Intervention de Jean-Philippe Mallé

Réunion du 19 juin 2013 à 9h45
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Mallé, rapporteur :

Avant de vous présenter le détail de ces deux textes, quelques mots pour rappeler l'importance de la coopération transfrontalière, notamment dans le domaine de la santé. Notre pays a déjà signé dans le passé deux accords dans ce domaine, avec l'Allemagne et avec la Belgique, en vigueur depuis 2006 et 2007. Dans les deux cas, il s'est agi de résoudre les difficultés d'accès aux soins dans les zones frontalières concernées et de mettre fin aux obstacles administratifs liés au franchissement des frontières. Ce sont des accords qui ont encouragé une coopération sanitaire fondée sur l'exigence de continuité des soins, et qui ont traduit la volonté commune des Parties d'une organisation de l'offre de soins qui soit adaptée aux besoins des populations locales. Ils ont donné aux différentes coopérations locales existantes un cadre juridique homogène.

Les zones frontalières représentent une part importante de notre territoire national, 28 départements au total, dans lesquels vivent 10 millions de nos concitoyens. Elles sont dynamiques mais pâtissent de leurs particularités, comme la mission parlementaire sur la politique transfrontalière l'avait conclu dans son rapport au Premier ministre en 2010, en proposant plusieurs recommandations pour mieux répondre aux besoins de services des populations frontalières.

Outre la coopération sanitaire, de nombreux autres secteurs font également l'objet de coopérations bilatérales, comme vous le verrez dans le rapport. Une dizaine de programmes sont actuellement mis en oeuvre avec la Belgique, le Luxembourg, l'Allemagne, la Suisse, l'Italie et l'Espagne, soit avec la totalité de nos voisins, qui portent sur les questions économiques, sociales, culturelles, sur l'environnement, sur la valorisation des ressources naturelles, le partage d'infrastructures ou encore la recherche. Parmi ces multiples aspects, la question de la coopération sanitaire transfrontalière était notamment abordée dans le rapport de la mission parlementaire de 2010, qui proposait notamment de mutualiser une offre transfrontalière en matière de santé et d'accès aux soins.

Cette mutualisation existe d'ores et déjà : avec la Belgique ou l'Allemagne, de nombreuses conventions bilatérales unissent des établissements hospitaliers de chaque côté de la frontière. Ces accords organisent la libre circulation des patients de l'une ou l'autre nationalité, qui peuvent donc recevoir des soins dans l'un ou l'autre pays, et celle des professionnels de santé, qui peuvent intervenir sur le territoire de l'autre pays. C'est le cas des accords entre le CHU de Dunkerque et des hôpitaux belges, de ceux entre les hôpitaux de Mouscron et Tourcoing en matière d'hémodialyse ou de maladies infectieuses, ou encore la coopération pour les grands brûlés avec l'Allemagne.

Cette mutualisation est aussi très précisément l'objet de l'accord-cadre franco-espagnol. Les deux Parties innovent en créant le premier hôpital transfrontalier européen qui se situera à Puigcerdá, en Cerdagne, sur le côté espagnol de la frontière. Même s'il n'apparaît pas dans le texte, cet hôpital est néanmoins à l'origine de l'accord-cadre que nous examinons aujourd'hui. La Cerdagne est une région dans laquelle les conditions naturelles sont difficiles et rendent l'accès aux services de santé compliqués : c'est un plateau isolé, entouré par les Pyrénées, situé à une altitude comprise entre 1200 et 1500 mètres. La population totale est de près de 30 000 habitants sur quelque 1300 km2, également répartis de chaque côté de la frontière franco-espagnole. C'est un territoire peu peuplé : côté français, on dénombre 36 communes, dont la plus grande, Font-Romeu, n'atteint pas les 2000 habitants. En Basse Cerdagne, côté espagnol, la ville de Puigcerdá, qui est mitoyenne de Bourg-Madame, est un peu plus importante et compte 9000 habitants. Compte tenu de la très faiblesse densité de population, les conditions ne sont pas réunies pour une offre de soins développée. Ainsi, les seules maternités du département des Pyrénées orientales se trouvent à deux heures de route, à Perpignan, distante d'une centaine de kilomètres. La Cerdagne française ne dispose d'aucun service d'obstétrique ou de chirurgie, puisque la première clinique chirurgicale est à Prades, à 1h30 de route. Les conditions climatiques rendent en outre les routes, qui sont étroites, impraticables en hiver alors que la fréquentation touristique conduit à des pics de population de 150 000 personnes, notamment en hiver.

Ces données justifient de travailler à la bonne complémentarité des installations sanitaires existantes de chaque côté de la frontière, à leur amélioration, pour élever l'offre de soins tout en évitant un dédoublement coûteux des moyens disponibles. Après une coopération entamée il y a 25 ans avec l'hôpital de Puigcerdá, situé à un kilomètre de la frontière, la création d'un hôpital transfrontalier a été décidée et, pour la première fois, un hôpital est géré, dès sa construction, de manière transfrontalière. Un GECT - Groupement européen de coopération territoriale - entre la France et l'administration sanitaire catalane a été constitué pour assurer la gestion intégrée de la structure avec la participation du gouvernement français et de la Généralité de Catalogne. La construction du bâtiment est aujourd'hui terminée, et l'hôpital devrait ouvrir ses portes au plus tard à la fin de l'été, après quelques retards.

Cet accord a été conclu car, de la même manière que pour les précédents, avec la Belgique et l'Allemagne, il était nécessaire de donner à cette coopération un cadre juridique général dans lequel elle s'inscrirait. Les négociations entamées en 2007 ont abouti en 2008 à la signature des textes qui nous sont aujourd'hui présentés, qui ne se limitent évidemment pas au seul hôpital de Puigcerdá, qui n'est pas mentionné bien qu'il ait été l'élément déclencheur de la négociation. Côté français, sont concernées les zones frontalières des régions Aquitaine, Languedoc-Roussillon et Midi-Pyrénées, et côté espagnol, les zones frontalières des Communautés autonomes du Pays basque, de Catalogne, d'Aragon et de Navarre.

L'accord définit surtout le cadre général de la coopération sanitaire transfrontalière entre nos deux pays et notamment sa finalité, qui est d'assurer un meilleur accès à des soins de qualité pour les populations de la zone, qu'elles soient résidentes ou de passage, de garantir à ces populations une continuité des soins, d'optimiser l'organisation de l'offre de soins en facilitant l'utilisation ou le partage des moyens humains et matériels et de favoriser la mutualisation des connaissances et des pratiques.

Dans la mesure où il est destiné à encadrer les coopérations locales, l'accord-cadre prévoit la possibilité de conventions de coopération sanitaire, destinées à organiser la coopération entre des structures et ressources sanitaires situées dans la zone frontalière, à définir et organiser des complémentarités entre les structures et ressources existantes.

L'article 3 de l'accord-cadre énumère le contenu de ces conventions qui doivent prévoir les conditions et les modalités obligatoires d'intervention des structures de soins, des organismes de sécurité sociale et des professionnels de santé, ainsi que de prise en charge des patients, étant précisé que cela porte selon les cas, sur les champs territorial et personnel dans lesquels s'appliquent ces conventions, sur l'intervention transfrontalière des professionnels de santé, y compris ses aspects statutaires, sur l'organisation du transport sanitaire des patients, la garantie de continuité des soins, sur les critères d'évaluation et de contrôle de la qualité et de la sécurité des soins, les moyens financiers nécessaires, ou encore les mécanismes de paiement, facturation et remboursement. Il est précisé que les conventions déjà existantes devront se conformer au présent accord-cadre. L'article 5 précise en outre, s'agissant de la prise en charge des soins, que les conventions devront prévoir la coordination nécessaire entre institutions compétentes pour l'envoi des patients sur le lieu de leurs soins en distinguant les cas dans lesquels une autorisation préalable est nécessaire, des autres cas.

L'accord d'application qui a été signé en septembre 2008 détaille de manière très précise les modalités d'application de l'accord-cadre. Il indique notamment quelles sont les autorités habilitées à conclure des conventions de coopération sanitaire ; concrètement, il s'agit pour la France des DRASS, DDASS ou des agences régionales de l'hospitalisation ainsi que des Unions régionales des Caisses d'assurance maladie. Il précise aussi minutieusement les conditions et modalités d'intervention transfrontalière des professionnels de santé, des structures de soins et des organismes de sécurité sociale, notamment quant à l'organisation des secours d'urgence et du transport sanitaire des patients, à la garantie de la continuité des soins et à l'évaluation et au contrôle de la qualité et de la sécurité des soins. Les modalités de prise en charge sont également précisées et un délai d'un an au maximum à compter de la date d'entrée en vigueur de l'accord-cadre est fixé pour la mise en conformité des conventions préexistantes, faute de quoi elles ne produiraient plus d'effet.

Je vous invite à approuver le projet de loi qui nous est soumis pour en autoriser la ratification qui permettra à cette coopération transfrontalière avec l'Espagne, et notamment à l'hôpital de Puigcerdá, de fonctionner de manière efficace et de rendre les services que les populations de la Cerdagne en attendent.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion