Intervention de André Chassaigne

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 21h30
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Nous aurons l'occasion d'y revenir plus longuement lors de l'examen des articles 23 et 24. J'ai tenu à insister, à travers différents amendements, sur l'importance de la procédure d'homologation des indications géographiques et sur les modalités de prise en compte des acteurs concernés.

J'utiliserai une expression qui fait sens : l'intérêt de ce texte n'est pas de faire du patrimoine pour faire du patrimoine, mais de s'appuyer sur des savoir-faire et des productions existantes dans certaines zones géographiques pour promouvoir et développer des produits français dont la qualité est reconnue.

Oui, nous avons besoin de clarté, de transparence et d'une approche cohérente et réfléchie dans la définition des indications géographiques. Nous avons besoin d'un texte qui évite de reprendre certains clichés réducteurs, nocifs pour l'intérêt général. Face à une concurrence internationale féroce, gardons-nous, en acceptant certains ajustements durant la discussion, d'attiser ou de faire émerger des concurrences territoriales sans fondement, qui pourraient se faire au détriment de l'emploi.

Cette exigence justifie pleinement l'existence d'une enquête publique dans le cadre de la procédure d'homologation, tout comme la nécessité d'assurer une véritable représentativité des professionnels du ou des produits concernés au sein de l'organisme de défense et de gestion. J'ai échangé à ce sujet avec le rapporteur et le ministre et nous nous retrouvons autour de ces orientations.

Je pense aussi à la définition des cahiers des charges, qui devra prendre en considération à la fois des données historiques, économiques et industrielles et des précisions techniques et géographiques. J'ai déposé en ce sens un amendement qui permettra, je l'espère, de lever certaines ambiguïtés du texte en faisant référence au « savoir-faire historique de production » dans la définition des cahiers des charges.

Avec ces deux articles, je suis certain que nous offrirons un outil utile de reconnaissance et de valorisation des savoir-faire français. Compte tenu de l'importance de l'image et des vertus économiques des signes d'identification de la qualité et de l'origine des produits alimentaires en terme d'emplois localisés dans les territoires, nous voulons tous qu'une coopération et qu'une dynamique identiques puissent profiter aux produits artisanaux et industriels.

Je souhaite d'ailleurs que la représentation nationale, une fois la loi adoptée, puisse régulièrement faire le point sur l'impact de ces nouvelles dispositions. Il est indispensable qu'un suivi des créations d'emplois et de la qualification soit assuré, grâce à une étude précise des secteurs d'activité concernés et de la localisation des futures indications géographiques.

J'en viens maintenant, en lien direct avec le volet précédent, à une absence très regrettable dans ce texte relatif à la consommation : l'identification de l'origine des produits agricoles et alimentaires.

Ce texte fait très peu de place au volet agricole et alimentaire. Il s'agit pourtant d'un sujet essentiel pour nos concitoyens, qui touche à la consommation. Depuis des années, je lui accorde un intérêt marqué et vous ne serez pas surpris que je reprenne dans cette intervention une argumentation déjà développée publiquement et qui figure dans la proposition de loi visant à rendre obligatoire l'indication du pays d'origine pour les produits agricoles et alimentaires et les produits de la mer, à l'état brut ou transformé, que j'avais déposée au mois de février.

En effet, en apprenant que de la viande de cheval avait été retrouvée dans la viande de boeuf entrant dans la composition de certains produits transformés, beaucoup de nos concitoyens ont fait le constat que l'origine des ingrédients alimentaires de la plupart des produits transformés était tout simplement inconnue. Ils ont aussi découvert, avec l'exemple particulier du « minerai » de boeuf – ces parties les moins nobles utilisées le plus souvent sous forme hachée – les circuits de commercialisation de la viande, où les intermédiaires se multiplient. Cette logique commerciale est fondée sur la recherche des prix les plus bas pour alimenter le secteur des produits transformés, la multiplicité des opérateurs facilitant les fraudes.

Au-delà de la supercherie commerciale, que vous avez régulièrement dénoncée, et avec pertinence, monsieur le ministre, nous récoltons les fruits de nombreux renoncements politiques : abandon de la régulation du secteur agricole, déréglementation des échanges commerciaux liés à l'agroalimentaire et à la distribution, baisse des budgets et des moyens humains affectés à la sécurité sanitaire de l'alimentation et à la répression des fraudes. Des renoncements, à l'instar d'une RGPP qui a littéralement démoli certaines politiques publiques dans ce domaine, dont nous touchons aujourd'hui les tristes dividendes !

Mais l'itinéraire, entre le producteur et le consommateur, de la viande de cheval retrouvée dans les produits de plusieurs marques de produits transformés, est aussi révélateur d'un système de plus en plus complexe d'achat et de revente des produits agricoles et alimentaires : négociants, abattoirs, traders, sociétés commerciales, usines de transformation, marques généralistes, grande distribution. Si la traçabilité peut permettre d'identifier tous ces intermédiaires, elle ne lève pas l'opacité sur l'origine et la qualité des productions en cause, et permet toutes les dérives.

Cette affaire aux multiples rebondissements a confirmé que l'ensemble des productions agricoles faisait désormais l'objet d'un appétit spéculatif grandissant et que les fraudes poursuivies ne constituaient qu'une infime partie de l'ensemble des infractions, lesquelles ne se limitent pas à la filière de la viande. Nous pourrions en effet évoquer le secteur des légumes, édifiant lui aussi. En France, on assiste ainsi à l'effacement progressif de l'ensemble des productions légumières, parallèlement à une croissance vertigineuse des importations.

Car pour la grande distribution et les centrales d'achats, la recherche des coûts de production les plus faibles pour accroître leurs marges est devenue le fil directeur de la stratégie commerciale. Les secteurs en croissance des produits transformés et surgelés, soumis à des réglementations moins contraignantes que les denrées fraîches, constituent des cibles privilégiées.

Les conséquences de ces stratégies passent souvent inaperçues pour les consommateurs, qui ne voient évidemment pas de baisse de prix sur ces produits tandis que les étiquettes d'emballage n'imposent pas d'inscription concernant l'origine de chaque ingrédient.

Par ailleurs, la hausse des prix des matières premières agricoles entraîne une recrudescence de l'utilisation de produits non conformes et de substituts alimentaires. L'affaire de la viande de cheval fait suite à de nombreux problèmes alimentaires et sanitaires, de la vache folle au poulet à la dioxine en passant par l'emploi de compléments alimentaires contaminés par des métaux lourds, le trafic d'antibiotiques destinés aux traitements animaux ou encore les résidus chimiques et les huiles non alimentaires mélangées à des huiles conformes. Toutes ces dérives auraient dû inciter les États à maintenir une vigilance particulière.

Certes, depuis l'affaire de la vache folle, le pays d'origine de la viande bovine fraîche doit être mentionné. Mais ce n'est pas le cas pour les produits transformés à base de viande, pour lesquels seul le type de viande utilisée doit être mentionné.

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