Pour avoir été chargé, dans de précédentes fonctions, de la mise en place du système informatique du porte-avions Charles de Gaulle, j'ai une certaine expérience de la conduite des projets informatiques. Mais concernant Louvois, je n'étais pas le directeur de programme.
Il est vrai que Louvois a fait l'objet de trop peu de tests. Les marchés publics de ce type comprennent toujours une clause optionnelle, permettant le développement de plateformes de simulation ou de tests à la demande du ministère. Mais cette option a un coût, et l'ordonnateur du marché a souvent tendance à « rogner » sur cette dépense. C'est au directeur de programme qu'il appartient d'être suffisamment puissant pour obtenir la réalisation des tests nécessaires ; ils mériteraient d'ailleurs d'être rendus obligatoires.
Il convient de rappeler que, avant Louvois, le taux d'erreur dans le calcul des soldes des armées s'établissait à environ 1 % environ, et que les erreurs étaient corrigées en général dans les trois ou quatre mois. Lorsque le nouveau logiciel a été mis en place, les personnels ont donc naturellement pu penser que les erreurs constatées seraient reprises dans les mêmes délais. D'ailleurs, toutes les armées et tous les services ne partaient pas de la même situation : la marine et le SSA étaient en avance sur l'armée de terre dans l'organisation des opérations qui se tiennent en amont du calcul de la solde, notamment pour ce qui est de la tenue des dossiers administratifs. L'armée de terre, elle, a « basculé » sur Louvois alors que la mise à jour de ses systèmes d'information en ressources humaines était encore en cours, ce qui peut expliquer un plus grand nombre d'erreurs. Par ailleurs, si Louvois ne permet pas de retraiter efficacement des données antérieures à son déploiement, c'est une erreur de spécification du logiciel ; mais il faut préciser que les spécifications ont été définies sans que les armées y soient systématiquement associées.
On dit souvent que l'ancien logiciel de solde de l'armée de terre était obsolète : il est vrai qu'il vieillissait, mais on ne peut pas dire qu'il risquait de s'effondrer de façon imminente à l'automne 2011. Il est d'ailleurs encore utilisé pour la solde de nos 96 000 gendarmes, quelle que soit la complexité de leur régime indemnitaire. Simplement, le vieillissement du logiciel conduit à une hausse des coûts de maintenance.
S'agissant du calendrier du projet Louvois, on aurait en effet pu l'entamer plus tôt, mais cela avait un coût, et il faut préciser que par définition, le choix de remplacer les divers logiciels existants par un logiciel de paie unique rend le processus plus complexe, donc plus lent.
Quant à l'idée d'un « plan B », lorsque nous suggérions qu'il fallait se laisser la possibilité de revenir à l'ancien système de calcul et de liquidation de la solde, cela nous a toujours été refusé, au motif que cela aurait supposé de conserver les CTAC. Leur fermeture a été accélérée par la RGPP, qui a pu constituer un facteur aggravant dans les dysfonctionnements de Louvois : sans la RGPP, Louvois aurait présenté les mêmes dysfonctionnements, mais on les aurait peut-être mieux gérés.