La lutte contre les clauses abusives va changer d'échelle : de l'échelle individuelle, on passera à l'échelle généralisée. Ce nouveau droit permettra de purger les contrats des clauses abusives qu'ils contiennent grâce à l'effet erga omnes, du nom de la fameuse locution latine. La DGCCRF et les associations de consommateurs pourront demander au juge d'ordonner la suppression des clauses dans les contrats qui sont identiques à celui pour lequel il a été saisi et qui ont été conclus par le même professionnel avec d'autres consommateurs.
Dès lors, les consommateurs seront plus efficacement protégés : la décision rendue pourra bénéficier à des consommateurs qui n'auront pas été parties à l'instance sans qu'ils aient à intenter une action en justice.
Pour les auteurs de fraudes économiques, les sanctions pénales seront alourdies afin de dissuader les professionnels de commettre des infractions.
Le plafond des amendes sera relevé et le juge pourra prononcer des amendes atteignant jusqu'à 10 % du chiffre d'affaires pour tenir compte du profit réalisé. Ces mesures vont aussi dans le bon sens, mais les députés du groupe RRDP pensent que la publicité des amendes est indispensable pour que celles-ci soient réellement dissuasives, notamment pour les infractions qui concernent les relations commerciales entre les distributeurs et les fournisseurs.
Telles sont les dispositions du texte pour lesquelles vous pourrez compter sur notre soutien sans faille.
Nous pensons toutefois pouvoir vous aider à améliorer encore l'équilibre du texte qui a été adopté par la commission.
Comme beaucoup de collègues, quels que soient les bancs sur lesquels ils siègent dans cet hémicycle, nous pensons que votre projet comporte aussi des lacunes que nos débats en séance publique doivent nous permettre de combler.
En effet, sur le crédit à la consommation, et tout particulièrement le crédit renouvelable, comme sur les relations entre fournisseurs et distributeurs, nous devons faire mieux. Le contexte économique dégradé auquel la France doit faire face nous oblige à être plus audacieux.
Nous vous l'avons déjà dit : nous voulons être un partenaire de la majorité qui privilégie une approche lucide. Nous ne sommes pas ici pour jouer les Cassandre et les oiseaux de mauvais augure, mais ne nous cachons pas la réalité : l'examen de votre projet de loi intervient dans un contexte particulier. En effet, la note de conjoncture publiée par l'INSEE jeudi dernier nous annonçait de sombres perspectives pour l'ensemble de l'année 2013.
Le contexte économique est donc nettement défavorable, en France comme dans une grande partie de l'Europe. En d'autres termes, monsieur le ministre, que votre projet de loi s'inscrive dans un tel contexte nous contraint à respecter de nouvelles exigences.
Concernant la lutte contre le mal-endettement et le surendettement, vous avez choisi de créer un registre national des crédits aux particuliers afin d'éviter le fameux « crédit de trop » aux consommateurs et de responsabiliser les prêteurs. Ce registre, que l'on appelle couramment fichier positif, sera, selon vous, respectueux des libertés publiques. Il sera encadré par des restrictions fortes pour interdire son utilisation commerciale. Des sanctions dures sont prévues le cas échéant. Il sera géré par la Banque de France.
Si nous comprenons votre volonté de donner un autre nom à ce registre, il me semble que la bataille des mots est perdue : tout le monde continue à l'appeler « fichier positif », même ses plus grands défenseurs.
Nous vous avions exprimé nos réserves sur ce fichier positif en commission ; nous confirmerons en séance publique. Je ne suis pas insensible à l'argument selon lequel les libertés publiques sont aujourd'hui plus menacées par les fichiers privés ou les nouvelles technologies que par les registres à caractère public, mais ce n'est pas une raison suffisante pour créer une nouvelle base de données, car cela n'est jamais sans risque.
Nous vous proposerons un amendement plus simple et, selon nous, plus efficace pour atteindre les objectifs de lutte contre le crédit de trop et de responsabilisation du prêteur. Il visera simplement à rendre obligatoire la présentation des trois derniers relevés bancaires.
Nous sommes convaincus que le crédit doit rester un acte volontaire qui engage le consommateur. Pour que cette conviction profonde soit traduite en termes juridiques et inscrite dans le projet de loi, nous vous proposerons des amendements visant à encadrer le crédit renouvelable, à limiter le démarchage le concernant et surtout à interdire les liaisons dangereuses entre carte de crédit et carte de fidélité.
Enfin, je tiens également à aborder la question des relations commerciales entre fournisseurs et distributeurs. Le législateur a instauré en 2008 une convention unique dont les éléments, définis par la loi, doivent être négociés sur une base annuelle. Cette disposition visait à garantir que la négociation commerciale ne soit pas indûment favorable aux acteurs en position de force.
La pratique montre en effet que les abus sont constamment commis par ceux qui bénéficient de telles positions. Le déséquilibre des relations commerciales aboutit donc nécessairement à des rentes abusives directement liées à ces positions de négociation dominante, ce qui crée des déséquilibres de marché et des poches d'inefficacité collective.
Nous vous proposerons donc des amendements pour renforcer réellement l'équilibre que vous souhaitez instaurer dans les négociations commerciales et limiter les abus au détriment des petits fournisseurs, c'est-à-dire nos PME et nos producteurs agricoles.
Monsieur le ministre, nous devons avoir de l'ambition politique quand c'est nécessaire. La tâche n'est pas facile, mais j'espère qu'avec notre travail sur ce projet de loi nous contribuerons à bâtir une France plus juste et plus solidaire, une France du bien vivre ensemble pour tous.