Intervention de Barbara Pompili

Séance en hémicycle du 26 juin 2013 à 15h00
Projet de fermeture de l'usine goodyear d'amiens-nord — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBarbara Pompili :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission, chers collègues, la situation du site de production Goodyear situé à Amiens a été suffisamment médiatisée pour que chacun d'entre nous ait connaissance de l'impératif, pour les pouvoirs publics, de s'emparer pleinement de cette question.

Depuis plus de cinq ans, les salariés de cette usine amiénoise luttent pour conserver leur emploi. À deux reprises déjà, la justice leur a donné raison. Au début de l'année, l'entreprise a officialisé son projet de fermeture lors d'un comité central d'entreprise, arguant de coûts de production, et notamment de main-d'oeuvre, trop élevés.

Nous connaissons le feuilleton qui s'en est suivi pour trouver un repreneur : aucun n'a été en mesure de finaliser son offre. Entre-temps, le PDG du repreneur longtemps pressenti, le groupe Titan, s'est permis d'insulter la France, ses salariés et ses représentants.

Aujourd'hui, la menace de fermeture plane toujours sur 1 200 salariés, leurs familles et tout le bassin d'emploi amiénois.

Bien sûr, il n'est pas concevable d'ouvrir une commission d'enquête à chaque fois qu'une usine se retrouve en difficulté. Mais il n'est pas davantage concevable de regarder une usine fermer sans faire le maximum pour préserver 1'emploi, surtout dans une période aussi critique que celle que traverse notre pays.

Certes, il s'agit d'une entreprise privée, mais, on le sait, le coût social et environnemental d'une fermeture industrielle pèsera sur la collectivité.

À l'heure où ces fermetures deviennent malheureusement communes, il est nécessaire de se pencher concrètement sur les mécanismes qui mènent à cette solution extrême, en termes économiques et sociaux, et sur les stratégies mises en oeuvre par certains grands groupes pour justifier des plans sociaux, incompréhensibles aux yeux de nos concitoyens.

Car si le cas de l'usine Goodyear d'Amiens-Nord est singulier, il est aussi représentatif d'un système qui se répète inlassablement, multipliant les coups portés à l'outil industriel de notre pays. Et n'oublions pas que Goodyear dispose d'autres sites en France, qui ont également besoin d'être préservés.

En outre, comme l'a dit Pascale Boistard, certains éléments laissent à penser que cette fermeture d'usine cacherait une volonté de délocalisation des activités de l'entreprise. Si cela était avéré, nous nous retrouverions face à un détournement du droit français.

Nous faisons face à un groupe qui s'est montré particulièrement arrogant dans ses relations tant avec ses propres salariés qu'avec les pouvoirs publics ; un groupe qui importerait déjà des produits fabriqués par Titan, en dehors de tout accord commercial, comme en témoigne un récent constat d'huissier réalisé sur le site d'Amiens-Nord ; un groupe qui a volontairement laissé dépérir une usine en ne réalisant pas les investissements nécessaires et qui dénonce aujourd'hui un outil de travail obsolète ; un groupe qui sait parfaitement à quel point son activité de production de pneus agricoles est rentable.

L'entreprise Goodyear a récemment annoncé des prévisions de résultats qui ne laissent aucun doute quant à la bonne santé financière du groupe. Elle a également rejeté, sans plus d'explications, le projet de reprise en SCOP des salariés.

Vous l'aurez compris, il est temps, aujourd'hui, de faire la lumière sur les intentions de cet industriel et sur la réalité de la situation du site d'Amiens-Nord.

Notre rôle de parlementaires est de contrôler l'application de la loi. S'il s'avère que nos lois sont détournées pour des délocalisations dissimulées, nous devons comprendre comment, et pourquoi.

Si cette commission d'enquête peut aussi permettre aux pouvoirs publics de réaffirmer leur rôle face aux intérêts financiers, nous pouvons nous en réjouir. Il ne s'agit en aucun cas de décourager les investissements internationaux sur notre territoire, mais bien d'envoyer un signal fort sur les exigences de la France quant au respect du droit du travail.

Et il y a matière à s'interroger sur le respect de ce droit quand on connaît les conditions de travail des salariés de ce site. Ainsi, les risques psychosociaux atteignent des sommets tant la situation devient intolérable pour nombre de ces travailleurs. Cette direction n'investit plus et laisse mourir à petit feu l'activité, ce qui conduit à des situations invraisemblables.

On demande aux salariés une présence sur place, sans leur donner de travail. Les salariés passent ainsi des journées entières dans l'attente et le désoeuvrement, entretenus dans l'idée qu'ils sont inutiles et que l'issue inéluctable est le licenciement.

Je vous laisse imaginer quel peut être l'impact sur ces salariés qui, pour beaucoup, ont fait toute leur carrière dans cette entreprise et savent que les perspectives de retrouver un emploi à 50 ans sont quasi nulles.

Mais c'est aussi la question de leur santé qui se pose, quand on voit le nombre de cancers développés par des hommes à peine retraités du site. La justice a déjà commencé à se pencher sur l'utilisation de produits cancérigènes dans la production de ces pneumatiques et s'interroge notamment sur le respect de l'information des salariés.

Pour toutes ces raisons, le groupe écologiste est évidemment favorable à la mise en place de cette commission d'enquête. Elle aura le double intérêt d'éclairer un cas particulier, mais aussi des modes opératoires qui persistent depuis trop longtemps dans notre pays : une analyse riche d'enseignements, au regard de l'agenda parlementaire des prochains mois.

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