Intervention de Philippe de Ladoucette

Réunion du 19 juin 2013 à 10h30
Commission des affaires économiques

Philippe de Ladoucette, président de la Commission de régulation de l'énergie :

L'horizon 2016 suscite une interrogation récurrente sur les incidences sur les clés de répartition. L'incidence touchera la structure, pas le niveau, même si une évolution de la structure entraînera des évolutions pour certaines catégories de consommateurs. Cela a déjà été le cas à l'occasion de précédentes modifications et évolutions tarifaires qui ont vu modifier la structure permettant à certains consommateurs de ne même pas payer le coût de l'acheminement.

Nul besoin de prendre par anticipation des mesures particulières en prévision d'une explosion des coûts. Au contraire, mieux vaut attendre d'avoir une visibilité plus grande. Le prix de l'électricité vendue par EDF aux fournisseurs alternatifs dans le cadre de l'ARENH sera proposé par la CRE à partir du 7 décembre 2013 sur la base d'un décret gouvernemental. Celui-ci définira les paramètres à prendre en compte pour déterminer les facteurs permettant de calculer le prix de l'ARENH. Grosso modo, avec une approche de type comptable, comme celle que la CRE avait prise à la suite des propositions du rapport Champsaur, on obtiendra un certain niveau ; avec une approche de type économique, défendue par l'entreprise EDF, qui a de bonnes raisons de le faire, le résultat sera assez différent à la hausse. La CRE n'intervient pas dans la détermination de ces éléments ; c'est à l'actionnaire, au Gouvernement de décider quels facteurs seront retenus dans ce décret. Ces éléments une fois connus, nous aurons une visibilité sur l'évolution du prix de l'ARENH, et, par conséquent, une visibilité sur l'évolution des tarifs, puisque ce sera la première brique du montage. Ensuite viendra un élément nouveau, le marché de capacité, dont il faut savoir qu'il va augmenter légèrement les tarifs réglementés, de l'ordre de 1,5 %, puis les coûts commerciaux et les tarifs d'acheminement. Enfin, ce qui n'a rien à voir avec tout cela, les taxes, dont la CSPE.

S'agissant de la CSPE, nous avons rendues publiques des estimations de son évolution au cours des prochaines quatre années. Pour 2013, la CSPE s'élèvera à peu près à 5 milliards, répartis à raison de 3 milliards pour les énergies renouvelables, de 145 millions pour la partie sociale et de 1,432 milliard pour la péréquation. En 2017, la CSPE est envisagée à 7 milliards environ, dont 1,943 milliard pour la péréquation et 407 millions pour les tarifs sociaux, soit 5 % de la masse. Toutefois, il relève de l'appréciation politique de décider de mettre plus ou moins dans le domaine social. Vous ne m'avez pas posé la question et je sors un peu de mon rôle en l'indiquant, mais la CRE a déjà signalé que, compte tenu de l'extension à beaucoup plus de personnes de la possibilité de bénéficier des tarifs sociaux, il est probable que le montant actuel consacré aux tarifs sociaux ne permette pas complètement d'éviter de basculer dans la précarité énergétique. Le sujet reste donc sur la table, même si aujourd'hui la loi dite Brottes assure une assiette beaucoup plus large aux tarifs sociaux. Voilà comment évolue la CSPE, avec une part très importante pour les énergies renouvelables et une part importante pour la péréquation tarifaire. Dans les énergies renouvelables, le poids du photovoltaïque est significatif en raison du stock que l'on paie aujourd'hui à 458 euros du mégawattheure, niveau auquel était fixé le tarif de rachat depuis 2006. Aujourd'hui, ce tarif est moins cher et avec lui tous les éléments photovoltaïques nouveaux, ce qui diminue la facture.

L'évolution de plus 30 % des coûts commerciaux n'appelle pas de notre part de jugement sur la pertinence ou la façon de gérer l'entreprise. Ce n'est absolument pas de notre responsabilité. Si quelqu'un a à le faire, c'est avant tout l'État actionnaire, pas la CRE. Quant à savoir si EDF gère de façon optimale, ce n'est pas à nous de le dire. Là encore, c'est à l'État actionnaire de juger.

Une question portait sur la hiérarchie des rémunérations. Nous ne savons strictement rien à ce sujet, qui n'est pas non plus de notre responsabilité.

Les impayés sont rémunérés à un taux de rémunération du capital, qui est aujourd'hui d'un peu plus de 10 %, taux normal que prend EDF pour ses opérations d'investissement.

La durée d'amortissement est un élément que nous avons pris comme une hypothèse que nous ne pouvions pas ignorer de la part de l'entreprise. Nous ne voulions pas qu'on puisse nous reprocher de ne pas l'avoir prise en compte si elle passait, dans un délai court, du statut d'hypothèse à celui de réalité. Nous ne portons aucun jugement sur la pertinence de cet élément. Nous nous sommes simplement référés aux documents portés à la connaissance de la communauté financière par EDF. C'est simplement une question de transparence, puisque c'était l'objectif de cette opération.

Je reviens sur le terme de préconisation que certains d'entre vous ont employé. La CRE ne préconise pas les évolutions tarifaires. En l'espèce, elle constate des coûts de 2007 à 2012. Ces coûts doivent être couverts, c'est la loi. Lorsque le Gouvernement nous proposera une évolution tarifaire, vraisemblablement au mois de juillet, nous donnerons l'avis du collège, qui sera fondé sur les textes juridiques et sur le principe que les tarifs doivent couvrir les coûts, que nous aurons estimés, pour 2013, de la même manière qu'on les estime chaque année. C'est l'obligation juridique que nous fait la loi que vous votez.

En ce qui concerne les modèles tarifaires, il sera intéressant, au cours des deux ans qui viennent, et si une nouvelle loi ne vient pas modifier l'application de la loi NOME d'ici à 2016, que nous revenions sur votre invitation vous expliquer, en toute clarté et en toute transparence, ce sur quoi nous travaillons et quelles sont les conséquences de nos travaux pour préparer les évolutions de 2016.

L'indexation du prix du gaz sur le prix du pétrole est liée au fait qu'il n'y a pas aujourd'hui de marché mondial du gaz mais des marchés régionaux – américain, asiatique et européen. Aujourd'hui, le marché américain est très bas, le marché japonais relativement haut et le marché européen se trouve entre les deux. Le prochain mouvement tarifaire verra très probablement passer l'indexation du gaz sur le marché spot de 36 à 45 %, soit un niveau relativement élevé au-delà duquel pourrait se poser un problème de sécurité d'approvisionnement. Le contrat de service public passé entre l'État et GDF Suez prévoit que les tarifs réglementés de gaz sont alimentés par des contrats de long terme. L'indexation sur le pétrole n'est pas une décision de l'entreprise ni de la France, mais une décision des fournisseurs, ce qui réduit la capacité de négociation de l'entreprise. Tenter de s'en affranchir risquerait de créer un problème de sécurité d'approvisionnement, les fournisseurs renvoyant sur le marché spot. Toute la question est de trouver un équilibre permettant d'assurer la sécurité d'approvisionnement et d'éviter les retournements violents du marché. Ainsi, sur la période 2005-2008, le marché était-il très supérieur aux tarifs réglementés indexés sur le pétrole. Se fournir entièrement sur le marché pourrait causer, en cas de retournement, le même type de problème, en pire, que ceux qu'on connaît aujourd'hui sur l'électricité, c'est-à-dire une explosion des tarifs réglementés avec l'obligation de couvrir les coûts. L'équilibre qui va être trouvé aux environs de 45 % est relativement raisonnable, présentant des avantages à la fois pour le consommateur et pour la sécurité d'approvisionnement.

La disparition des tarifs réglementés pour les entreprises au gaz, nous l'avions préconisée parce que, aujourd'hui, très peu d'entreprises restent sur de tels tarifs. Cette disparition n'aura pas d'effet réel dans la mesure où l'on a, en plus, écarté certains secteurs comme les HLM, de ces gros consommateurs. Pour les autres, cela n'a pas d'incidence majeure. Il ne s'agit que du constat d'une réalité : ceux qui ont pu bénéficier du marché sont allés sur le marché et l'existence des tarifs réglementés pour eux n'a plus beaucoup de sens.

En matière d'hydroélectricité, nous n'avons aucune compétence. Non pas que nous ne pourrions pas en avoir, mais nous sommes totalement en dehors de ce système. Nous n'intervenons pas dans les décisions. Donc, pour l'instant, nous n'avons pas d'avis. Pour être tout à fait honnête, c'est un sujet suffisamment compliqué pour ne pas revendiquer d'en avoir un. Il est suivi de près par la Commission européenne et il fait partie de l'accord qui avait été conclu à l'époque de la loi NOME.

Je précise, s'agissant de la durée d'amortissement du nucléaire, que nous ne portons pas de jugement sur la pertinence de le faire ou pas. Sur cette question non plus, nous n'avons pas d'avis. C'est véritablement un problème de l'entreprise, de ses administrateurs, donc de l'État. Il s'agit bien d'une décision de type comptable, même si je vois bien la difficulté qu'il y aurait à passer d'une décision d'amortissement comptable à une décision d'investissement si l'ASN demandait d'intervenir sur un réacteur. Cela relève de la gestion de l'entreprise et de sa vision des choses. Reste à voir ce que dira l'ASN, qui travaille réacteur par réacteur, en déterminant les équipements et investissements à réaliser sans évaluer les coûts. La notion de coût intervient après. Je ne souhaite pas entrer dans ce débat qui n'est pas du tout de la compétence de la CRE.

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