Au terme de notre étude, nous considérons que la fracturation hydraulique reste la technique la plus efficace et la mieux maîtrisée pour extraire les hydrocarbures non conventionnels, et que des solutions existent pour le faire avec un impact acceptable sur l'environnement, à condition de respecter certaines règles.
Les esprits semblent aujourd'hui évoluer. Le Royaume-Uni et l'Allemagne s'engagent sur la voie d'une exploitation encadrée de leurs ressources. Le Conseil européen du 22 mai 2013 a indiqué que la Commission travaillait au développement des ressources énergétiques « indigènes » de l'Europe, afin de diversifier ses sources d'approvisionnement. En France, deux groupes de travail ont, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, recommandé d'étudier la question du gaz de schiste pour permettre une meilleure connaissance des ressources du sol et des techniques d'extraction, et pour financer la transition. Nous souhaitons que ces recommandations ne soient pas « oubliées » dans le débat, mais qu'elles soient, au contraire, rapidement suivies d'effets.
Notre industrie est directement concernée car la France dispose d'acteurs de stature internationale dans le secteur, à tous les niveaux : en recherche (IFPEN, CNRS…), du côté des opérateurs (Total, GDF Suez), des prospecteurs de gisement (CGG), des spécialistes du forage et des tubes (Schlumberger, Vallourec) ou encore de fabricants de produits additifs et de sable utilisés pour la fracturation hydraulique (SNF, Imerys) ainsi, enfin, que de spécialistes du traitement de l'eau (Veolia). Nous avons auditionné des représentants de ces entreprises et constaté bien souvent que la France n'était malheureusement plus leur enjeu principal.
Notre immobilisme nous fait, à vrai dire, courir un risque plus grave car le déficit de compétitivité créé entre les États-Unis et l'Europe met en danger la pétrochimie européenne et une partie de son secteur aval. Plus généralement, ce sont toutes les industries intensives en énergie qui sont susceptibles de se délocaliser.
Nos propositions sont donc les suivantes :
1- Faire de la connaissance de notre sous-sol une priorité de la recherche, par la réalisation d'un inventaire de nos ressources en hydrocarbures, en privilégiant, au moins dans un premier temps, les techniques non invasives, notamment :
le recensement, l'analyse et la modélisation des connaissances existantes ;
l'usage de la sismique.
Cet inventaire doit être réalisé sans proscrire a priori certains types de ressources. Il faut donc notamment abroger la circulaire du 21 septembre 2012 en ce qu'elle interdit d'utiliser la technique de la sismique si celle-ci n'est pas justifiée par la recherche des seuls hydrocarbures conventionnels. En effet cette circulaire est non seulement quelque peu absurde (elle suppose que l'on connaît déjà ce que l'on cherche) mais aussi contraire à la loi du 13 juillet 2011 (qui n'interdit « que » l'usage de la fracturation hydraulique).
2- Dans un second temps, si les premiers résultats sont concluants, forer quelques dizaines de puits d'exploration en appliquant toutes les précautions aujourd'hui connues permettant de trouver une solution à chaque problème environnemental dont aucun ne doit être nié (transparence et consultation des populations, forages dans les emprises conventionnelles actuelles, respect des préconisations de l'Agence internationale de l'énergie…). Ceci supposera de faire une exception à la législation de juillet 2011.
3- Poursuivre l'exploration puis engager, dès que possible, l'exploitation du gaz de houille (gaz de couche) : dans la mesure où elle ne nécessite pas l'emploi de la fracturation hydraulique, la recherche de ce gaz en Lorraine et dans le Nord Pas-de-Calais ne doit pas être retardée par le débat sur les hydrocarbures de roches mères.
4- Mettre en oeuvre la loi du 13 juillet 2011 dans toutes ces composantes c'est-à-dire :
Mettre en place la Commission nationale d'orientation, de suivi et d'évaluation des techniques d'exploration et d'exploitation des hydrocarbures liquides et gazeux, prévue par l'article 2 de cette loi.
Rendre au Parlement le rapport annuel prévu par l'article 4 de la loi sur l'évolution des techniques et la connaissance du sous-sol.
Mettre en place le programme d'expérimentations scientifiques sous contrôle public supposé par cette loi.
5- Établir un programme de recherche sur l'exploitation des hydrocarbures de roches mères, conforme aux orientations proposées dans le rapport de l'Alliance nationale de coordination de la recherche pour l'énergie (ANCRE), en date de juillet 2012, portant sur les aspects suivants :
l'étude des propriétés des roches mères ;
la connaissance des impacts sanitaires et environnementaux de la fracturation hydraulique ;
les améliorations de la fracturation hydraulique ;
le suivi et le contrôle de celle-ci ;
les techniques de stimulation alternatives à la fracturation hydraulique.
Nous notons avec intérêt que le groupe de travail du débat national transition énergétique sur le mix énergétique fait la même proposition, en suggérant qu'on étudie la possibilité d'exploiter les gaz de schiste de façon respectueuse de l'environnement. Nous ne disons pas autre chose.
6- Ce programme de recherche pourra inclure des expérimentations dans un puits test, destinées à valider des techniques de stimulation améliorées. Il pourra aboutir à autoriser la réalisation d'une campagne d'évaluation de la quantité récupérable sur un bassin, nécessitant la réalisation de quelques dizaines de puits d'exploration.
7- Inclure la problématique des hydrocarbures non conventionnels dans le champ du débat sur la transition énergétique en prenant en compte l'ensemble de ses composantes (gaz de houille, hydrocarbures de roche mère) et l'ensemble de ses aspects (coûtbénéficeimpact sur l'environnement).
8- Faire partiellement financer la transition énergétique (sobriété et intensité énergétiques, énergies renouvelables) par les éventuelles retombées financières des hydrocarbures non conventionnels. Le groupe de travail consacré au financement, dans le cadre du débat national sur la transition énergétique, le suggère également.
9- Réformer le code minier pour faire bénéficier les collectivités locales et les propriétaires qui pourraient être impactés de retombées financières.