Intervention de Gabriel Serville

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 21h30
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGabriel Serville :

Les outre-mer ont massivement soutenu notre arrivée aux responsabilités et nous ne devons pas les décevoir. Les problèmes de concurrence et de consommation sont bien plus aigus dans les DOM-TOM que partout ailleurs en France. Les mesures relatives aux indicateurs géographiques seront propices à la promotion de nos identités régionales. Veillons, là aussi, à éviter que des accords internationaux n'y portent atteinte.

Concernant les relations entre fournisseurs et distributeurs, un pas a été franchi à l'occasion de loi de novembre 2012 sur la vie chère en outre-mer. Cependant, nous devons compléter les dispositifs existants en matière de concurrence par des mesures en faveur d'un rééquilibrage des relations contractuelles. À l'heure actuelle, seule l'Autorité de la concurrence peut sanctionner les pratiques anticoncurrentielles dans les outre-mer, en démontrant qu'elles affectent le marché. Cela implique la délimitation d'un marché de produits et de services, ainsi qu'un marché géographique, lequel suppose également l'affectation du marché national ou d'une partie substantielle de celui-ci. Nos territoires d'outre-mer constituent-ils une partie substantielle du marché national ? Le doute est permis, même si le dispositif a le mérite d'exister.

Cependant, rien ne nous empêche d'agir en amont pour le compléter. Il s'agirait de supprimer les droits exclusifs d'importation de la métropole vers l'outre-mer par le droit des contrats, plutôt que par le strict droit de la concurrence. L'interdiction de ces clauses d'exclusivité, qui verrouillent le marché et qui empêchent des entrepreneurs ultramarins vertueux d'y avoir accès, permettrait de déconnecter l'activité de transporteur de marchandises de celles d'acheteur, de revendeur et de grossiste par l'intervention d'un tiers, ou même de centrales de référencement. On pourrait ainsi proposer aux points de vente, c'est-à-dire aux consommateurs, l'ensemble des avantages tarifaires négociés avec les fournisseurs.

Bien sûr, cette interdiction ne serait pas absolue, mais interviendrait dans des cas déterminés, dans le respect du principe de proportionnalité et sous réserve de ne pas aboutir à un cloisonnement du marché, notamment en situation exceptionnelle de pénurie. En droit des contrats, on s'occupe des conditions de validité et d'efficacité des obligations des parties et on peut donc tenir compte de leurs puissances économiques respectives : utilisons-le !

Les situations particulières de nos outre-mer nécessitent que vous analysiez avec attention cet amendement n° 179 , car la lutte contre la vie chère, c'est d'abord la lutte contre les marges abusives et les monopoles de fait, comme ceux que je viens de décrire. Ces clauses d'exclusivité ne sont en fait que la traduction de rentes à vie de certains opérateurs économiques, des personnes ou des familles, qui sont les mêmes depuis la monarchie. Faut-il les nommer ? Je ne veux stigmatiser personne, chacun l'aura compris, mais je souhaite que notre majorité prenne la mesure des enjeux dans les outre-mer.

Je rappelle que les émeutes contre la vie chère dans les outre-mer, il y a quatre ans, avaient démarré en Guyane. Cette Guyane que je chéris, je veux la voir éclore dans un environnement prospère. Je voudrais que tous les enfants dont nous avons la responsabilité puissent s'épanouir, vivre, étudier et travailler. Je ne veux pas que nous retournions à ces temps d'émeutes et de révoltes. Nous méritons nettement mieux, monsieur le ministre, et j'espère que vous nous entendrez.

Monsieur le ministre, messieurs les présidents de commissions, mesdames et messieurs les rapporteurs, je vous le dis solennellement, et au nom du territoire que je représente, la Guyane : je suis prêt, comme co-orateur du groupe GDR sur ce texte, et avec mes camarades des outre-mer, à le soutenir, car il va dans le sens de l'intérêt général et procède d'une logique vertueuse au bénéfice de tous.

Toutefois, monsieur le ministre, mesdames et messieurs les rapporteurs, je vous le dis tout aussi solennellement : vous devez entendre les propositions faites en faveur des outre-mer par leurs représentants ! La liberté de parole qui m'est conférée par mon groupe me permet de vous le dire aisément, car c'est la traduction d'un ressenti très largement partagé, y compris au sein des députés ultramarins du groupe majoritaire : le fossé est en train de se creuser entre les politiques gouvernementales pratiquées sans distinction depuis des années et les aspirations de nos populations sur le terrain.

À n'en point douter, ce texte sur la consommation sera pour nous l'occasion d'un consensus beaucoup plus large que d'habitude. Ce n'est pas simplement le sujet qui le veut, c'est aussi et surtout la méthode que vous avez adoptée. Je veux saluer les consultations salutaires que vous avez faites tout au long de ces derniers mois. Pour que ce projet soit votre réussite, et pour qu'il soit aussi la nôtre, vous devez continuer dans la même voie et examiner avec attention les amendements que j'ai proposés avec mes collègues ultramarins du groupe GDR.

J'ai soutenu le président Hollande dès le premier tour de scrutin, et très régulièrement je rends compte de sa politique à la population de Guyane. Je veux pouvoir lui dire que nous sommes désormais entendus. Je compte sur vous, monsieur le ministre, et je vous remercie. Je tiens également à remercier les collègues qui se trouvent à ma droite, pour m'avoir accordé ce temps de parole.

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