Madame la ministre, je vous remercie au nom du groupe SRC de nous donner de votre temps en venant nous présenter le rapport Lescure. Votre propos dense et méthodique confirme l'attention que le gouvernement accorde à cet acte II de l'exception culturelle. Il est vrai que le numérique bouscule profondément les usages sur lesquels repose traditionnellement la communication culturelle.
Nous sommes naturellement attentifs à ce qui a été décidé au titre de l'exception culturelle, notamment par la France, dans la négociation entre l'Europe et les États-Unis. Vous êtes également très impliquée dans les débats sur le projet de communication de la Commission européenne relatif au cinéma, à propos duquel vous avez participé ce matin au débat avec nos collègues des autres pays de l'Union européenne.
Lorsque tout le monde est d'accord, cela montre que l'on n'a pas beaucoup réfléchi. Comme le président Patrick Bloche, j'aborderai non les points d'accord mais les aspects qui appellent une réflexion collective. S'agissant tout d'abord de l'accès aux oeuvres, la proposition de modification de la chronologie des médias est intéressante, en particulier le passage de trente-six à dix-huit mois du délai séparant la sortie en salles de la mise à disposition en vidéo à la demande par abonnement ; en revanche, l'utilité du passage de quatre à trois mois du délai de mise à disposition en vidéo à la demande est plus discutable. On peut également s'interroger sur la faiblesse de la Hadopi lorsqu'il s'agit de labelliser des sites d'offre légale et de faciliter l'accès aux oeuvres en ligne.
En ce qui concerne le financement de la création et la réflexion sur le régime de la rémunération pour copie privée, la musique n'est pas seule concernée par la transition numérique même si elle l'a été la première. C'est au financement de la création dans tous ses aspects qu'il s'agit de faire participer l'univers numérique. Sur cette question, nous nous associerons naturellement à votre réflexion.
S'agissant de la protection des droits de propriété intellectuelle, rappelons que la Hadopi permet de surveiller à peine 5 % du téléchargement illégal, ce qui est un peu cher payé ! L'on est dès lors fondé à s'interroger sur l'utilisation de cet argent. Le rapport Lescure propose de pénaliser les sites commerciaux – en d'autres termes, d'être dur avec le crime mais surtout avec les causes du crime ; cette réorientation, préférable à la survie de la Hadopi, trop coûteuse même pour être utilisée à des fins pédagogiques, pourrait être plus radicale.
Quant au domaine public, Mme Isabelle Attard et moi-même avons montré à propos de la Bibliothèque nationale de France (BnF) combien les partenariats public-privé peuvent compromettre la mise à disposition des oeuvres culturelles qui devraient appartenir au domaine public et être, comme telles, librement accessibles. Ne faudrait-il pas modifier le dispositif des emprunts d'avenir afin que le recours à des entreprises privées – qui ne sont pas toujours françaises – ne soit plus obligatoire ? Nous serons très attentifs à votre réponse.
Nous nous réjouissons que le gouvernement relève le défi qui lui est lancé en entreprenant de mettre le rapport en oeuvre aussi rapidement que possible ; en la matière, nous n'avons que trop attendu.