste d'ailleurs sur ce point : les investissements d'avenir doivent être exclus du calcul des déficits publics au niveau national.

Second pas en avant nécessaire : celui de l'Europe sociale, dotée des moyens nécessaires. Vous l'avez dit, monsieur le Premier ministre, cette Europe sociale a été trop longtemps ignorée. À cet égard, je soulignerai les propos du président Barroso dans son discours sur l'état de l'Union du 12 septembre dernier, qui ont brusquement rappelé l'existence de l'Europe sociale. Il a rappelé que ce sont les pays européens dotés des meilleurs systèmes de protection sociale et de la concertation sociale la plus développée qui figurent parmi les économies qui s'en sortent le mieux. Dont acte. La proposition d'une directive-cadre sur les services publics européens illustrera la pertinence de ce propos.

Par ailleurs, le renforcement indispensable de la solidarité au sein de l'Union passe par un budget affermi, doté de nouvelles ressources propres. Qu'il s'agisse de la taxe sur les transactions financières ou encore d'une contribution climat-énergie bien nécessaire, ces questions sont cruciales et nous devrons y travailler ensemble, au niveau national comme au niveau européen.

La solidarité suppose également la création rapide d'un fonds européen d'assurance chômage qui permettrait d'intervenir en urgence dans des pays où les citoyens voient leur modèle social détruit, comme c'est aujourd'hui le cas en Grèce et, je le crains fort, demain en Espagne.

Enfin, l'harmonisation fiscale européenne ne doit pas rester un voeu pieux. Elle est indispensable à une réelle solidarité entre nos pays et entre nos concitoyens.

Troisième objectif : faire le pas décisif vers une intégration politique accrue et basée sur plus de démocratie. Les initiatives récentes de la France, de l'Italie et de l'Espagne ont rappelé les exigences de ce travail en commun qui associe les États mais aussi les peuples. Or, force est de constater que l'Europe n'est plus perçue par les peuples comme protectrice mais comme destructrice d'emplois et de liens sociaux.

Qu'en est-il du projet fédérateur à même de redonner du souffle à l'Union ? Est-il dans la besace du président Van Rompuy ? Le président Barroso, lui, propose une fédération d'États-nations, vieux rêve de Jacques Delors. Il y a peut-être mieux à faire. La France doit débattre sans tabou de cette ouverture vers un destin partagé.

Or cette orientation de la construction européenne ne peut se faire sans donner un rôle majeur aux Parlements, seuls représentants légitimes de tous les citoyens. Aller plus loin sur le chemin de l'intégration suppose qu'ils soient eux-mêmes pleinement intégrés.

C'est le sens du débat sur la prise en compte des orientations budgétaires européennes par le projet de loi de finances, débat qui sera présidé par vous, monsieur le président de l'Assemblée nationale, le 15 octobre prochain. Je me réjouis de cette conférence.

C'est également le sens de la résolution adoptée par la commission des affaires européennes et la commission des affaires étrangères, qui propose une méthode pour concrétiser la conférence réunissant le Parlement européen et les Parlements nationaux, prévue à l'article 13 du traité budgétaire européen. C'est un point important sur lequel la commission des affaires européennes a beaucoup travaillé avant mon arrivée et auquel je reviendrai lors du débat sur le traité budgétaire.

Pour conclure, je veux redire ici mon attachement à l'Europe. Vous le savez, les écologistes sont des Européens convaincus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion