Pour sa première véritable manifestation en tant que membre du Gouvernement, M. Hamon présente une véritable loi fleuve, longue de soixante-dix articles et de cent trente pages. C'est un véritable code dans le code, où l'on parle pêle-mêle des actions de groupe, de la vente d'or, de la profession de chauffeur de place, du démarchage téléphonique, des appellations géographiques, et j'en passe. On modifie même la loi du 4 juillet 1837 sur les poids et mesures. Non pas que la créativité de Bercy se soit soudain réveillée ! Nous devons surtout transposer à nouveau des textes européens.
Une fois n'est pas coutume, j'accueille favorablement un certain nombre d'avancées pour les consommateurs. Ainsi, la possibilité de résilier en cours d'année une assurance automobile ou habitation était attendue de longue date. Le renforcement des moyens de la répression des fraudes n'est pas un luxe, compte tenu de la multiplication des cas de non respect de la législation. Il en est de même pour l'encadrement du démarchage et des ventes ou pour le crédit à la consommation, souvent poussé par des commerciaux peu scrupuleux au détriment de personnes fragiles.
Il aurait été bon d'aller plus loin, par exemple sur le malus automobile. Un automobiliste qui cesse d'être assuré pendant un an perd l'ensemble de son bonus et doit repartir à 100 %. Il faudrait instaurer un délai de conservation plancher en dessous duquel les compagnies ne pourraient descendre, ou en tout cas une dégressivité.
S'agissant des actions de groupe, la réforme est bienvenue, mais le texte est rédigé de telle manière que seul un nombre très restreint d'associations de consommateurs – seize, semble-t-il – pourra agir, puisqu'il est nécessaire d'obtenir un agrément préalable. C'est limiter considérablement la portée de la réforme, ces associations n'ayant pas forcément les moyens humains et financiers de mener à bien ces actions.
De plus, je ne suis pas sûre que le choix de l'indemnisation opt-in soit suffisamment dissuasif pour les entreprises, d'autant que le champ d'application ne vise pas le préjudice moral, et donc corporel – les récentes affaires des prothèses PIP et du Mediator auraient pourtant dû vous inciter à aller dès à présent dans ce sens.
Pourquoi, ensuite, ne pas avoir étendu le champ de ce dispositif aux questions relatives à l'environnement ?
Je regrette également que vous ayez été aussi frileux en matière de réglementation des pratiques d'obsolescence programmée, dont le coût environnemental est lourd, de même que le coût pour le porte-monnaie des ménages français.
J'émettrai en outre des réserves sur la forme. Quand la loi est bavarde, sa force et son autorité sont remises en cause : c'est le problème du droit à l'état gazeux ! Ce texte présente la situation inverse : il comporte un luxe absolu de détails ; il prétend envisager tous les cas de figure et les régler par une disposition législative. À trop vouloir être exhaustive et prévoir l'ensemble des cas de litiges possibles, la loi perd en lisibilité. Je prends l'exemple des 185 alinéas de l'article 5 relatif à la vente par démarchage qui prévoient tous les cas de figure : protègent-ils vraiment plus le consommateur ? Je n'en suis pas sûre.
Les magistrats devront lire et relire les textes avant de rendre une décision, les moyens de contestation étant d'autant plus nombreux que les textes sont complexes. De même qu'en matière d'urbanisme, où des procéduriers font leur beurre en exploitant les méandres de la législation, il y aura ici matière pour des contentieux à rallonge.
De plus, les nouvelles obligations créeront certainement des difficultés d'application pour les professionnels. Par exemple, concernant les délais d'exécution des prestations ou de livraison, ils devront prévoir la date contractuellement, sinon le délai sera d'office de trente jours et l'acheteur aura la possibilité de résoudre le contrat en cas de dépassement. Les sommes versées en arrhes sont productives d'intérêts à des taux élevés. Toutes ces dispositions sont d'ordre public : il n'est donc pas possible d'y déroger par convention contraire.
Ces mesures sont protectrices, mais très dures à gérer pour le professionnel artisan ou la petite structure. Si les grandes entreprises peuvent mettre en place un process de gestion de ces contraintes, les PME et TPE en ont sûrement beaucoup moins les moyens. Il eût été bon de prévoir des mesures adoucissant l'impact de ces dispositions pour ces entreprises, en les aidant à gérer l'assimilation de ces nouvelles normes.
S'ajoutent à cela des sanctions qui peuvent paraître excessives. Pour manquement à une obligation purement formelle entourant la vente d'or – en appliquant par exemple le prix au gramme de la veille au lieu du prix du jour –, il est possible de prononcer des peines de 150 000 euros d'amende ainsi qu'une interdiction de cinq ans de toute activité commerciale. Cela peut sembler sévère !
La multiplication des normes entraîne également une certaine instabilité du cadre légal. Par exemple, l'article L. 443-1 du code du commerce sur les délais de paiement va connaître sa septième version depuis l'année 2000…
Enfin, comme si cet inventaire à la Prévert ne suffisait pas, on donne in fine la possibilité au Gouvernement de réécrire par ordonnances le code de la consommation, dans le cadre d'une habilitation de deux ans.