Mes chers collègues, nous entendons aujourd'hui M. Arnaud Montebourg, ministre du redressement productif, qui est, à ce titre, chargé de l'industrie. Notre commission arrive au terme de ses travaux même si elle n'a pas terminé sa réflexion. Nous avons non seulement entendu tous les grands acteurs de la filière sidérurgique mais aussi de nombreux segments des activités métallurgiques, sans oublier les secteurs de l'aluminium et du cuivre.
Il va sans dire que nos auditions et nos déplacements ont également été l'occasion de rencontrer les représentants syndicaux, au niveau des grandes fédérations comme des usines. Nous avons du reste consacré une table ronde spécifique aux organisations syndicales toute une matinée à l'Assemblée nationale, salle Lamartine. La commission d'enquête s'est par ailleurs déplacée en Savoie, à Dunkerque, à Fos-sur-Mer et en Lorraine. Elle a également rencontré, la semaine passée, le Commissaire Tajani, qui a évoqué le Plan acier européen adopté la veille.
Nous avons bien conscience, Monsieur le ministre, que nos travaux ne peuvent prétendre à l'exhaustivité. Nos constatations et nos propositions n'épuiseront pas le sujet. Il s'agit de savoir si notre industrie et les orientations des politiques commerciale, industrielle et énergétique de l'Union européenne sont en mesure de faire face aux défis de la mondialisation des échanges, notamment à la concurrence et souvent au dumping économique et social, de producteurs que l'on qualifie d'émergents alors qu'ils sont d'ores et déjà souvent dominants !
Ces questions, qui engagent le devenir de centaines de milliers d'emplois, mettent en jeu la souveraineté économique des principaux pays européens et donc l'indépendance de leurs approvisionnements dans des domaines absolument vitaux.
La commission s'est bien évidemment intéressée à la situation du groupe ArcelorMittal. Elle a d'ailleurs auditionné M. Lakshmi Mittal, le 17 avril dernier. Le respect scrupuleux qui est attendu de lui de l'accord qu'il a signé avec le Gouvernement, à la fin de l'année 2012, constitue un point non négociable.
Plus généralement, la commission a constaté qu'une partie essentielle des activités sidérurgiques et métallurgiques qui, il y a encore deux décennies, dépendaient de groupes français, nationalisés ou privés, est passée sous contrôle étranger, ce qui ne simplifie pas les choses. Au-delà du cas d'ArcelorMittal, il y a eu l'explosion du groupe Péchiney, qui était pourtant un leader mondial et une véritable multinationale française. Le contrôle de groupes étrangers porte aujourd'hui sur de nombreuses autres entreprises des secteurs qui retiennent l'attention de la commission. Ainsi, un fonds d'investissement américain, Apollo Global Management, est devenu l'actionnaire majoritaire de Constellium, qui regroupe des activités de transformation autrefois comprises dans le groupe Péchiney, ainsi que d'Ascométal, un spécialiste des aciers spéciaux qui travaille pour plus de 50 % à destination des constructeurs automobiles.
S'il ne s'agit pas pour nous de succomber à un nationalisme d'un autre âge, vous comprendrez cependant aisément, monsieur le ministre qu'une telle situation ait de quoi nous inquiéter. Car ces entreprises sous contrôle étranger sont les fournisseurs de secteurs stratégiques de notre économie comme l'aéronautique, les transports ou encore le nucléaire et la construction.
Nous touchons là à des questions de souveraineté. Il nous importe donc de savoir ce que les pouvoirs publics peuvent encore faire. Nous écouterons avec la plus grande attention les précisions que vous nous apporterez sur la doctrine d'investissement dans ces activités de la Banque publique d'investissement – BPI –, qui a absorbé le Fonds stratégique d'investissement – FSI. Les actionnaires continueront-ils encore longtemps à jouer au Monopoly industriel avec les sites de productions français au nom de stratégies lointaines qui manquent souvent de limpidité ? Cette question sous-tend une problématique essentielle pour la commission d'enquête, puisqu'elle porte sur nos savoir-faire et nos capacités de recherche et d'innovation, des domaines où la France a longtemps été en position de leader.
Voilà, Monsieur le ministre, ce que je tenais à rappeler de nos travaux antérieurs à votre audition. Après vous avoir entendu au titre de votre exposé liminaire, notre rapporteur, Alain Bocquet, et nos autres collègues engageront avec vous le dialogue au travers de questions que je souhaite à la fois brèves et précises, sachant que vos obligations nous fixent 18 h 30 comme limite à votre audition.
Au préalable, conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958, je vous demande de prêter le serment de dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité.