Certains commentaires n'appellent naturellement pas de réponse de ma part, non plus que les questions qui ne relèvent pas de la compétence de la Cour. Quoi qu'il en soit, je remercie votre Commission de l'intérêt qu'elle prête à notre rapport. Nous considérons en effet qu'il est de notre devoir de donner au Parlement les moyens de débattre de la façon la plus éclairée des orientations des finances publiques, y compris par des informations sur l'année en cours, comme nous l'avons expliqué au Gouvernement.
Nous avons, il est vrai, pointé certains risques de dépassement des déficits prévus en 2013, mais l'ordre de grandeur est comparable aux années précédentes. L'an dernier, nos analyses étaient les mêmes, au grand dam de certains ; aujourd'hui, elles en déçoivent d'autres… La Cour se doit d'être objective, et ses observations, s'agissant des sous-estimations budgétaires, sont hélas récurrentes. Nous souhaiterions bien entendu qu'il soit mis fin à cette pratique, pour des raisons de transparence et de sincérité.
Le risque sur la masse salariale est intégré dans nos prévisions et ne s'y ajoute donc pas ; pour l'essentiel, il concerne la défense : pour cette mission, la prévision, le suivi de l'exécution budgétaire, y compris en temps de paix, souffrent de beaucoup de faiblesses. En tout état de cause, l'ordre de grandeur reste comparable à l'an dernier.
Quant à la charge de la dette, les 500 millions d'euros d'économies sont déjà acquis grâce au moindre coût des obligations assimilables du Trésor (OAT), indexées sur l'inflation. Un relèvement des taux d'intérêt est possible, mais il ne pèsera que très marginalement en 2013 ; il peut bien entendu en aller différemment dans les années à venir, compte tenu du niveau de la dette, qui rend notre pays très sensible à ces fluctuations.
La Cour n'identifie pas de risque accru par rapport aux années précédentes s'agissant des normes « zéro valeur » ou « zéro volume », qui devraient être respectées grâce aux mesures de régulation. L'annulation, qui avait atteint 3,7 milliards en 2012, pourrait être du même ordre cette année. Reste cependant l'inconnue des prélèvements sur recettes au profit de l'Union européenne.
Pour les recettes, le risque tient à des hypothèses trop optimistes. Le budget repose sur une hypothèse de croissance de 0,1 % ; l'INSEE, de son côté, prévoit une récession de 0,1 % et l'OCDE est plus pessimiste encore. C'est la raison pour laquelle nous estimons que le déficit devrait être plus proche de 4 % que de 3,7 %.
Les prévisions de recettes pour l'impôt sur le revenu en 2013 ont été revues à la baisse dans le programme de stabilité. Les revenus de 2012, sur lesquels cet impôt est assis, étant connus, ces prévisions devraient être fiables et les mesures nouvelles ne compromettent pas leur équilibre.
Des travaux sont en cours, que nous entendons poursuivre, sur les outils de prévision relatifs au recouvrement des recettes fiscales ; mais c'est là un exercice difficile, y compris au regard de l'accès aux informations.
Le comité d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie a fait savoir que l'ONDAM pourrait, sous réserve d'une gestion vigilante, être sous-exécuté à hauteur de 500 millions d'euros. Nous n'avons pas identifié de risque particulier pour les autres dépenses sociales ; celles de l'UNEDIC ont été revues à la hausse dans le programme de stabilité.
La Cour des comptes, je l'ai dit, ne propose pas de mesures d'urgence supplémentaires sur l'année 2013, la modicité des résultats étant essentiellement due à l'atonie de la croissance. Nous avions invité les responsables politiques – avant tout européens – à hiérarchiser les critères et à raisonner en termes de déficit structurel, afin de tenir compte de la conjoncture. En revanche, il reste absolument nécessaire de respecter tous les engagements qui ont été pris. Pour le moment, l'effort à réaliser demeure insuffisamment documenté pour les années 2014 et 2015, mais les textes à venir devront en préciser les contours. La Cour ne définit pas les objectifs à atteindre ; elle ne fait que proposer des pistes pour permettre de respecter les engagements pris par le Gouvernement et approuvés par le Parlement.
Si l'addition de politiques d'ajustement peut, en effet, avoir un effet récessif, le refus de réduire les déficits publics pourrait entraîner des conséquences plus désastreuses encore. Les mesures à prendre sont difficiles, mais nécessaires ; aux décideurs politiques d'apprécier, en fonction de leurs priorités, où cet effort de réduction des dépenses doit porter.
C'est à vous – et non à la Cour – qu'il revient de juger de la pertinence d'un collectif budgétaire. En revanche, pour que les citoyens puissent s'y retrouver, nous appelons les responsables politiques à actualiser les documents de référence et à les rendre cohérents entre eux. Le Conseil européen ayant validé les orientations proposées par la Commission, vous pourriez réviser, à l'automne, les textes désormais caducs.
Monsieur Alauzet, la Cour des comptes ne dispose pas de modèles économiques propres et s'appuie notamment sur ceux de Bercy. Toutes les mesures de freinage ou de réduction de la dépense n'ont pas forcément de conséquences sur l'activité et l'emploi ; il en va ainsi des mesures que nous proposions dans notre rapport portant sur l'éducation nationale comme d'autres économies possibles. Pour réduire les effets négatifs, nous recommandons d'évaluer l'impact des mesures envisagées et de privilégier les réformes structurelles. Plus vous les retarderez, plus vous devrez recourir à des mesures de freinage indifférenciées, aux conséquences souvent indésirables. Nous renouvelons donc l'invitation à engager des réformes de fond sur l'ensemble des politiques publiques qui concernent tant l'État que la sécurité sociale ou les collectivités territoriales.
À ce propos, madame Girardin, la Cour estime qu'il existe des marges de manoeuvre en matière de dépense des collectivités territoriales. Les baisses des dotations de l'État doivent sûrement être modulées en fonction des différentes catégories de collectivités : les marges sont certainement moindres sur les conseils généraux que sur les communes et l'intercommunalité. Au mois d'octobre, nous vous remettrons un rapport sur les finances des collectivités territoriales ; nous tentons d'y identifier les économies possibles, revenant sur des sujets aussi sensibles que la masse salariale, qu'il nous paraît possible de mieux maîtriser.
Monsieur Alauzet, deux types d'effort peuvent être entrepris pour améliorer la collecte des impôts : en stabiliser, voire en réduire le coût de gestion, et intensifier plus encore la lutte contre la fraude fiscale. Nous continuerons à suivre ce sujet avec attention.
Certaines questions m'ont été adressées en ma qualité de président du Haut Conseil des finances publiques. Tout comme le Gouvernement, nous souhaitons mieux définir la notion de recettes et de dépenses exceptionnelles. Je l'ai déjà évoqué : les recettes de la licence 4G relèvent, à nos yeux, de cette catégorie. S'entendre sur une charte éviterait les différends sur ces sujets ; aussi devrions-nous travailler en liaison avec la Commission européenne, afin d'élaborer les définitions les plus proches possible. Le Haut Conseil poursuivra également sa réflexion sur la définition de la croissance potentielle et de son niveau.
Pendant longtemps, les opérateurs ont été épargnés par l'effort de maîtrise de la dépense publique ; nous avons cependant insisté pour qu'ils y participent au même titre que les autres acteurs. Le pilotage et le suivi dans ce domaine restent encore embryonnaires, et des progrès doivent être faits pour mieux gérer les dépenses des opérateurs et contrôler la façon dont ils respectent les normes et mettent en application les orientations qui leur sont fixées.
Faut-il continuer la lutte contre les niches fiscales ou bien réduire certaines dépenses ? Il faut faire les deux, madame la députée ! Le rapport coût efficacité de certaines dépenses fiscales est loin d'être optimal, et la remise en cause des niches peut contribuer à une action publique plus efficace et plus juste. Quant aux conséquences sur le taux de prélèvements obligatoires, si l'on souhaite maintenir celui-ci à un niveau constant, on peut par ailleurs réduire les impôts.
Notez que la dépense publique continue à augmenter plus vite que l'inflation, seul son rythme d'évolution étant à ce stade ralenti. Un effort reste donc nécessaire afin de parvenir à réduire les dépenses publiques dont le niveau s'établit, je l'ai dit, à 56,6 % de PIB, égalant presque celui du Danemark sans s'accompagner d'une efficacité comparable des politiques publiques.