Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 21h30
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame et monsieur les rapporteurs, nos collègues de la majorité l'apprennent jour après jour tandis que ceux de l'ancienne majorité le savent déjà : si l'on parle beaucoup des avantages des parlementaires, il est en réalité bien rare que nous ayons quelque motif de satisfaction dans le processus législatif.

Je veux concentrer l'essentiel de mon propos sur le répertoire national du crédit, le reste du texte ayant déjà largement été évoqué avec talent par mon collègue Thierry Benoît dont l'intervention reflète la position du groupe UDI.

Concernant le répertoire national du crédit, étant parlementaire depuis quelques années déjà, cela fait dix ans que j'alerte régulièrement notre Assemblée. Chaque fois que nos débats m'en ont donné l'occasion, j'ai évoqué cette carence de la législation française qui fait qu'aujourd'hui, il n'existe qu'un responsable d'un acte de crédit : celui qui emprunte, et quasiment pas celui qui prête.

C'est le 27 novembre 2003 que je présentais pour la première fois une proposition de loi sur ce sujet. Cinq autres ont succédé, ainsi que de nombreux amendements à l'occasion des différents projets de loi qui nous ont été soumis. M. Barbier disait tout à l'heure que ce serait grâce à votre majorité que ce sujet avancerait. C'est vrai, et hélas il a fallu attendre 2007 pour que le groupe socialiste en prenne vraiment conscience. Monsieur le ministre, il y a quelques mois, vous-même n'aviez sans doute pas une vision complète ou suffisante du sujet. Puis vous avez évolué, ainsi que votre majorité, et je ne peux que m'en réjouir.

Je ne veux pas ici faire un débat en paternité. Tel n'est pas mon objet, mais c'est une leçon pour tous les parlementaires que nous sommes : quand une idée est bonne et juste, elle finit par s'imposer et atteindre son objectif. Je pense que votre projet de loi va le permettre.

Il apporte une réponse, certes partielle, je le reconnais volontiers, mais une réponse forte à un vrai problème que l'on peut exprimer simplement. La France est le dernier des grands pays de l'Union européenne à ne pas avoir de répertoire national du crédit permettant aux prêteurs de vérifier la solvabilité de l'emprunteur.

Cela a une conséquence immédiate : on compte deux fois plus de personnes surendettées dans notre pays que dans le reste de l'Union européenne, et chaque personne surendettée se trouve deux fois plus endettée en moyenne que dans le reste de l'Union européenne. Ce seul constat devait pousser la puissance publique à agir.

Ce sont 200 000 familles qui entrent chaque année en surendettement. Ces 200 000 familles vont alors traverser des années de difficultés avant de pouvoir ressortir la tête de l'eau. Lorsqu'elles travaillent, elles ne travailleront que pour rembourser des dettes précédentes et vivre très chichement. Bien souvent, ces familles explosent, entraînant un coût social très lourd pour notre pays, au-delà du coût économique. Il y a actuellement 1,2 million de familles dans ce caniveau du crédit dont on ne ressort jamais indemne, que ce soit familialement, personnellement ou professionnellement.

Cette situation que je viens de décrire de façon simple afin de ne pas trop allonger les débats a trois conséquences directes. La première est que l'on permet ainsi aux organismes prêteurs de ne pas avoir à étudier la solvabilité de l'emprunteur. Par la pratique que l'on appelle – excusez l'anglicisme – le credit scoring, les prêteurs n'ont qu'à se contenter de demander quelques renseignements pour vous faire entrer dans des statistiques découpant la population française en dix tranches. Puis, en fonction de la tranche dans laquelle vous entrez, on vous prêtera ou l'on ne vous prêtera pas. Alors que vous êtes parfois solvable, on ne vous prêtera pas, et alors que vous êtes bien souvent déjà proche de la rupture, on continue à vous prêter.

Je souhaite, et le projet de loi va le permettre, que le prêteur soit dans la possibilité – vous souhaitez que ce soit une obligation, nous en débattrons – d'analyser concrètement la situation de chaque personne lorsqu'elle veut contracter un crédit. Cela permettra directement de ne plus évincer 40 % de nos concitoyens qui n'ont pas accès au crédit alors qu'au moins la moitié d'entre eux devrait en avoir la possibilité. Mieux, ils pourraient accéder à des crédits moins chers d'aujourd'hui, puisqu'il s'agit de petits crédits pour lesquels les frais de dossier sont excessifs. Ce répertoire national du crédit va réduire les frais de dossier et permettre aux gens les plus modestes, notamment les jeunes qui s'installent ou ceux qui ont besoin de redémarrer après une séparation ou une rupture de la vie de contracter un crédit. Ces gens sont solvables, et l'on peut leur prêter un peu d'argent pour remettre le pied à l'étrier. Ils pourront le faire dans des conditions plus avantageuses parce qu'on ne les assassinera plus avec le taux usuraire, qui en réalité ne fait que couvrir les frais de dossier qui leur sont affectés.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion