Intervention de Najat Vallaud-Belkacem

Réunion du 18 juin 2013 à 17h00
Délégation de l'assemblée nationale aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes

Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes :

Je souhaite évidemment qu'on le fasse dans le cadre de cette réforme. Le rapport de l'IPP sera rendu public dans les jours qui viennent et sans doute pourrez-vous le recevoir dès la semaine prochaine. Vous serez donc à même de contribuer à ce travail. Madame la présidente, vous vous interrogiez sur le rôle du Parlement. Il est évident que vos propositions sur ce sujet sont très attendues.

Vous m'avez également demandé pourquoi on ne reviendrait pas sur le report à soixante-sept ans de l'âge de départ à la retraite. Que les choses soient claires : je partage l'idée que les mécanismes de décote de 2010 ont pénalisé les femmes. J'ai demandé à Mme Yannick Moreau pourquoi elle n'avait pas chiffré cette éventualité. Elle m'a répondu qu'elle ne disposait pas de suffisamment d'éléments pour le faire. C'est un sujet que l'on peut en effet regarder de plus près, mais il m'est difficile de vous en dire plus aujourd'hui.

Ensuite, sur le temps partiel, j'avais discuté avec vous d'une mesure qui a été reprise par la commission Moreau, et que je trouve intéressante : un salarié à temps partiel pourrait reporter d'une année sur l'autre les heures excédentaires qui n'ont pas donné lieu à validation de trimestres. Par exemple, une femme qui aurait cotisé 750 heures payées au SMIC validerait trois trimestres, donc trois fois 200 heures. Mais les 150 heures qui resteraient pourraient être reportées pour valider un autre trimestre. Cela augmenterait donc le nombre de trimestres validés.

Je pense qu'il faut aller dans le sens de cette proposition. Pour autant, cela ne résout pas le problème que vous avez été plusieurs à aborder : comment faire en sorte de rendre effective la possibilité laissée, par la loi, aux employeurs de surcotiser ? Nous pourrions au moins essayer d'obtenir que, dans les branches qui n'auraient pas conclu un accord sur les modalités d'organisation du temps partiel comme cela leur est imposé aujourd'hui par l'ANI, cette cotisation équivalent temps plein soit réclamée avec davantage de fermeté. Mais c'est le type de sujet qui sera abordé avec les partenaires sociaux. Nous y reviendrons après la conclusion de l'accord de demain, et je referai le point avec vous.

Mme Gueugneau s'est inquiétée des petites retraites. Là encore, le rapport Moreau fait des propositions intéressantes. On pourrait fixer une règle selon laquelle le montant minimal de la pension de retraite doit être équivalent à 85 % du SMIC pour les carrières complètes. C'est un point que l'on est en train d'étudier, car il faudra aussi s'intéresser aux carrières incomplètes. Ce serait une avancée intéressante.

S'agissant des services à la personne, vous avez tout à fait raison. Nous avons intérêt à ce qu'ils se développent, si ce n'est qu'ils créent par nature des emplois à temps partiel. Mais nous sortons là de la réforme des retraites. Quoi qu'il en soit, j'ai évoqué à plusieurs reprises cette question avec le Premier ministre. Je souhaite vivement que l'on s'attaque de façon ambitieuse au chantier des services à la personne et que l'on en étudie tous les aspects.

Les services à la personne libèrent certaines femmes : en déléguant un certain nombre de tâches domestiques, elles peuvent travailler. Mais nous devons nous préoccuper de ceux qui exercent ces tâches, et qui sont principalement des femmes. Or nous n'avons peut-être pas suffisamment travaillé sur la qualité de ces emplois – exercés souvent au domicile de l'employeur. L'un des réponses est la création de filières, mais aussi la professionnalisation des salariés. J'ai souhaité m'impliquer dans ce chantier des services à la personne, qui représentent un gisement d'emplois qu'il ne faut pas négliger. Vous en aurez des nouvelles assez prochainement.

Je pense avoir répondu à Mme Zimmermann à propos des droits familiaux. Et je suis d'accord avec elle : l'idéal serait d'aller plus loin que la loi de sécurisation de l'emploi, s'agissant du temps partiel.

Je répondrai à Mme Untermaier que le sujet des polypensionnés figure dans les priorités du rapport Moreau. La logique proposée consisterait à créer une passerelle entre les règles du régime général et celles des régimes spéciaux. C'est un sujet essentiel, qui concerne très souvent des femmes. Mais nous n'en sommes encore qu'au stade de la réflexion.

Je lui répondrai également que le non travail le dimanche doit rester la règle. Les conditions de travail et de rémunération qui sont faites aux femmes qui travaillent le dimanche, notamment dans les grandes surfaces, nous incitent à rester sur ce principe.

Mme Pinville m'a interrogée sur les femmes âgées immigrées. Nous étudions cette question dans le cadre des conventions bilatérales que nous réactualisons avec un certain nombre de pays concernés, notamment en Afrique du Nord. La question du statut et des conditions de vie des personnes âgées fait partie des sujets traités. Si vous le voulez, nous pourrons en reparler. J'aimerais que vous travailliez avec nous sur le sujet.

M. Denaja m'a interrogée sur la fiscalité appliquée aux veuves retraitées – la demi-part fiscale. Nous abordons ce sujet sous l'angle de la réduction de la pauvreté. Je vous l'ai dit, 700 000 femmes se trouvent sous le seuil de pauvreté, une fois arrivées à l'âge de la retraite. Mais la demi-part fiscale attribuée aux veuves peut aussi être considérée comme une niche fiscale. Nous allons nous en préoccuper.

Mme Gueugneau s'est inquiétée de la situation des conjoints collaborateurs. Il se trouve que la France a transposé la directive européenne de 2010, qui pose le principe d'égalité de traitement. Par ailleurs, certaines dispositions du futur projet de loi sur l'égalité entre les hommes et les femmes concerneront les congés de maternité et paternité. Mais vous avez raison, la réforme des retraites devra également s'intéresser à ces conjoints collaborateurs. J'examinerai avec attention les propositions que vous pourrez faire sur ce sujet. En effet, je n'ai pas l'impression qu'il ait été abordé par le rapport Moreau.

Madame Duby-Muller, vous voyez une contradiction entre le fait de chercher à remettre les femmes dans l'emploi et les mesures prises par le Gouvernement qui ne les inciteraient pas à retravailler.

Les mesures adoptées dans le cadre de la réforme de la politique familiale – à laquelle j'ai participé – visent à permettre aux femmes de concilier travail et vie personnelle. Celles que vous avez mises en avant comme, par exemple, la réduction du quotient familial, ne doivent pas en occulter d'autres, très importantes, comme la création de places de crèches, le doublement du complément familial ou la revalorisation de 25 % de l'allocation de soutien familial.

La réforme de la politique familiale répond à un objectif de solidarité avec les familles les plus en précarité, et de modernisation de notre politique familiale. Il s'agit, notamment, de prendre en compte le fait que les femmes travaillent – d'où la création de places de crèche.

Je reconnais, madame Orphé, qu'à La Réunion, la pauvreté est plus grande que dans l'hexagone et les enjeux bien spécifiques. M. Victorin Lurel sera présent, en tant que ministre des outre-mer, à la Grande conférence sociale, et il aura le privilège de pouvoir participer à différents ateliers. Ce sera pour lui l'occasion de porter les enjeux de La Réunion.

Mesdames et messieurs les députés, voilà ce que je pouvais vous répondre. Vous avez compris que de nombreuses questions sont encore à l'étude. Certes, l'exercice auquel nous nous sommes pliés aujourd'hui ne constitue qu'une étape. Mais il était important de réaffirmer nos objectifs et de poser ces questionnements pour pouvoir avancer. Nous verrons comment s'engagera la Grande conférence sociale, qui devrait se terminer à la fin du mois de septembre. Les suggestions que vous pourrez nous faire parvenir d'ici là seront les bienvenues.

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