Baisse du pouvoir d'achat, baisse de la consommation, hausse du chômage, baisse de la croissance, maîtrise des dépenses publiques, hausse des impôts : l'examen du projet de loi relatif à la consommation qui nous réunit aujourd'hui dans cet hémicycle intervient dans un climat économique tendu, source de contraintes fortes.
La crise économique et sociale, dix ans de politique inéquitable dans la répartition des efforts et surtout un phénomène structurel de mutation et de recomposition de l'économie mondiale figurent parmi les causes, nombreuses, complexes et entremêlées, de cette situation.
Ce n'est toutefois pas le moment de débattre des causes de cette situation, mais bien plutôt d'y répondre efficacement et concrètement.
Nous avons le devoir de prendre en compte les attentes immenses des Français et d'adopter des mesures fortes qui améliorent directement leur vie quotidienne.
Je pense en particulier aux plus fragiles de nos concitoyens. Ne l'oublions pas, ce sont eux qui souffrent en premier lieu de cette situation et qui subissent de plein fouet les effets de la crise.
Les banquiers ou les dirigeants de la grande distribution ont un rôle à jouer dans notre économie, mais ce ne sont pas eux que nous devons protéger.
Permettez-moi de dire que depuis un an, le Gouvernement et la nouvelle majorité ont bien et beaucoup travaillé pour redresser les finances publiques, pour améliorer le fonctionnement du marché du travail et pour refonder les bases de notre éducation nationale.
Pour autant, nous n'avons pas encore véritablement répondu aux préoccupations sociales de nos concitoyens les plus précaires qui nous ont fait confiance pour amorcer le changement. Un projet de loi relatif à la consommation constitue un vecteur privilégié pour cela. Pour les législateurs que nous sommes, il représente le levier d'action premier pour toucher le coeur de la vie quotidienne de nos concitoyens et renforcer leur pouvoir d'achat.
Monsieur le ministre, nous avons accueilli votre texte avec un a priori favorable et continuons à penser qu'il s'agit, dans l'ensemble, d'un bon projet de loi. Les députés du groupe radical, républicain, démocrate et progressiste tiennent à soutenir le Gouvernement en faisant preuve d'une vision lucide et réaliste.
Nous sommes d'abord conscients des contraintes qui pèsent sur le Gouvernement.
La consommation joue un rôle spécifique en France : elle est l'un des principaux moteurs de la croissance et contribue fortement aux recettes fiscales.
Nous savons pertinemment que vous devez concilier des objectifs qui ne se contredisent pas nécessairement à long terme mais qui, à court terme, entrent parfois en opposition, tels le maintien d'un niveau élevé de consommation et le renforcement de l'information et de la protection des consommateurs.
Légiférer pour protéger les consommateurs, c'est tenter d'édicter des règles favorisant une consommation plus durable, plus respectueuse et plus équitable.
Légiférer pour protéger les consommateurs, c'est chercher à éliminer, ou tout au moins à limiter les pratiques anticoncurrentielles.
Légiférer pour protéger les consommateurs, c'est chercher à redonner du pouvoir d'achat en instaurant des mécanismes de marché plus efficients et en rééquilibrant les relations commerciales.
Légiférer pour protéger les consommateurs, c'est, enfin, trouver des réponses législatives adaptées pour encadrer les mauvaises pratiques et limiter les petits tracas du quotidien qui peuvent empoisonner la vie.
Être à la hauteur de l'ensemble de ces enjeux tout en favorisant la consommation constitue la marque d'une ambition indéniable, qui exige un réglage fin des mesures à adopter et une habileté qui tient parfois de l'acrobatie.
Votre texte, qui se veut équilibré, répond globalement aux attentes exprimées par les consommateurs et par les acteurs économiques.
Les députés du groupe RRDP saluent votre volonté de rompre avec des paradigmes économiques irréalistes reposant sur la rationalité du consommateur en tant qu'agent économique apte à faire valoir ses droits par lui-même.
Nous saluons également un changement de dogme qui se traduit par un renforcement du rôle de l'État comme garant de l'ordre économique, protecteur des consommateurs et promoteur de la compétitivité de l'économie.
Monsieur le ministre, nous vous félicitons pour votre implication dans la réussite de la longue et large concertation que vous avez menée avec les associations de consommateurs et les acteurs économiques. Nos remerciements vont aussi aux deux rapporteurs au fond qui ont conduit un grand nombre d'auditions. Nous avons ainsi l'assurance que la copie qui nous est présentée n'a pas été uniquement rédigée dans les couloirs de l'administration de Bercy.
Monsieur le ministre, pour instaurer l'action de groupe, le fichier positif et faire évoluer l'encadrement législatif des délais de paiement, du régime des clauses abusives, du crédit à la consommation, de la résiliation des contrats d'assurance, de l'augmentation du délai de rétractation en matière de commerce électronique et de vente à distance, ou encore pour augmenter les moyens d'actions et les pouvoirs de sanction de la DGCCRF, il vous a fallu autant de courage que de diplomatie.
Au final, ce texte propose une réforme structurelle de l'économie française visant à rééquilibrer les relations économiques en assurant leur équité, que ce soit entre les entreprises et les consommateurs ou entre les entreprises elles-mêmes. Toutes ces mesures permettront de stimuler la croissance potentielle par une nouvelle régulation économique renforçant la confiance.
En premier lieu, la relance de la croissance se fera par les consommateurs, grâce à un cadre contractuel transparent, des voies de recours efficaces et une amélioration de l'information, l'État étant à leurs côtés. Sécuriser les transactions avec les moyens de la puissance publique permettra de renouer avec la consommation dans un climat plus serein.
En deuxième lieu, la lutte contre les rentes abusives liées à des monopoles de situation, qui sont autant de poches d'inefficacité économique, permettra de réduire la captivité du consommateur et des petits fournisseurs, soumis à des contrats asymétriques, c'est-à-dire qui les placent dans une relation de rigidité ou d'inégalité face à leurs engagements.
Monsieur le ministre, vous bénéficierez toujours du soutien des députés du groupe RRDP dans la recherche du bon équilibre entre la protection des consommateurs et des petits fournisseurs d'une part et l'encouragement de l'innovation, de la différenciation, de la qualité de l'offre et donc de la compétitivité d'autre part.
Venons-en à présent au détail des dispositions majeures prévues par le texte.
La création d'une action de groupe constitue l'une des mesures phares de votre projet de loi. Annoncée depuis plus de vingt ans, elle n'a jamais vu le jour. Certains spécialistes persistent d'ailleurs à ne pas y croire au motif que vous proposez dans un premier temps une action de groupe limitée à un portage par les associations de consommateurs.
Les députés RRDP soutiennent votre méthode, qui permettra aux consommateurs d'obtenir réparation des préjudices économiques subis dans le cadre de tous les litiges du quotidien.
L'action de groupe ouvre enfin une voie de recours aux consommateurs en cas de violation par les entreprises du code de la consommation – qu'il s'agisse de pratiques abusives ou frauduleuses, ou d'allégations mensongères – ainsi que dans le cas de pratiques anticoncurrentielles. Nous vous proposerons de l'étendre aux associations locales, afin d'améliorer et de rééquilibrer, y compris à l'échelon local, les pouvoirs entre consommateurs et professionnels.
Nous soutenons les mesures visant à lutter contre l'obsolescence programmée des produits par le développement de modes de consommation responsables : en effet, le texte prévoit désormais que, préalablement à l'achat, les consommateurs soient informés « par écrit et de manière lisible » de l'existence et de la disponibilité de pièces détachées. Cette mesure participera à limiter le gaspillage et contribuera également au développement de l'économie sociale et solidaire, secteur dont relèvent de nombreuses structures du commerce de pièces détachées.
Dans le cadre du commerce électronique et de la vente à distance, nous saluons le doublement du délai de rétractation consécutif à un achat : actuellement de sept jours, il passera à quatorze.
Le projet de loi prévoit également que le délai de livraison ne puisse pas excéder trente jours à compter de l'achat, alors qu'il n'existe aujourd'hui pas de délai maximum. Ces dispositions sont utiles, dans la mesure où elles permettront de sécuriser davantage les nouveaux modes de consommation en renforçant les droits des consommateurs.
La résiliation des contrats d'assurance à tout moment, à l'issue d'une période d'un an, sans préjudice financier pour l'assuré, mérite d'être mieux encadrée. Faire jouer la concurrence est une bonne chose, mais cela ne doit pas favoriser la non-assurance. En effet, si les contrats d'assurance sont pour la plupart obligatoires et représentent une part importante – jusqu'à 5 % – du budget des ménages, ils s'inscrivent dans le cadre d'un marché contraint et concurrentiel.
Nous sommes très favorables à l'extension des indications géographiques aux produits manufacturés. L'information des consommateurs comme la production locale de qualité doivent en effet être renforcées. Aujourd'hui, seuls les produits naturels, agricoles et viticoles peuvent bénéficier d'indications géographiques, qui mettent en évidence un lieu ou une région de production précis et déterminent les qualités caractéristiques du produit originaire de ce lieu. C'est une excellente disposition pour participer au développement économique local et au maintien de l'emploi dans nos territoires. Il reste encore à débattre pour affiner le texte mais, pour l'essentiel, c'est un sujet sur lequel nous pouvons tous nous retrouver, quelles que soient nos familles politiques.
L'effectivité du droit de la consommation passe aussi par la modernisation des moyens d'action de la DGCCRF, notamment pour les contrôles et les enquêtes. Le texte prévoit le recours au dispositif du consommateur mystère, le renforcement des pouvoirs de sanction et l'octroi de nouveaux pouvoirs aux agents pour effectuer les contrôles relatifs à la sécurité des produits.
La DGCCRF a toutefois souffert de la révision générale des politiques publiques – pas moins de 500 postes d'agent ont été supprimés. Nous savons que cela pose des problèmes dans les territoires ruraux : deux à trois agents opérationnels par département, c'est nettement insuffisant compte tenu des missions que ces derniers doivent accomplir.
Monsieur le ministre, nous ne discutons pas du budget et ce n'est pas le bon véhicule législatif pour renforcer les moyens financiers de la DGCCRF, mais permettez-moi de saisir cette occasion pour vous rappeler nos préoccupations. Vous nous avez déjà répondu que les effectifs seraient stabilisés pour l'année prochaine. C'est un peu court pour faire face à la charge de travail dans nos territoires.