Intervention de Jean-Christophe Lagarde

Séance en hémicycle du 24 juin 2013 à 21h30
Consommation — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Christophe Lagarde :

En suivant une logique simple et efficace, il convient d'inciter les organismes de crédit à faire leur travail en estimant la capacité de remboursement de chaque emprunteur. C'est, en somme, ce que ferait chacun d'entre nous s'il devait prêter de l'argent : vérifier que le débiteur est en situation de rembourser, et non l'enfermer, l'évaluer ou le juger en fonction d'une statistique qui ne veut rien dire.

Monsieur le ministre, ce projet de loi comporte un danger, qui ne réside pas dans le texte mais dans l'application que vous en ferez : je veux parler de la composition du fichier et de l'identifiant. Je souhaite vous alerter sur ce sujet, comme l'ont déjà fait différentes commissions – la CNIL ou les commissions qui s'interrogeaient sur le répertoire – qui en ont longuement débattu.

Monsieur le ministre, pour faire simple et court, vous avez deux solutions. Soit vous adoptez un identifiant qui existe déjà dans le monde bancaire et qui vous permet d'avoir un répertoire immédiatement disponible et efficace. Soit vous inventez un autre identifiant : il pourrait s'agir du NIR, malgré les dangers qu'il peut comporter pour les libertés, ou d'un autre identifiant qui serait spécifique au crédit. Mais, dans ce cas, le fichier ne peut pas être réellement mis en place, efficient et efficace avant les six ou sept prochaines années, le temps que les crédits en cours soient purgés ; dès lors, vous aurez fait adopter une loi que j'approuve et que je suis prêt à soutenir, mais qui ne sera pas mise en application.

Nous aurons l'occasion d'en discuter à nouveau : ce fichier doit s'appuyer sur un identifiant existant qui permette de recenser immédiatement les crédits en cours, et non les seuls crédits à venir, ce qui serait inefficace pour toutes les familles qui sont actuellement au bord du précipice, dans la situation que je décrivais tout à l'heure.

Est-ce que cela résoudra l'ensemble du problème ? Non. Mais, monsieur le ministre, cette partie de votre texte comporte quatre avancées majeures.

Première avancée : le crédit sera moins cher à étudier. Il y aura moins de défauts de paiement, puisque le créancier aura une perception plus sûre de la situation réelle de l'emprunteur : on peut donc en attendre une baisse des taux. J'espère d'ailleurs que vos services vérifieront que les organismes de crédit répercutent bien le gain ainsi généré.

Deuxième avancée majeure : il y aura moins de crédit abusif, mais l'accès au crédit sera facilité pour les emprunteurs aujourd'hui confrontés à des refus alors qu'ils sont solvables.

Troisième avancée : une réduction d'au moins un tiers des entrées en surendettement et de la moitié du montant du surendettement. Monsieur le ministre, si nous parvenons à faire passer le montant moyen du surendettement, pour les 1,2 million de familles concernées, de 40 000 euros environ à la moyenne européenne de 20 000 euros, alors nous rendrons un grand service à la nation. Nous l'observons tous, en tant qu'élus locaux, dans les CCAS que nous gérons ou dans les conseils généraux : quand on atteint un certain seuil de surendettement, il n'y a plus d'autre solution que la faillite personnelle – et encore, celle-ci est compliquée –, alors que si le surendettement est maintenu à un niveau que je qualifierais de raisonnable ou de supportable, il est encore possible de trouver des solutions.

Quatrièmement, il est bon d'entendre enfin, d'un point de vue philosophique, qu'il y a deux responsables dans l'acte d'emprunt : l'emprunteur et le prêteur. Cela permettra des évolutions jurisprudentielles, et je souhaiterais même présenter des amendements qui durciront cet aspect de votre projet de loi, de sorte que les prêteurs faisant n'importe quoi ne perdent plus seulement leurs intérêts, mais aussi leur capital. Obliger les organismes financiers à faire leur travail : voilà la philosophie du groupe UDI.

Naturellement, monsieur le ministre, il restera du travail. Une fois ce texte adopté, comme je l'espère, il faudra que le répertoire créé puisse être évalué régulièrement ; il existe, dans nos assemblées, des commissions dont c'est le rôle. Bien que j'en sois généralement peu enthousiaste, je pense que certains rapports seront nécessaires ; de même, des missions d'information permettraient de recenser les défauts du dispositif mis en place. En effet, dans les pays qui ont créé un répertoire national du crédit, il y a eu des dérives : lorsqu'ils n'étaient pas détenus par la puissance publique – c'est une bonne chose qu'il revienne à la Banque de France de les gérer –, ces fichiers ont parfois servi à des fins de prospection commerciale, risquant d'aggraver encore la situation d'un certain nombre de personnes. Vous écartez ce risque, mais je proposerai de renforcer encore les garanties.

Cette avancée, qui nécessitera une évaluation et sans doute encore des adaptations, demeure et demeurera une victoire du bon sens au profit des plus faibles contre les nombreux lobbies. Je me bats depuis dix ans sur ce sujet, parfois un peu seul, souvent trop seul avec mon groupe parlementaire. Permettez-moi de dire que les lobbies, qu'il s'agisse des banques, de certaines associations de consommateurs ou parfois de votre propre administration, monsieur le ministre, doivent ouvrir les yeux.

Je m'adresse à Bercy : on ne fait pas de la croissance sur du crédit pourri.

Je m'adresse aux associations de consommateurs : on ne peut pas prétendre défendre les consommateurs quand on déclare attendre simplement le fichier des incidents de paiement.

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